Lundi 7 septembre 1998

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Point De Vue CHRISTAL

Dans mon miroir, je vois un corps encore marqué par une grossesse, un corps bleuté, un corps affaibli. J'observe mon visage, à l'époque si joli et désormais si terni, combien de temps vais-je encore supporter tout ce cinéma ?
En m'habillant pour aller faire mon premier cours de danse, je me demande dans quel état sera-t-il en rentrant, aura-t-il oublié que je suis là-bas, oubliera-t-il d'aller chercher Anaïs à l'école ? Tant de questions qui se répètent chaque matin, chaque soir dans ma tête. En prenant mon téléphone je remarque un message de mon patron.

ALEJANDRO FERNANDÉZ : Bonjour Christal, je vous envoie un message car il presque impossible de vous voir en ce moment. Nous devons embaucher un assistant pour vous, les démarches vous reviennent mais sachez que vous avez mon autorisation pour le faire. Et demain, pensez à rester jusqu'à l'heure pour laquelle je vous paie. Bonne soirée, Alejandro Fernandéz.

Je souffle et ferme les yeux. Me rassurant en me disant que ça aurait pu être pire, je verrouille mon écran. Il a raison, j'essaie de partir le plus tôt possible pour préparer le repas et éviter les cris, pour éviter ce qui suit.

J'arrive devant l'enseigne dancing et lève un sourcil. On peut dire que c'est très cliché pour le coup. En rentrant je vois une vieille dame à l'accueil, en regardant la pendule au-dessus d'elle, je mords ma lèvre, sachant mon retard.

-Bonjour, je viens pour le cours de 19heure. -Bien ma jolie, ils sont dans cette salle.

J'entre dans la salle et y vois une quinzaine de personnes, équilibré entre homme et femme, tous n'ont que des visages agréables et souriants. Je m'excuse en rejoignant le groupe discrètement. Les deux professeurs, Cherry et Jean, nous expliquent que le but va être de reproduire la fameuse scène du film Bailar hasta la muerte mais que, bien sûr, ces cours restent du loisir. La plupart des gens sont venus en couple, ou tout au moins à deux, alors je me retrouve rapidement seule. Par chance un homme arrive en retard et se joint donc à moi. C'est un grand brun, je lui donnerais facilement la trentaine. En s'approchant de moi, il me tend sa main que j'hésite à serrer.

-Romain enchanté, et vous ?
-Christal.
-Oh, donc je dois vous traiter comme tel. Me dit-il avec un léger clin d'œil, très cliché.

La fin du cours arrive et j'ai l'impression d'avoir oublié tout mon quotidien, je remercie chaleureusement Cherry et Jean et reprends la route pour rentrer chez moi. Ma voiture garée, je prends une grosse bouffée d'air frais avant d'être replongée dans mon enfer personnel. Je décide enfin de rejoindre ma maison et en ouvrant la porte, l'odeur d'un rôti chaud vient me chatouiller les narines, je vois un bouquet de rose blanche sur la table, Anaïs joue dans le salon et en allant dans la salle de bain, je vois Marc faire prendre son bain à mon Lucas.

-Bonjour ma chérie, nous avons presque fini, le repas est prêt.

C'est un autre homme dans ces moments, c'est au final l'homme que j'aime, l'homme que j'ai épousé. Ma famille semble si parfaite dans ces moments-là, si paisible et heureuse. Nous passons une merveilleuse soirée, dans l'amour et la joie. Le regard de mon mari est doux, il me dit qu'il m'aime, me complimente. Il part jouer toute la soirée avec notre fille et nous finissons la soirée, enlacés, sur le canapé. Avant de dormir, nous faisons l'amour, et pour la première fois depuis des mois, je vies le moment en le désirant. Il m'embrasse avec tendresse et me touche avec amour.
En m'endormant, je prie pour retrouver cet homme-là demain matin. Seulement, malgré mes désillusions, je sais parfaitement que demain serait un autre jour, un jour sûrement plus sombre et plus dur.

Point De Vue MARC

J'ai passé une journée de folie. Arrestation sur arrestation, ma seule envie est de rentrer chez moi et me poser tranquillement.
Je suis gendarme depuis maintenant onze ans et j'adore mon boulot. Aider a toujours été ma vocation et ce que je voulais faire était simple : être là pour chaque personne sans se préoccuper du sexe, de l'âge ou de la couleur de peau. J'ai eu la chance, il y a quelques années, de rencontrer une femme super, une femme qui malgré les apparences, n'est pas simplement belle mais aussi magnifique intérieurement. Elle est tout simplement superbe et je ne manque pas de voir tous les hommes dans la rue se retourner sur elle. Elle détient le genre de visage simple et clair, le genre de beauté parfaite et naturelle. En la regardant, on pourrait penser que tout est possible, que malgré un orage, une tempête, tout irait bien si elle est là. Nous avons deux magnifiques enfants, Anaïs et Lucas. Deux petits anges qui tiennent leur visage de ma femme, surtout Lucas. Ma fille tient beaucoup de moi, autant physiquement que mentalement. Et même si sur chaque photo de famille, je fais presque tâche à côté d'eux, je m'en fiche car ce sont les seules personnes vraiment importantes sur ces clichés.

Mon père était lui aussi gendarme, ma mère ne travaillait pas et devait s'occuper de notre éducation. J'avais une grande sœur, Annet, à l'époque, c'était la plus brillante de la famille. Elle était destinée à réussir, faire chirurgienne ou ingénieur. Mais nous avons eu un grave accident de conduire lorsque j'avais 18ans et elle 20ans, elle ne s'en est pas réveillée et mes parents ont toujours portés sa mort sur mes épaules. Ils n'avaient pas tort, je conduisais et je voulais éviter une biche sur la route, j'ai tourné brusquement le volant et nous avons foncé dans un arbre. J'ai eu quelques légères séquelles mais rien de grave. J'aurais absolument tout donné pour revenir quelques secondes en arrière et avoir freiner avant. Depuis, mon père boit régulièrement, et moi aussi. Je n'arrive toujours pas à dormir la nuit en assumant mes actes. Je sais aussi que j'ai une autre sœur, une sœur jumelle. Seulement, mes parents ne pouvant pas nous assumer tous les deux, ont décidé de la faire adopter. Je ne l'ai jamais connu et ne l'ai jamais cherché. Je me surprends régulièrement à penser que mes parents regrettent de m'avoir choisi, moi, et pas elle. En plus d'avoir perdu une enfant, ils ont perdu l'amour de leur vie à cause de moi, ils l'ont perdu parce que j'ai tué ma soeur. Heureusement, Christal est arrivée dans ma vie et m'a ouverte sa lumière. C'est vraiment une femme brillante, elle est vice directrice d'agence de marketing et a travailler dur pour obtenir son poste. Évidemment j'ai dû sacrifier des heures de boulots pour m'occuper de nos petites merveilles mais ça ne m'a jamais dérangé, ils n'ont déjà pas souvent leur maman, je ne peux pas leur enlever, en plus, leur papa. Alors je travaille un peu moins.

Depuis petit, j'ai un don pour faire la cuisine, je suis vraiment très bon alors ce soir je décide de faire un bon rôti et je suis parti chercher des fleurs, de jolies roses blanches-les préférées de mon épouse-. Elle est partie faire un cours de danse, j'aurais voulu venir avec elle mais je devais m'occuper des enfants alors je n'ai pas pu. Lorsqu'elle entre, Naï -c'est le surnom de ma fille- joue dans le salon. Pour une enfant de son âge, elle est vraiment autonome mais un peu trop capricieuse. Son caractère et le mien sont bien trop semblables. Je fais prendre le bain à mon petit prince et je préviens Chris que j'ai quasiment fini. Je la sens assez tendue à table et ça m'agace légèrement, j'essaie de la comprendre mais elle est souvent comme ça. Fermée à la conversation, à nous écouter simplement. J'aimerais la voir plus ouverte à nous, plus heureuse avec nous.

Malgré ça, nous passons une soirée vraiment agréable, Anaïs n'arrête pas de crier mais je la laisse faire. Quant à Lucas, il est vraiment heureux de manger sa purée de carotte qui m'a vraiment l'air dégueulasse. Quelque fois, le regard de ma femme paraît plus illuminé que d'autre fois. Lorsqu'elle regarde son assiette ou même ailleurs, elle sourit. Elle sourit dans le vide mais jamais en nous regardant. Je joue avec ma Naï jusqu'à son coucher et vais me poser tranquillement sur le canapé avec ma femme. On regarde Danse avec les loups, son film préféré. Personnellement je n'aime pas du tout mais sont pas moi, à vrai dire. Kevin Costner séduit ma femme. Comme tous les autres hommes qui ne arrivé dans la chambre, je mets de la pommade sur ses bleues et nous faisons l'amour. D'un amour puissant et incommensurable. Je lui chuchote que je l'aime, elle me regarde les yeux brûlants. J'ai beaucoup de chance de l'avoir et je donnerais ma vie pour qu'elle ne parte jamais.

Dernière foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant