Chapitre 3

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Il s'était rencontré pour la première fois une nuit d'hiver...

Le ciel citadin avait cette nuit-là une teinte vert sombre, éclaboussée parfois par la lumière orangée des lampadaires, l'air sentait le froid et l'humidité. Orion s'était jeté dehors et avait laissé le voile nocturne l'enlacer. Ses poumons se remplirent de cette atmosphère glaciale et pourtant si douce qui apaisait son esprit et faisait monter dans son ventre une étrange euphorie. Des volutes blanches s'échappaient d'entre ses lèvres à chacun de ses souffles alors qu'il marchait d'un pas distrait dans les rues pavées de la ville. Il les avait longuement regardées s'évaporer dans la pénombre, et cela avait éveillé en lui un plaisir fasciné et infantile. Son plaisir s'amenuisa lorsqu'un vent glacé vint balayer ses mèches brunes, l'obligeant à enfouir son nez dans son écharpe et à enfoncer ses mains un peu plus profondément dans les poches de son manteau.

Il leva la tête pour apercevoir le ciel, nu et vide d'étoiles, ces dernières arrachées à la toile des cieux par les lampadaires blafards de la cité. Orion se rappela alors les nuits sans lune qu'il avait passé le regard rivé vers le ciel, observant les milliers de points scintillant à des années-lumière, assis dans l'herbe auprès de Gaïa. Il n'avait que rarement revu un tel spectacle ces dernières années, et finalement, cela commençait à lui manquer.

Il baissa les yeux. Le regard rivé sur le pavé luisant, il accéléra le pas, traversant sans les voir les ruelles remuées par l'euphorie nocturne. Ce n'est que lorsqu'il vit qu'il arrivait non loin de sa destination qu'il sortit son téléphone de sa poche. Au moment même où il s'apprêtait à le déverrouiller, l'appareil se mit à vibrer furieusement dans sa main, le visage de son amie apparaissant à l'écran. Il décrocha sans attendre, et porta le portable à son oreille. Ce ne fut pas la voix de la jeune femme qui l'accueillit alors, mais un grésillement sourd ponctué de musique et de voix bruyante.

— Allô ? finit-il par entendre au bout de quelques secondes.

— Aly ? Vous êtes arrivé apparemment, répondit Orion en souriant.

— Oui, ça fait un moment! Et on attend que toi! Bouge-toi un peu!

— J'arrive, je suis bientôt là. Vous êtes où ?

— Au fond, sur la gauche, à une table!

— Oh, vous avez réussi à avoir une table !

— Qu'est-ce que tu crois, on est arrivé à dix, on a effrayé les biquettes qui entravaient notre route.

Le brun pouffa, avant de repasser la phrase dans sa tête, septique.

— Comment ça vous êtes dix ? On n'était pas censé être quatre ?

— Ah, si, mais j'ai ramené des potes ! Qui ont ramené d'autres potes... Tu vas voir ils sont cool!

Orion ne répondit pas tout de suite, quelque peu surpris. Avec le temps qu'ils passaient au boulot, Orion ne savait franchement pas comment son amie pouvait se dégotter autant de nouvelles connaissances chaque semaine. Il acquiesça finalement avant de raccrocher. Il haussa les épaules en soupirant, un sourire bienveillant s'étira sur ses lèvres. Après tout, son amie avait une faculté innée pour nouer des relations avec les gens autour d'elle. Enfonçant son téléphone dans la poche de son manteau bleu marine, il bifurqua dans une rue étroite, arrivant sur une petite place dallée au centre de laquelle une fontaine de bronzes surmontée d'un cygne au regard vide avait été rendue silencieuse. Il la longea sans pour autant l'observer, trop habitué à ce paysage urbain qu'il côtoyait tous les jours. Il arriva finalement face à un pub dont le ventre bruyant semblait grouiller d'une foule endiablée. L'établissement était coincé entre deux immeubles à l'apparence austère et dénudée. La couleur cramoisie du bar jurait magnifiquement avec le reste et conférait à l'endroit un aspect excentrique et chaleureux. Au-dessus de la porte s'élevait une devanture arrondie annonçant le nom du domaine: The Citizen.

Prière à une étoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant