Chapitre 7

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Je sais, c'est dur la vie. Mais tout de même, c'est injuste. Pourquoi je n'ai pas eu le droit de rester plus longtemps avec mon frère et mes parents tout à l'heure ? Pourquoi a-t-il fallu que je monte à bord de ce TGV si tôt ? Le train de part que dans vingt minutes pourtant !

Laura trépignait de nervosité seule dans son siège peu confortable à son goût. Elle et ses parents, son frère, et son chat noir Tama avaient pris leur voiture blanche de tous les jours pour arriver à la grande gare de la ville d'à côté. Il n'y avait rien de drôle dans ce trajet, car Laura n'avait cessé de vouloir pleurer en voyant ses plus beaux souvenirs d'enfance passer en un éclair devant ses yeux. Le parc où elle et ses amies jouaient depuis la maternelle, la cathédrale où elle avait passé son baptême, sa communion, sa confirmation, et sa profession de foi. Elle avait donc tout fait au même endroit, sauf le mariage. Ils passèrent devant la clinique vétérinaire habituelle de Tama depuis tout petit, ainsi que l'école primaire de la ville. Elle n'en pouvait plus à force de repenser à ses souvenirs. Ces rires, ces pleurs, qu'elle avait enduré jusqu'ici, tout s'effaçait aujourd'hui, comme ça, d'un coup. On lui arrachait son enfance sans aucune préparation au préalable.

Arrivés à la gare, toute la famille s'était dirigée vers le tableau de bord afin de voir l'heure et le quai du train que devait prendre Laura dans une heure et demi. En attendant, elle se reposerait bien en prenant un dernier café avec toute sa famille réunie ! Son frère joua quelques temps avec elle en riant, avant que les parents ne leur demandent d'arrêter tout ce carnage sur le champ afin de faciliter la tâche. Laura ne comprenait pas pourquoi ses parents se comportaient ainsi, eux, qui d'habitude, avaient une extrême tolérance envers leur fille si fragile. Elle en conclut qu'ils étaient plus qu'occupés, et fatigués.

Ils s'étaient dirigés peu de temps après chez la fameuse boulangerie "PAUL" pour se reposer et passer les derniers temps tous ensemble, en famille.

Laura adorait plus que tout le décor de cette boulangerie depuis toujours. Elle ne savait pas réellement pourquoi, mais la façade noire et cette odeur alléchante lui donnait toujours envie d'y pénétrer et de passer un bon temps. Elle se souvint alors la scène où elle avait pris son premier chocolat chaud en dehors de chez elle, à sa sortie de l'hôpital.

Laura ne savait pas exactement quel genre de maladie elle possédait. Elle avait entendu quelques mots étant petite, cependant, elle ne se souvenait pas du mot exact. Car sa famille, ne voulant pas l'inquiéter, préféra de ne rien lui dire. Tout ceci frustrait énormément la jeune fille, qui voulait tout savoir sur sa vie, peine perdue.

Trente minutes plus tard, la mère et le père s'étaient levés et avaient fait signe à leurs enfants de les suivre vers le quai. Laura n'avait pas compris pour quelle raison ils devaient y aller si tôt, mais ne dit rien et s'exécuta en silence. Elle aurait voulu rester assise là, dans cette boulangerie, un peu plus longtemps...

Il était 18h lorsqu'ils arrivèrent sur le quai. Le train partait à 18h20, et la malade avait froid. La mère avait dit alors :

— Viens, il faut que tu montes à bord du TGV, tu vas attraper froid.

Elle avait protesté vivement :

— Non, je préfère rester plus longtemps avec vous.

Son père continua :

— Allez chérie, il ne faut pas que tu rates le train.

Elle avait de nouveau contredit :

— Il nous reste vingt minutes encore.

Sa mère la prit dans ses bras :

— Désolée, mais on doit y aller... Vas, et prend bien soin de toi, d'accord ?

— Et donnes nous régulièrement de tes nouvelles, c'est bien compris ? avait rajouté son père.

Seul son frère avait demeuré muet.

— Son train part dans longtemps, et je peux rester avec elle si vous voulez.

Laura sautait de joie.

— Oh oui ! Restes s'il te plait !

Mais ses parents ne furent pas d'accord. Un non, et un non pour eux, les adultes étaient comme ça. Ils ne comprenaient pas vraiment ce que pensaient leurs enfants et leurs émotions lorsqu'ils sont si fragiles comme en ce moment. Ils ne savent plus ce qu'est le bonheur chez eux, ils ne voient plus que du sérieux dans leurs yeux. Et pour preuve, elle n'avait jamais vu ses parents pleurer, ou courir.

La cage de Tama entre ses mains, son sac à dos sur ses épaules, et sa valise dans les mains de son frère, elle observait en silence ses parents et son frère se disputer de nouveau. Elle avait remarqué, que depuis peu, son frère se disputait très souvent avec eux. Était-ce de sa faute ? Son frère était-il contrarié contre ses parents à son sujet ? Dans ce cas, il s'inquiétait pour elle. Elle devait changer.

— Attends, prononça-t-elle en tirant la manche de son frère.

Celui-ci la regarda d'un air surpris.

— Ce n'est pas grave, je monte dans le TGV s'ils le veulent. Tu vas me manquer, mais... Je peux te demander une faveur ?

Son frère hocha la tête d'un air perplexe.

— Ne t'inquiètes pas trop pour moi, et ne te dispute pas avec maman et papa juste à mon sujet... Je ne veux pas que la famille se divise juste pour ça, alors je t'en supplie, je t'admire beaucoup pour tes pensées, mais...

Laura sentit des larmes lui monter aux yeux.

— ... Mais simplement, n'oublies pas que je suis forte comme toi ! J'ai le meilleur des grands frères alors je peux tout faire !

Son frère, ému, l'avait aussi pris dans ses bras, et Laura pleura.

Depuis l'entrée du train, avant que la porte se ferme, elle crut voir un instant quelque chose scintiller. Des larmes coulaient le long des joues de sa mère, réconfortée par son père. Sa mère avait pleuré pour elle, pour son départ. Laura sentit de nouveau les larmes monter, et, pour ne pas montrer une telle figure à sa famille, préféra tourner le dos et ne pas regarder du côté de sa famille debout. Elle s'assit sur son siège, et s'y installa. Elle savait qu'en tournant la tête à droite, elle pourrait voir sa famille. Cependant, elle n'était pas aussi forte pour les regarder. Elle avait honte. Honte de quoi ? Honte de pleurer devant ses parents. Elle voulait pleurer, mais elle ne pouvait pas. Elle ne supportait plus cet instant. Elle voulait que le train parte maintenant.

L'attente fût très longue. Elle crut un instant qu'elle durerait une éternité. Mais le train finit par partir. C'est à ce moment-là, qu'elle finit par lever la tête, et se tourner vers les trois membres de sa famille. Son père, sa mère, et son grand frère. Tous souriaient, et faisaient de grands signes à Laura depuis le quai. Celle-ci eu un faible sourire, et agita timidement sa main en guise de "aurevoir". C'était rapide. Trop rapide même. Les silhouettes disparaissaient aussitôt, comme un éclair sous les yeux embrumés de la jeune fille malade et triste.

Sa jeunesse prenait fin dès maintenant. Elle continuerait une autre vie. Au revoir, et à bientôt, vous allez me manquer terriblement...

La gare disparut à son tour, et plus rien ne se dessina devant Laura à part les montagnes, et le reflet d'une petite fille pleurant de tristesse.  

Le vent des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant