~11~ Farid

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Le monde s'illumine, comme une guirlande. Les pétales de différentes fleurs, les buissons et les arbres éclairent le chemin d'une douce lueur bleutée, orangée et verte. Le spectacle est magnifique.

Ils marchaient depuis plusieurs heures quand le paysage, nouvellement plongé dans l'obscurité de la nuit, s'est embrasé de multiples couleurs.

Farid, à l'image de l'ensemble du groupe, est subjugué par cette beauté secrète. Le pelage roux de l'animal qui les guide étincelle également, renvoyant la lumière des plantes et végétaux alentours.

Un sentiment d'exclusivité s'empare de lui, comme souvent lorsque l'on est confronté à un des panoramas magnifiques que peut offrir la nature. Il a l'impression d'être le premier à assister à ces lueurs nocturnes, à ce spectacle inédit. Pourtant, cette forêt exécutait le même jeu de lumières bien avant qu'il ne sache que le monde de Mythomorphia existait, bien avant de naître - même - et l'environnement boisé effectuera ce même show bien après sa mort.

Cette vision onirique fait évaporer ses doutes et craintes à l'égard du renard, qu'il sait malicieux et fourbe. D'ailleurs, soudainement, celui-ci s'arrête. Derrière Farid, un piétinement suspect se fait entendre, mais il n'y prête pas attention. Son regard finit par se porter sur le canidé - qui vient de murmurer un discret 《Nous voilà arrivés》- alors qu'il aurait aimé rester accrocher au paysage phosphorescent. La phrase, bien que chuchotée, lui fait l'effet d'un éclat d'obus qui vient perforer son cocon rassurant. Il semble s'éveiller violemment d'un doux songe.

A nouveau, un bruit de claquement, puis de piétinement se font entendre derrière lui. Il se retourne, maintenant de nouveau maître de lui-même, à la recherche de la source de ses sons suspects. Il finit par trouver : le cheval d'Edwina piaffe, les oreilles couchées sur son crâne.

Farid fronce les sourcils, et fait le lien entre ce comportement et l'affirmation du renard. La monture de la jeune fille réagirait-elle à la présence de l'animal démoniaque ? Sent-elle le danger ?

D'un coup, comme piqué par une mouche furieuse, l'animal s'élance. Il court, et le groupe ne peut rien y faire, contraint d'assister à la chute d'un membre de l'expédition. Car ils en sont certains : elle finira par tomber, inexpérimentée comme elle est, sur ce cheval fou. Alors que ce dernier fend la végétation, le groupe aperçoit la suite du trajet, si l'animal ne change pas de direction. Le cœur de Farid fait un bond, tandis que ses mains deviennent moites d'angoisse, lorsqu'il comprend à quoi est condamnée la jeune fille : une brèche, qui paraît profonde, sillonne la terre.

Elle va tomber. Elle va tomber.

Cette phrase tourne inlassablement dans sa tête, alors qu'il voit, impuissant, la tragédie arriver à grandes enjambées. Sa bouche et sa gorge s'assèchent, tandis que son cœur s'élance, comme s'il souhaitait battre le cheval en rapidité. Une voix s'élève, aiguë, anxieuse, et crie à la jeune cavalière le danger vers lequel elle court. Personne ne sait si elle a été entendue. Ils espèrent tous.

Soudainement, le cheval s'arrête, et le groupe souffle, soulagé, pensant que le drame est évité. Cependant, ils se rendent vite compte qu'ils sont dans le faux, et retiennent alors leur respiration alors que la jeune cavalière glisse inexorablement vers le gouffre qui l'attire à elle, comme un aimant. Elle n'a aucune chance de survie. Farid, incapable de soutenir cette vision horrifique, ferme les yeux, la respiration saccadée, le cœur serré.

Après plusieurs minutes d'attente insoutenables, il rouvre les yeux, surpris de n'entendre personne crier ou pleurer. Les jeunes n'ont aucune de ses réactions ; bouche bée, ils ont le regard ostensiblement fixé au loin. Farid finit par se tourner pour regarder, lentement, la peur au ventre.

Ce qu'il voit le surprend également. Sa peur s'envole, remplacée par un sentiment de stupéfaction. Même plus que ça, il est complètement abasourdi. Un majestueux cerf, haut de deux ou trois mètres, semble voler au-dessus du ravin. Il brille de mille feux, d'une vive lumière blanche. De légères étincelles s'allument et s'éteignent à intervalles irréguliers sur son pelage immaculé. Il paraît transparent, comme s'il est composé de copeaux de neige, ou de poussière blanche. En deux mots, il est magnifique et surprenant. Farid est persuadé qu'il s'agit du Cerf Blanc.

Mais, plus que la vue d'un nouvel animal incroyable - qui est leur objectif qui plus est - ce qu'il porte sur son dos étonne encore plus. Il s'agit d'Edwina, les yeux gros comme des soucoupes, qui ne semble pas à son aise. Elle jette des regards anxieux vers le gouffre abyssal qui s'étend sous ses pieds, probablement encore sous le choc.

Le cervidé s'avance alors, d'une démarche lente et qui respire la royauté. La tête bien haute, ses profonds yeux bruns luisent d'intelligence et de gentillesse. Nonobstant ses longues pattes qui se posent dans le vide, l'animal marche vers eux. La distance qui sépare les chasseurs de leur proie se réduit, et personne esquisse un mouvement pour l'abattre.

Farid coule un regard vers le renard, qui semble s'impatienter. Son regard vient de perdre son masque de douceur et ne montre plus que de la haine envers le Cerf Blanc. Il attend que le groupe l'abatte.

La créature s'abaisse pour laisser sa jeune cavalière descendre. Enfin, il pose son museau sur sa paume droite avant de s'éloigner de quelques pas. Il continue de les regarder, tous, de ces yeux noisette qui semblent les analyser.

Edwina regarde, surprise, sa main droite. Elle relève ensuite les yeux vers eux et lance :

- Il vient de me guérir.

L'affirmation frappe Farid comme la foudre, et il devient complètement perdu, confus devant cette nouvelle.

Un animal dit démoniaque, qui sème le chaos dans son sillage, peut-il sauver quelqu'un pour le guérir ? Ça irait à l'encontre de sa nature.

Par conséquent, il y a un problème quelque part, quelqu'un leur a menti. Farid coule un regard étonné et curieux vers l'emplacement du renard, mais l'animal n'est plus là. Son cœur accélère ; l'animal flamboyant est dans le coup : il sait que le cervidé n'est pas tel qu'on le décrit, et il a fui les questions.

Dans quel but les a-t-il trompés ? Que cache le grand cerf ? Pourquoi est-il au centre des attentions ?

L'Esprit de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant