Chapitre 15

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Lucas

― Ne t'inquiètes pas, ça va bien se passer, tente de me rassurer Théo alors que nous sommes presque arrivés au bureau de mon père.

Il ne le connaît pas, moi si. Comme beaucoup de monde, mon père n'aime pas qu'on le prenne pour un con, surtout que là, je lui ai menti volontairement pendant plus de cinq ans. Je suis peut-être un trouillard, mais j'aimerais m'enfuir. Ce matin au réveil, j'étais motivé à aller lui parler, tout comme il y a encore dix minutes, mais là à vingt mètres de son bureau, c'est plus la même donne. D'ailleurs, heureusement que Théo a accepté de m'accompagner jusqu'à la porte, car sinon j'aurais fait demi-tour depuis longtemps.

― Bon, bah voilà, on y est, dis-je en dévisageant la porte.

― Ouais.

C'est Théo qui tapote et me fait pénétrer dans la pièce quand mon père crie « entrez ! ». Je le fusille du regard quand il lève ses pouces et m'encourage une dernière fois avant de refermer la porte. Je soupire, prends une grande inspiration et marche jusqu'au bureau de mon père.

― Bonjour, papa, le salué-je en m'asseyant sur un des fauteuils.

― Bonjour, fils. Que me vaut ta visite ?

― J'aimerais discuter avec toi.

Il pose son stylo et ferme le dossier sur lequel il bossait.

― Je t'écoute.

Je débute alors un long, très long monologue. Au fil de mon récit, je vois mon père se décomposer. J'avais prévu sa réaction puisqu'elle est logique, c'est pour ça que je ne me démonte pas et poursuis mes explications. Je n'omets aucun détail afin que tous les non-dits ne soient plus qu'un mauvais souvenir et que je reparte du bon pied avec lui. Enfin, dans l'optique qu'il me pardonne pour tout ça, ce qui, à cet instant, n'est pas à l'ordre du jour. À la fin de mon discours, mon père cogne son poing contre l'acajou de son bureau, me faisant sursauter. Son visage est devenu rouge et ses yeux me transpercent. Je me prépare mentalement à subir la plus grosse remontée de bretelles de tous les temps. 

― Lucas, Raphaël, Gaspard Beauvois, est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? hurle mon père. Tu me mets sur le fait accompli, m'as menti sur tes études, m'as fait croire pendant des années des choses et en plus, tu as même falsifié des bulletins pour augmenter ton mensonge. Tu aurais pu venir me parler bien avant aujourd'hui ! Lors de ton inscription en fac, par exemple !  Pourquoi tu ne l'as pas fait ? Je ne suis pas un tyran, je ne t'es même jamais puni avec mes mains. Ce n'est pas croyable...

Je n'en mène pas large, loin de là.

― Je te l'ai dit : j'ai essayé de te parler une ou deux fois, même maman. Mais à chaque fois, tu n'écoutais pas. Inconsciemment, tu n'avais que mon futur poste en bouche avec des étoiles plein les yeux et j'en passe.

Mon père fait une mimique comme pour dire « tu as raison ».

― Je confesse que je n'étais pas très ouvert sur le sujet, avoue-t-il. Ce palace est dans la famille depuis quasiment un siècle et j'étais obnubilé par ma succession. Peut-être qu'au fond de moi, je savais que tu n'étais pas fait pour ça, mais je refusais de le voir. Je suis désolé, fils. J'ai raté mon devoir de père sur ce point-là.

―J't'en veux pas, papa. Et c'est clairement pas moi qui vais te jeter la première pierre.

Moi non plus je ne suis pas tout à fait innocent dans cette histoire.

― Passons à un autre sujet. Quels sont tes vrais projets pro ?

Je repars de nouveau dans un monologue. À la fin de mon récit, je demande :

―Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

― Ne t'inquiète pas, tu as des cousins qui accepteront la relève ou alors, je vais former quelqu'un, après tout, rien ne presse.

Pour toute réponse, je ne fais qu'acquiescer, mais au fond de moi, je jubile.

― D'accord, merci papa.

― Maintenant, c'est à moi de discuter avec toi d'un sujet important.

― Je t'écoute.

― Le jeune homme avec lequel tu as passé un moment au gala, c'est bien le gagnant du concours ?

On était si transparent que ça avec Théo ? Je ne savais même pas qu'il nous avez vu.

― Oui, c'est exact, pourquoi ?

― Parce que je voudrais organiser un dîner à trois afin de rencontrer ce jeune homme qui accapare tes pensées.

Alors, là, je suis stupéfait.

― Comment tu l'as su ?

― J'ai des yeux pour voir, fils et surtout, je suis ton père.

Pas faux. Ça reste quand même gênant, n'ayant pas pour habitude de parler de mes compagnons avec lui et surtout il n'a jamais demandé un dîner pour rencontrer ne serait-ce qu'un de mes partenaires auparavant, donc pourquoi maintenant  il change d'avis? Je ne veux pas me triturer l'esprit avec ça, donc j'accepte avec plaisir et nous choisissons une date qui conviendra à nous trois. Ensuite, ayant du travail qui m'attend, je me lève,  le remercie encore une fois et me dirige vers la porte, le poids sur mes épaules ayant complètement disparu.

― Fils, attends !

Je me retourne.

― Oui ?  

― Je te donne ta journée et le reste de tes vacances pour que tu puisses profiter un maximum de Théo.

Alors là, je peine à le croire.

― T'es sérieux ?

― Absolument, répond-il en souriant.

Je cours dans sa direction et prends dans mes bras pour le remercier. Je m'éloigne de lui au moment où il me demande : 

― Au fait, tu sais pourquoi le robot de nettoyage a fonctionné toute la nuit dans la piscine ?

Oups... je suis extrêmement mal à l'aise. C'est moi qui ai allumé le robot hier soir avant que nous quittions la piscine. Je me suis dit qu'avec notre câlin, les clients auraient découvert une substance suspecte flottante dans l'eau à l'ouverture de la pièce, du coup j'ai fait en sorte que ça n'arrive pas. 

― Oui, c'est moi qui l'ai allumé hier, car des clients ont mangé dans l'eau. Apparemment, j'ai complètement oublié de l'éteindre...

Cette fois, je ne peux vraiment pas lui dire la vérité. Du moins une partie, car j'ai effectivement zappé de l'étreindre. 

― D'accord.

Il me donne un coup de main chaleureux à l'épaule. Je souris et je quitte son bureau. Théo est encore là, appuyé contre un mur et jouant sur son téléphone. Il le range dès qu'il me voit et m'embrasse.

― Alors ?

S'il savait. Je lui raconte tout et il accepte l'invitation de mon père. Ensuite, nous quittons le pôle de la direction en nous mettant d'accord sur les activités de la journée.

***
N/A : Eh voilà un nouveau chapitre :)

Ticket-gagnant (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant