~ 33 ~ Farid

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Sa pointe des pieds se soulève et tape sur le sol en écho à la mélodie muette de son angoisse. Ses yeux virevoltent partout dans la pièce et surveillent notamment les trois entrées principales de cette pièce au rez-de-chaussée.

Farid jette un coup d'œil régulier à la grosse horloge dont la conception est grossière. Son œil de marchand aguerri a grimacé en entrant ici : ce n'est qu'un bout de ferraille qui fait régulièrement du bruit.

Les secondes sonnent dans le silence angoissant.

Tic, tac. Tic, tac...

Que fait-elle ?

Il doit attendre. Patienter dans le flou le plus complet. Le plan s'est-il déroulé sans encombre ?

Alors que la plus large aiguille se déplace vers le prochain chiffre indiqué, Edwina n'est toujours pas là. Un élan d'angoisse diffuse une vague de chaleur dans son corps : a-t-elle eu un problème ? Ne se souvient-elle pas de la suite du plan ?

Les aurait-elle.... Les aurait-elle trahis ?

Farid secoue la tête et refuse d'imaginer cette hypothèse. Elle a eu un contre-temps. Un simple contre-temps.

Il décroise les bras et se met en marche. Il n'a pas de choix, il l'a déjà attendue trop longtemps.

Un rictus agacé mord sa joue. Il jette un dernier regard à la pièce. Ralenti en arrivant à la porte. Il attend encore un instant. Mais rien ne vient. Il ouvre la porte et se faufile dans les cuisines, où le regard surpris puis inquiet des domestiques lui pèse. il leur fait un vague geste de la main, leur signifiant de ne pas s'inquiéter, et se rend au bout de la pièce, là où Shayna attend, recroquevillée. Il jette un regard dans la pièce, fusille du regard les domestiques qui leur lancent un regard intrigué et s'accroupit.

Le regard noisette de Shayna se relève vers lui. Les genoux relevés sur sa poitrine et les bras les encerclant, elle fait penser à une enfant. Farid esquisse un sourire avant de reprendre un masque dur. Il apporte une mauvaise nouvelle, qu'il lâche devant le regard interrogateur de la jeune fille :

— Je ne sais pas. Elle n'est pas venue.

Shayna fronce les sourcils. Il voit dans son regard qu'elle cherche à comprendre pourquoi, mais ils n'ont pas de temps à perdre en réflexion.

— On fait comme si le plan marchait, d'accord ? On continue.

Elle hoche la tête.

— Les domestiques ont presque fini et le Prince est monté aux Jardins. Va voir si Cécilia est bien, elle ne doit pas se permettre de défaillir maintenant.

Sa lèvre inférieure disparaît derrière ses dents alors qu'elle l'aspire dans un geste nerveux. Le jeune homme reste à ses côtés un instant, confus devant son regard hésitant. Effrayé. 

— J'ai peur. Peur que ça rate, souffle-t-elle soudainement, fuyant le regard de Farid.

Le cœur du jeune homme se serre et il se retient de l'enlacer pour la rassurer. Il se contente d'attraper sa main. Il la presse un instant et affirme, avec plus d'assurance qu'il n'aurait cru possible :

— Ça va aller. On va y arriver.

Ils échangent un dernier regard avant qu'il ne se lève et rejoigne le poste de Cécilia. La jeune fille se tient droite, assise sur une chaise cachée derrière un large pan de mur. Une machine complexe se tient à côté d'elle, sur une petite table. C'est un instrument en bois de forme carrée, surplombé par un pavillon ocre. Farid n'a jamais vu un tel objet et espère que cela marchera. ils n'ont pas le droit à l'erreur.

L'Esprit de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant