~ 29 ~ Cécilia

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Ils percutent la porte avec une force incroyable due à leur effort commun. Son épaule heurte le bois qui craque, mais ne cède pas. Une douleur vive remonte jusque dans la mâchoire de Cécilia. Elle serre les dents et charge de nouveau. Le battant entier se secoue violemment et la porte émet un nouveau craquement. C'est à la troisième tentative que la porte finit par céder et s'écrase lourdement dans le couloir.

— Allez ! lance le Prince avant d'enjamber les restes des magnifiques double porte de leur chambre commune et de courir vers la gauche.

Le cœur battant, Cécilia ferme la marche. Son regard inquiet surveille les pas d'Edwina et ne quitte pas des yeux le Prince. L'angoisse lui comprime la gorge alors qu'elle essaie de se faire légère sur le tapis, aussi légère que l'enfant devant elle, pour réduire l'écho de ses pas. Ses mollets s'enflamment au bout de quelques pas sur la pointe des pieds.

Ils rasent les couloirs et bifurquent de nombreuses fois - assez pour donner le tournis à la jeune fille.

Une ombre ondule au bord du champ de vision de Cécilia. Son coeur loupe un battement et elle tourne la tête, mais son regard n'aperçoit que les murs couverts de tapisseries et de moulures en tout genre. Ce n'est qu'un illusion d'optique. Elle ralentit pour pivoter sur elle-même, mais elle ne remarque rien. Ses épaules se détendent et elle rattrape en quelques enjambées le duo qui s'est arrêté plus loin.

Une étrange impression qui lui arrache un tressaillement force la jeune fille à se retourner encore, le souffle court et le rythme cardiaque fou. Elle a beau détailler le long couloir derrière eux où le tapis rouge ne porte aucun trace de pas hormis les leurs, elle ne trouve rien. Un nouveau frisson court sur sa peau. Elle n'aime définitivement pas l'adrénaline dont d'autres raffolent dans de tel moment. Dans ses romans favoris, les héroïnes semblent boostées par leur angoisse, là où Cécilia ne ressent qu'une terreur qui emprisonne son coeur et alourdit ses jambes.

Elle tente de libérer sa respiration en prenant de profondes inspirations et de longues expirations, mais déjà, le Prince demande le départ. Ils sont maintenant accroupis. Des paroles confuses atteignent les oreilles de Cécilia et elle comprend enfin la nécessité de s'être arrêté ; des hommes se tiennent tout près, peut-être derrière cette large porte de bois qu'ils viennent juste de dépasser. Leur conversation disparaît derrière Edwina lorsque le trio s'engage dans un nouveau virage.

Le Prince se jette soudainement en arrière et manque de percuter Edwina. Ils se plaquent contre le mur de droit, accroupis et tentent de maintenir le bruit de leur respiration au minimum à mesure que des bruits de pas se rapprochent.

— Alors ? s'enquiert une voix forte, dont le timbre grave appartient indubitablement à un homme.

— Ce vieux fou pense toujours qu'il aura le trône.

— Ce n'est pas juste en me livrant les enfants que la querelle entre nos deux familles s'éteindra ! ricane la première voix.

Cécilia se fige lorsqu'elle voit le Prince se tendre. Elle fronce les sourcils et tend l'oreille : aurait-il reconnu quelqu'un ? Elle ne comprend pas grand chose aux propos échangés, si ce n'est qu'apparemment, le traître est de mèche avec cet homme, comme ils le pensaient.

— Mais remarque, il sera peut-être plus à même de diriger le royaume que mon propre fils... souffle la première voix, que Cécilia reconnaît enfin.

C'est le Roi. Ce qui explique la figure crispée de Mathieu et son regard peiné.

Sa respiration se bloque dans sa gorge alors que la conversation repasse dans sa tête ; un homme - un "vieux fou" - les a vendus au Roi en échange du trône, la place qui revient de droit à Mathieu.

L'Esprit de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant