Chapitre 13

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           Un groupe est devant la Faille lorsque Sania arrive sur place. Bromir et Ian sont là également. Cela ne fait que quelques heures qu'ils sont passés de l'autre côté, mais ils s'inquiètent déjà pour le trio qui affronte ce monde de chaos. Elle se poste à côté d'eux, regardant le portail en silence.

— Tu devrais aller travailler un peu. Je sais que c'est compliqué mais rester ici ne l'aidera pas.

— Je sais. Mais je n'arrive pas à me concentrer.

— Comme tu voudras. Je ne te tiendrais pas rigueur de quoi que ce soit pendant ces trois jours. Je comprends bien.

Ian reste silencieux, n'osant pas bouger. Seule sa mâchoire se crispe régulièrement. On croirait voir une vraie statue de marbre noir, gardienne de l'entrée. Il se tient prêt, au cas où son fils revienne. Il préfère le voir échouer que de ne pas le voir revenir du tout. Et ses deux acolytes également. Bromir ne sait pas comment il réagirait si Malec venait à mourir de l'autre côté. Comment pourrait-il de nouveau regarder Ian dans les yeux, sachant qu'il aurait été là cause de la perte de sa dernière famille... Alors que les heures leur semblent interminables lors de la contemplation du passage enflammé, ils se demandent ce que vivent les aventuriers dans l'ombre.

           Malec marche tranquillement tout en restant aux aguets. Ça fait maintenant bien deux heures qu'il avance sur un chemin de terre craquelée sans croiser personne. Il trouve ça assez étrange mais poursuit tout de même. Il faut qu'il trouve une arme. C'est ce qui est le plus urgent pour le moment. Et pour trouver l'arme, il faut trouver le démon qui la tient. Mais rien. Alors qu'il en avait croisé deux tout à l'heure, il se trouvait à présent seul au monde. Cette situation commençait à le désespérer, avec en plus une petite pointe de colère. Il aurait dû les tuer quand il les a vus. Ils n'étaient que deux. C'est pas la mer à boire quand même.

Tandis qu'il grommelle contre lui-même et contre les abominations qui peuplent ce lieu, mais a priori, bien loin de lui, il entend soudain un bruit sur sa gauche Une petite colline se dessine à cet endroit. Il décide de l'escalader en silence pour ne pas se faire repérer. Il arrive en haut presque en rampant pour ne pas être vu. Il aperçoit alors ce qu'il cherchait tant. Un démon ! Enfin ! Et seul en plus. Il est en train de se nourrir de ce qui semble être des entrailles plus tellement fraîches vu l'aspect verdâtre et gluant. Un haut le cœur prend le jeune homme d'un coup. Il se reprend rapidement. Il n'a pas de temps à perdre.

Il scrute les alentours pour trouver un chemin sûr pour atteindre sa proie. Rien de bien concluant mais vu l'intérêt certain pour son repas, l'idiot ne semble pas prêter attention au reste. Ainsi, si Malec se faufile par derrière, il pourra le surprendre et prendre l'avantage. Il redescend la colline et suit le chemin qu'il avait repéré jusqu'à sa destination. Plus il se rapproche, et plus il y va sur la pointe des pieds, se faisant tout petit pour ne pas être vu non plus. Son cœur s'accélère et sa respiration se saccade mais il reprend rapidement le contrôle de ses poumons. Ce n'est pas le moment de se faire trahir par son souffle. Se souvenant d'un petit détail, il approche la main de sa ceinture et agrippe l'objet trouvé dans la maison. Il tire tout doucement dessus pour le dégager de son fourreau de fortune.

Alors qu'il n'est qu'à une enjambée de sa future victime, il lève le bras pour attaquer. Mais un cri derrière eux le stoppe net dans son élan. Il se retrouve figé de stupeur, les yeux écarquillés en voyant le démon se retourner.

— Eh mince.

L'horreur affiche alors un visage de colère extrême. Ni une ni deux et sans même réfléchir, Malec plonge sur lui et enfonce le morceau de bois qu'il tenait en main dans la gorge encore poisseuse de vieux sang de son adversaire. Il avait bien fait de prendre ce pieu de fortune. Même s'il n'aurait pas pu aller bien loin avec ça, il lui permet maintenant de récupérer quelque chose de légèrement plus sophistiqué que ça. Sophistiqué... le mot est peut-être un peu fort, pense-t-il à ce moment-là. Il se retrouve maintenant avec une masse d'arme grossière. Le bois ne semble pas très solide et la pierre qui l'orne est sommairement taillée pour la rendre un peu plus contondante. Ça fera cependant l'affaire pour l'instant. Le cri qu'ils avaient entendu vient d'un autre monstre qui court maintenant vers lui à toute vitesse. Tandis que le premier tente de maintenir son sang dans son corps avec ses mains, le deuxième attaque de front. Mais Malec est prêt. Il tient fermement l'arme dans sa main droite et ses appuis sur ses deux pieds sont stables. Alors que l'autre n'est plus qu'à quelques pas, Malec se baisse et effectue un saut prodigieux pour se retrouver au dessus de celui qui lui fait face et l'attaquer de toutes ses forces, qui seront appuyées par la chute, et fracasser le crâne du démon. Ce dernier, trop lent pour comprendre ce qu'il se passe, se laisse surprendre par cette technique et tombe au sol comme une masse, sans possibilité de se relever. Quant à l'autre, il crache ses derniers flots sanguins. Tout va bien. Il est maintenant tranquille.

Il fouille les deux corps présents près de lui. En plus de la masse d'arme, il récupère le poignard, fait en pierre taillée également, que possédait le second assaillant. Mais rien de bien intéressant en dehors de tout ça. Il se pose un instant, un peu plus loin, et prend une gorgée d'eau. Il sait qu'il doit la rationner, mais ce combat avec cet air chaud et sec lui a vraiment donné soif.

           Comprenant qu'il n'y a rien de plus ici, il reprend sa route. Il décide cette fois de prendre un autre chemin. Celui qu'il prenait au départ, l'éloignant toujours plus de la sortie, ne donne rien. Il va donc à droite. Peut-être aura-t-il plus de chance par là. Et s'il ne trouve toujours rien, il sera toujours temps de rebrousser chemin et retourner dans la maison en ruine pour le reste de son séjour.

Tout en marchant, il observe l'astre noir. Il semble en effet suivre la même course que le soleil. Parfait. Alors qu'il ne marche que depuis environ une demi heure, il se rend compte qu'il approche d'une sorte de fort. Il n'est pas censé attaquer tout ce qu'il trouve durant cette tâche, mais s'il peut se débarrasser de quelques uns d'entre eux, ça ne fera pas de mal... Même s'il avait eu un instant de faiblesse avec le démon qui possédait le cadre, il sait qu'au final Sania a raison. Même s'ils ont été humains, ils n'ont plus rien de leur humanité d'origine. Il avance en tentant de se cacher derrière quelques végétations mortes. Il est maintenant au pied de cet édifice tout en hauteur sans être pour autant très large. Il est plutôt en bon état, étonnamment. La porte semble épaisse et solide. Contrairement à ce qu'il avait vu avant, c'était incomparable. Il tente de pousser la porte qui reste immobile. Verrouillée... Il ne baisse pas les bras pour autant. Déterminé, il se dit que c'est le moment de mettre à profit ses pouvoirs. Il ne les maîtrise pas encore mais c'était justement l'occasion. Faisant montre d'une concentration extrême, il tend le doigt vers la serrure. Il voit un flux vaporeux s'en dégager pour s'insérer dans la fente. Il bouge doucement sa main pour tenter de faire bouger cette excroissance virevoltante en même temps. Bien que ça soit laborieux, il parvient à ses fins et il la fait maintenant bouger comme il souhaite. Cela fait bien dix minutes qu'il se bat pour ça, il faut maintenant déverrouiller tout ça. Il continue ses mouvements comme s'il agissait de son propre doigt. Il ressent même les différentes sensations du toucher à travers elle. Cela le perturbe un peu mais ça fait trop longtemps qu'il est à découvert pour réfléchir à ça. Il actionne les uns après les autres les différents crochets qui composent la serrure et il entend finalement un petit clac, lui faisant comprendre que c'était bon. Il a envie de sauter de joie et a du mal à contenir ce sentiment, mais il ne peut pas faire de bruit ici. Trop risqué. Il pousse légèrement la porte et observe l'intérieur de la pièce. Vide.

— C'est une blague ?

Malec fait quelques pas à l'intérieur. Pas un son. Pas un mouvement. Rien. Il voit une volée de marches menant au sommet de la tour et décide de monter. Mais là non plus il n'y a rien. Le jeune homme s'en trouve décontenancé. A quoi peut bien servir ce bâtiment s'il est entièrement vide ? Il redescend et se pose sur la dernière marche, en pleine réflexion. Il a beau chercher, il ne comprend pas. Lassé de marcher en vain, il décide de rester ici. Il y sera plus en sécurité que dans l'autre maison de toute manière. Et pour compléter le tout, il reverrouille la porte derrière lui. Comme ça, si quelqu'un essai de rentrer, il l'entendra immédiatement.

Maintenant qu'il est "confortablement" installé, il décide de continuer son entraînement magique. Il s'installe en tailleur et reprend son exercice de concentration. Il l'a compris, tout vient de là. Il respire doucement et assigne toute son attention sur son pouvoir qu'il ressent maintenant très bien. Une heure passe. Puis deux. Et finalement, il est là, puissant et effrayant à la fois. Il parvient presque à le visualiser avec ses nuances colorées. Il s'imagine, lui, en son for intérieur, touchant cette force qui le possède. Puis, au moment où il la touche, il ressent une énorme décharge et une augmentation immense de cette puissance. Il ouvre les yeux, choqué. Ses mains sont maintenant couvertes de cette fumée qui se dégage de lui. Il la contrôle parfaitement. Il lui suffit de penser à une forme pour qu'elle la prenne. Et tandis qu'il joue avec elle, il ne peut pas voir que cette magie a maintenant modifié autre chose en lui.

L'Organisation Partie 1 [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant