Chapitre 12

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Cela faisait déjà près de trois semaines que Laura n'avait pas eu de nouvelles de la part de ses amies, ni de ses anciens camarades de classes. Du moins, eux, commençaient à s'inquiéter légèrement au sujet de leur ancienne camarade de classe à présent disparue. En effet, cette dernière ne leur avait pas envoyé de messages, ni de coups de fil depuis son arrivée à Paris, tandis que ses camarades pensaient tous qu'elle était juste absente temporairement. Mais une absence temporaire de trois semaines, n'est-ce pas un peu trop long pour une élève de 3e ? Notamment, que presque aucun professeur n'évoquait son prénom durant les cours ou les feuilles d'appel ?

Louise le savait. Elle était la seule dans sa classe à connaître la vérité. Celle-ci n'avait pas osé dire à Jade la conversation qu'elle avait eu avec sa meilleure amie, peu avant son départ. Jade était arrivée sur place peu de temps après que Laura fût partie chez elle pour préparer ses dernières affaires. Mais Louise avait attendu que Jade vienne pour tout lui raconter. Cependant, lorsque celle-ci vint, toute cette envie de lui raconter s'était dissipée d'un seul coup. Son amie était venue, en marchant, vers elle, l'air souriante comme si de rien était. C'en était trop pour elle.

Elle avait craqué, et s'en était allée chez elle en courant, se retenant de pleurer. Elle était une fille pleurant très facilement, le contraire de Laura qui ne montrait que rarement ses sombres émotions.

Le jour suivant, à l'école, Louise fit tout pour éviter ses camarades de classe, qui furent très surpris de son comportement : elle n'était pas de l'habitude à ignorer ses amis. Pendant les cours, elle n'arrivait pas à se concentrer sur les paroles du professeur. Laura l'inquiétait et lui manquait terriblement, et elle avait une terrible rancune sans réel raison particulière envers Jade. Elle n'avait pourtant rien fait de mal !

Du moins, pas de mal réel. Mais pour elle, le simple fait de ne pas être venue à Laura lors de leur toute dernière rencontre la mettait en colère. Cependant, Louise n'était pas du genre à se disputer régulièrement avec ses amies. Elle ne voulait en aucun cas créer une occasion de querelle, ce qui serait difficile à gérer par la suite. C'est pour cela qu'elle avait pris la décision de rester seule dans son coin, à penser à son amie malade, ou à écrire des lettres pour lui envoyer bientôt.

Bientôt, c'était le mot qui revenait sans cesse dans la tête de Louise. Elle avait écrit plusieurs lettres destinées à Laura, sans les envoyer. Elle avait un sentiment qui lui bloquait la route. Mais quoi exactement ? Elle ne le savait pas. Elle voulait la laisser tranquille sûrement.

Oui, ce doit être cela...

Mais elle voulait avoir des nouvelles de Laura. C'est son amie tout de même ! Elle devait être là pour elle. Mais quoi ? Qu'est-ce qui l'en empêchait ? Elle ne comprenait plus rien...

Soudain, elle se prit la tête contre quelque chose de dur. Lorsqu'elle se retourna, elle vit son professeur de français la regarder avec un air sévère, un cahier entre ses mains.

— Je peux savoir ce que vous faites en regardant dehors ? Vous écoutez le cours j'espère ? Car je vous signale que vos notes ne sont pas très hautes...

Louise se sentit mal à l'aise en sentant tous les regards se tourner vers elle. Elle voulait s'enfoncer dans le sous-sol et ne plus en ressortir. Oh, qu'avait-elle fait de cette année ? Elle était jusqu'à présent la meilleure de sa classe, alors pourquoi cette année avait-elle fait tant de mauvaises choses à l'école ?! Ses parents allaient être très déçus. Ses amis aussi. Et ses anciens professeurs qui avaient tout fait pour l'amener à un niveau si haut ! Elle s'en voulait terriblement. Qu'ais-je fais pour devenir une si mauvaise élève ?

— Je suis désolée... s'excusa-t-elle tout bas.

C'était la première fois qu'elle s'excusait à un professeur. Jamais elle ne s'était faite sermonner par un adulte. Jamais. Elle qui écoutait tout le temps chaque cours, à chaque trimestre ! Où est passée la Louise d'avant ? Je veux la retrouver ! Reviens, Louise, je t'en supplie...

— Mmh... Mettez-vous au travail, gronda-t-il en la fixant d'un regard noir.

Louise prit son stylo à plume, et commença à écrire le numéro de l'exercice ainsi que la page sur sa feuille simple toute blanche. Laura, vient moi en aide ! J'ai besoin de toi. J'ai besoin de savoir ce que tu fais en ce moment.... J'ai si peur pour toi !

Elle laissa échapper une larme rouler sur ses joues, et cacha son visage derrière ses cheveux bruns. Elle ne voulait pas laisser croire aux autres qu'elle pleurait à cause de son professeur. Elle pleurait pour son amie, alors que Jade, elle, riait tranquillement avec les autres ! Pourquoi le monde est-il si cruel envers elle ?! Elle se décida d'envoyer une nouvelle lettre à Laura, ce soir, lorsqu'elle rentrera. C'était le seul moyen d'être rassurée et pouvoir écouter les cours. Elle lui écrirait, qu'elle lui manquait tant. Elle lui écrirait, qu'elle pensait à Laura, elle au moins, ne l'avait pas oublié. Elle lui écrirait, qu'elle se souviendrait pour toujours, de leur dernière discussion devant l'église. Elle lui écrirait... tout ce qui lui coinçait en elle-même. Elle se libérerait de ses propres pensées si sombres, et elle lèverait la tête bien haute, en regardant le chemin droit devant, fière d'être l'amie d'une fille malade.

Rentrée chez elle, Louise monta lentement les marches en soupirant. La journée a été aussi longue qu'à l'habitude. Elle qui trouvait que le temps passait vite en cours jusqu'à l'année dernière ! Lorsqu'elle monta les marches pour se diriger vers sa chambre, sa mère sortit sa tête de la cuisine d'en bas.

— Louise, tu es de retour ! Alors comment s'est passée ta journée ? Encore un 20/20 ? dit-elle avec un clin d'oeil qui serra le coeur de la jeune fille.

Elle ouvrit la bouche pour lui répondre, mais aucun son n'en sortit, et acquieça rapidement la tête pour courir se réfugier dans sa chambre. Les larmes lui montaient aux yeux. Qu'ais-je fais, qu'ais-je fais...

Elle prit une feuille à lettres, et son stylo à plume habituel pour commencer à écrire sur son bureau. Il y avait une photo d'elle, Jade, avec Laura, dans la montagne d'une ville voisine. Elle sourit à l'évocation de ce souvenir.

Chère Laura...

Louise regarda le ciel bleu. Il ne neigeait pas, il faisait beau, comme toujours. Le temps idéal pour Laura qui aimait tant le soleil.

Il fait très beau ici, le soleil est chaleureux et ravissant, comme tu le disais si souvent...

Elle vit son réveil sonner, et l'éteint. Une erreur de sa part sans doute.

Tu me manques déjà. Tu me manques même trop. A l'école, je n'arrive plus à me consentrer sur les cours, tu hantes mes esprits. Es-tu saine et sauve ? Es-tu en forme ? Es-tu heureuse, là-bas ? Moi, je ne suis pas si heureuse sans toi.

Elle observa sa petite sœur courir dans le jardin, une balle dans ses mains. Elle criât vers sa mère en la suppliant de jouer avec elle, sans doute.

J'ai longtemps hésité à t'envoyer ces lettres. Je les avais écrite depuis que tu es partie. Mais je n'ai pas eu la force de te l'envoyer. Je ne sais pas pourquoi. Quelque chose me barrait la route.

Elle entendit le rire de sa soeur et de sa mère.

Tout le monde rit, même sans toi. Jade aussi, elle rit. J'ai une énorme rancune envers elle. Je n'ai pas compris pourquoi, mais je ne lui ai pas réellement parlé depuis trois semaines maintenant. Pas même à mes camarades de classe. Je me suis rendue compte, que je vivais grâce à toi. C'est toi qui m'aidais, pas moi qui t'aidais le plus. Tu es fortes, je suis faible.

Oui, elle est forte, et moi, je suis si faible à côté d'elle !

Je t'envie. J'envie ta force. Je veux rester avec toi. Mais c'est trop tard, je préfère que tu sois loin de moi et que tu ailles bien avec ta maladie.

Elle laissa des larmes s'échapper de ses yeux.

Quoi qu'il en soit, je resterais toujours près de toi, peu importe le nombre de kilomètres qui nous séparent entre nos deux vies. Par ce que...

Elle finit par pleurer et s'affaler contre son bureau, éclatant de sanglots étouffés.

Par ce que tu es et tu resteras pour toujours ma meilleure amie, quoi que tu penses de moi.

Elle commença à sombrer dans un lourd sommeil sans rêve, mais les paroles lui tournant sans cesse en rond dans sa tête, comme pour les lui graver dans son esprit à tout jamais pour la hanter.

Car tu resteras pour toujours, ma première et dernière meilleure amie... 

Le vent des larmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant