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Lucas
― Tiens, tu as oublié le chargeur de ta tablette, dis-je en lui tendant l'objet en question.
La journée a passé à une vitesse fulgurante malgré qu'on a quasiment rien fait. Enfin, disons que j'ai tout fait pour qu'on ne fasse rien, car j'ai supposé que le temps filerait beaucoup moins vite. Grossière erreur, car entre se prélasser au soleil, regarder toutes les photos prises pendant ces trois semaines lors du goûter et se regarder avec des yeux de merlan frits, les heures se sont écoulées sans qu'on s'en aperçoive. Sur le chemin nous ramenant au palace, puisqu'on était à pied, j'ai même tenté par deux fois de rallonger notre parcours en prenant des raccourcis qui n'en étaient pas. Je me suis dit qu'avec ça, il raterait son vol. Malheureusement, Théo n'est pas idiot donc il a rapidement compris que je cherchais simplement à gagner du temps. Mais je ne me suis pas démonté et à cinq cent mètres du palace, je lui ai fait croire que je devais faire une course pour mon père. Ça aurait pu fonctionner, mais Théo, quand il a consulté sa montre, il a sorti précipitamment du magasin et a couru jusqu'au palace. Finalement, je l'ai suivi, le rejoignant dans sa suite. Heureusement, il ne m'en a pas tenu rigueur. Je crois qu'il comprend que je veuille tout tenter pour lui faire rater son avion. Je suppose aussi qu'il serait pareil à ma place.
À présent, il ne reste plus qu'une demi-heure avant qu'il ne parte et voilà qu'on finit de ranger ses dernières affaires au lieu de se faire un câlin ou même s'embrasser.
― C'est bon, tu n'as rien oublié d'autre ? le questionné-je.
Il observe tout autour de lui, l'air pensif.
― Non, je ne crois pas.
Il range son chargeur dans son sac à dos et le ferme. Bon et bien, ça y est, il est temps de nous dire au revoir. Nous nous fixons un long moment en silence avant que je ne saute dans ses bras. Il me serre fort contre lui et m'embrasse comme si sa vie en dépendait. Je réponds au baiser avec la même ferveur. Je ne veux pas le quitter. Il ne peut pas arriver une tornade ou je ne sais pas quoi d'autre pour que les avions ne puissent pas décoller ?
― Tu m'appelles dès que ton avion atterri ? demandé-je quand on reprend notre souffle.
Il acquiesce.
― Et tu me promets que tu m'appelleras et texteras régulièrement ? continué-je.
Il sourit. Son sourire sera l'une des nombreuses choses qui va me manquer. Sérieusement, on est vraiment obligé de se quitter ? Pourquoi on ne peut pas être heureux ensemble ? Je sais que tout est censé nous séparer, qu'on vient de deux mondes radicalement différents, mais on a réussi à prouver que cette histoire de rang social n'est qu'une connerie sociétale, alors pourquoi devons nous tout gâcher ?
―Uniquement si tu me le promets de ton côté.
― Je te le promets, Théo.
― Alors je le promets aussi.
Je pose ma tête au creux de son cou, profitant de ces derniers instants. Je suis en colère contre moi-même de ne pas avoir trouver de solution, mais je suis surtout en colère contre Théo d'avoir refusé ma proposition de s'expatrier en Amérique. Plus j'y pense, plus je ne comprends pas ce qui l'en empêche. N'importe quel jeune serait enchanté à sa place, surtout quand il y a des personnes sur place qui peuvent le loger gratuitement et les aider avec l'administratif. D'accord, de nos jours c'est difficile d'avoir un CDI, surtout à notre âge, mais même s'il repartirait en France dans quelques années, son expérience aux U.S.A serait une ligne d'or sur son C.V. et tout employeur serait ravi d'avoir dans son équipe quelqu'un qui parle couramment anglais et qui a eu une expérience aux U.S.A. Mais bon, il a pris sa décision et je dois l'accepter. Nous restons un long moment comme ça. Puis, tentant le tout pour le tout, j'essaie une nouvelle fois de le faire changer d'avis. Moi, désespéré ? Oui, complètement. Cependant, je l'assume entièrement.
― Théo, vient avec moi à New York. J't'en prie ! Elle est super la vie là-bas, puis tu...
Il pose un doigt sur mes lèvres.
― Chut ! Tais-toi...
J'aurais au moins tenté le coup. Cela n'empêche pas mon cœur de se briser en mille morceaux à ce moment-là. Je repose ma tête contre son cou et y reste un long moment. C'est lorsque les bagagistes frappent à la porte que nous nous séparons. Théo va ouvrir.
― Bonjour messieurs, je vous en prie, entrez.
En quelques secondes, les valises disparaissent de la suite et on se retrouve de nouveau seul. La suite est soudainement bien vide sans ses affaires. Théo consulte sa montre.
― Mon chauffeur doit m'attendre et je dois aller dire au revoir à Étienne avant de partir. Tu m'accompagne jusqu'au hall ?
Je frotte mes joues. Les larmes coulent d'elles-mêmes.
― Non, pas la peine de souffrir davantage.
― D'accord.
Il me prend une dernière fois dans ses bras, me serre jusqu'à ce que je perde presque mon souffle et m'embrasse une énième fois.
― Je t'aime, Lucas. Ne l'oublie pas.
― Jamais de la vie. Je t'aime aussi, Théo.
Il pose ses lèvres sur mon front avant de me lâcher. Je le regarde ouvrir la porte et disparaître dans le couloir après s'être tourné une dernière fois vers moi et m'avoir souri. J'ai mal partout dans mon corps à tel point que j'ai l'impression que c'est une partie de mon âme qui se détache pour s'en aller avec lui. Quand je me retrouve seul dans cette pièce immense, mon cœur s'emballe et je ne peux m'empêcher de regarder autour de moi, espérant avoir une illumination de dernière seconde, car je refuse que notre histoire se termine de cette façon. Je commence à paniquer et me frotte la nuque, tentant de juguler ma respiration qui augmente considérablement. Ma mère. Il faut que j'appelle ma mère. Avec un peu de chance, elle trouvera la solution.
― Allô, mon chéri, ça va ?
― Non, absolument pas. Théo va s'en aller, là. Trouve-moi une solution, s'il te plaît.
― OK, OK, avant toute chose, respire Lucas. tu fais une crise de panique, là.
Je me calme au plus vite, n'ayant pas de temps devant moi. Quand c'est fait, je lui explique mes deux principales idées, le refus de Théo. Je parle tellement vite qu'elle me demande de me répéter une deuxième fois. Cette fois, je lui fais un résumé. Ensuite, je la laisse réfléchir en tapant du pied. L'attente me paraît être une éternité. Quelques minutes plus tard, elle émet enfin le son de sa voix :
― Je vois. Ecoute, peut-être qu'il a simplement peur de sauter le pas. Après tout, je le comprends, c'est un changement de vie radical et avec les problèmes que rencontre l'Amérique du nord, c'est normal qu'il....
Je lève les yeux au ciel. Elle radote, là. Et on perd un temps phénoménal.
― Maman ! la coupé-je. Va droit au but.
― Réitères une dernière fois ta proposition. S'il refuse, tu lui énumères tout ce que tu feras pour lui trouver un boulot ou autre. Et en dernier recours, tu le supplies... à genoux.
Oui donc en fait, elle a pas plus d'idées que moi. Par contre, ses paroles me font tiquer. Elle a parfois de drôles d'idées, cependant, cette fois, je ne sais pas si elle est sérieuse ou non.
― C'est de l'humour ? Si c'est ça, j'suis pas d'humeur à rire, maman !
― Ah non, non, je n'ai jamais été aussi sérieuse. Je te conseille réellement de l'implorer à genoux. S'il y a du monde autour de vous, c'est encore mieux, car il n'aura pas la force de refuser s'il y a des yeux scrutateurs. C'est de la psychologie, enfin je crois.
― Hein ? Hors de question que je supplie de cette manière en public. Je suis désespéré, mais il y a une limite, quand même.
Ma mère soupire.
― Lucas, dans la vie il faut parfois mettre sa dignité de côté. Donc va le rejoindre et endort ta virilité s'il le faut !
Oh et puis, merde, ma mère à raison. Je vais mettre le paquet, quitte à me mettre à genou, voire à ramper. Je lâche son téléphone et fonce jusqu'au hall d'accueil en priant pour qu'il ne soit pas trop tard. Sur le chemin, je bouscule des employés ainsi que des clients. Je m'excuse à demi-mot, n'ayant qu'un seul objectif en tête : arriver à l'entrée avant qu'il ne soit trop tard. Je ne sais pas encore ce que je veux. S'il m'aime vraiment, il finira par accepter.
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Ticket-gagnant (BxB)
Fiksi UmumThéo a 25 ans et travaille comme employé polyvalent dans un supermarché. Il vit une existence paisible dans une petite ville du Pas-de-Calais entre sa famille, ses amis et sa routine. Quand une de ses collègues lui donne un ticket pour tenter de ga...