Gaïa savait pertinemment que ce qu'elle avait fait n'était pas vraiment défendable, et elle comprenait parfaitement la réaction de son fils. Elle avait pas mal « merdé » comme qui dirait. Elle se sentait idiote d'avoir pu penser que cela arrangerait la situation. Cela risquait d'être bien pire en fin de compte. Orion n'était pas quelqu'un de rancunier de nature, mais étant donné l'état actuel des choses, il était probable qu'il se referme encore plus. Elle savait qu'elle avait agi bêtement et qu'elle avait été égoïste sur le coup. Elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre pour arranger la situation. La nuit était tombée depuis une bonne heure déjà. Un peu plus tôt, elle avait entendu Orion rentrer pour aller s'enfermer dans sa chambre. Gaïa s'était installée dans son bureau, tentant vainement de travailler. Son esprit était beaucoup trop lourd pour qu'elle puisse en tirer la moindre créativité.
Alors qu'elle tapotait distraitement sur son clavier, elle entendit la porte de son bureau s'ouvrir. À sa plus grande surprise, Orion entra. Il lui jeta en regard noir avant d'aller s'installer en boule sur le sofa.
La blonde échappa un sourire. Dans son ventre venait de naitre cette sensation qu'elle avait oubliée depuis longtemps. Elle avait la même appréhension mêlée de peur et d'exaltation qu'un dresseur entrant dans la cage aux lions. Elle le reconnaissait bien là, le petit renard qu'elle avait mis tant de temps à apprivoiser. C'était leur manière à eux de se réconcilier. Mais elle sentit que cette fois, son renardeau ne se laisserait pas si vite amadouer. Il était encore furieux, et elle le savait. Gaïa fit comme si de rien n'était, ignorant le regard terrible dont Orion la fusillait.
À l'intérieur, son esprit gambergeait à toute vitesse, cherchant la stratégie adaptée pour pouvoir traverser sa ligne de défense. Dans le temps, l'humour et le grotesque étaient ce qui était le plus efficace. Cependant, dans le cas présent elle doutait que cela marche réellement. Discrètement elle balaya sa bibliothèque du regard, en quête d'une piste. Comment lui transmettre le plus justement ce qu'elle voulait lui dire... La réponse lui apparut clairement. Elle inspira profondément, prête à rentrer dans la cage aux fauves.
Elle ferma le clapet de son ordinateur, s'enfonça dans son fauteuil, et après quelques secondes de silence, elle murmura :
— « Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir... »Aucun mouvement en face.
— « Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties,
Sans un geste et sans un soupir »Silence. « Je sais que c'est douloureux » Voilà ce qu'elle lui dit.
— « Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre. »Lentement, Gaïa se redressa, avança d'un pas, puis s'arrêta pour ne pas le brusquer.
Elle attend, sondant patiemment son habitude.« Je sais que c'est douloureux. Mais je sais que tu as la force »
— « Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot »Le renardeau n'a toujours pas bougé. Il la regarde avec insistance, lui défendant de s'approcher. Elle murmure, pour ne pas risquer de le braquer.
« Je sais que tu as la force de t'en remettre, de t'élever »
— « Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu'aucun d'eux ne soit tout pour toi. »La voix de Gaïa s'est encore affaiblie. Elle s'est faite tendre, douce et bienveillante.
« Fait de cette douloureuse tienne. Domine-là »

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Prière à une étoile
RomanceOrion est rentré un soir d'averse et depuis sa mère ne le reconnait plus. Gaïa le sent abattu et inconsolable mais ne connait pas la source de son chagrin et le jeune homme ne lui confit rien. Un jour qu'elle s'assigne pour mission de ranger la cham...