Lundi 14 Juin 1999

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Point De Vue de Christal

En préparant le petit déjeuner, je me reçois des petites tapes derrière la tête, et au moment de lui apporter son café il me le recrache dessus et me hurle qu'il est beaucoup trop chaud. Obligée de mon changer, j'arrive en retard et boulot et n'ayant plus de portable je n'ai donc pas pu prévenir mon patron.

-Christal, dans mon bureau tout de suite.
-Bonjour monsieur, je suis vraiment désolée, j'ai perdu mon téléphone et j'ai eu un souci avec ma fille ce matin.
-Christal tu me dis ça tous les matins depuis une semaine, mais en plus de ça ton boulot est bâclé, mal fait et les clients commencent à se plaindre. Je t'ai déjà prévenue plus d'une fois et cette fois-ci je suis désolé mais je ne peux plus te garder. En plus de ça, l'agence de Cassis ferme. Elle ne me rapporte plus rien.

Non, c'est impossible, impossible. Mes larmes me montent aux yeux et je les retiens tant bien que mal.

-Nan je vous en prie j'ai besoin de ce travail, je vous en supplie.
-Non, je t'ai prévenu plusieurs fois, ça fait des semaines que tu n'es plus pareil ! Et comme je viens de te dire, l'agence ferme et je ne souhaite pas t'envoyer autre part.

Je me retrouve sans rien, sans amis, sans travail, sans rien. Romain, me voyant faire mes affaires, comprend rapidement ce qui se passe. Comme toujours il arrive et, sans mot m'aide à faire mes affaires puis m'emmène manger quelque chose.

-Que s'est-il réellement passé Christal ? Je sais très bien que ta fille n'a pas de soucis, je t'en prie ne me mens pas. Pas à moi.

Et en un instant, en un éclat, tout à éclate, je me mets à débiter tout ce qu'il se passe à la maison, lui expliquant que je suis au bord du gouffre, que je souffre chaque jour un peu plus, que je n'étais pas à l'hôpital parce que je m'étais cassée le petit doigt. Petit à petit son visage change, il se ferme, sa mâchoire se serre et je vois un visage que je n'ai jamais vu de lui. Le plus calmement possible, il me dit qu'on allait passer la journée ensemble puis qu'on irait danser.

Et ce fût la chose la plus intense de ma vie.
Je suis amoureuse de lui.
Romain et moi avons une alchimie parfaite, chacun de nos pas, chaque mouvement de nos corps s'enchaînent ensemble. Mon corps ne fonctionne qu'avec le sien, une musique nous entraîne, nous avons l'impression de n'être que deux, de n'être que tous les deux. Nos corps tournent jusqu'à plus fin, jusqu'à épuisement puis d'un seul coup la musique s'arrête, nos âmes aussi et je suis transportée par son regard.
Il me prend la tête entre les mains, pose son front contre le mien et dans un murmure il me dit :


-Cette passion que tu as mis dans la danse aujourd'hui je sais que tu l'as aussi pour ton travail. Donc tu vas monter et demander à Alejandro de te reprendre en lui promettant du changement, tu peux le faire.

Avec lui à mes côtés, je me pense vraiment capable de tout.
Et j'ai raison, après des supplications et des promesses Alejandro accepte de me redonner une chance en m'assignant à la future agence de Paris, à la seule exigence que je dois être rigoureuse et droite comme je l'ai toujours été.
En sortant, Romain comprend de suite que c'est une bonne nouvelle, il me ramène à la maison et refuse que je rentre seule, mais en le voyant à mes côtés, Marc -pour la première fois- montre son visage devant quelqu'un d'autre que moi. Il rentre dans une fureur pas possible, me hurle dessus mais voyant que Romain commence à crier aussi il se déchaine de toute ses forces. Une baffe pour moi, Marc plaqué contre le mur, un coup de poing pour Romain. Les poings de Romain s'abattent sur Marc, de plus en plus en fort. Ceux de Marc en font de même. Les deux hommes ont à peu près la même corpulence donc aucun des deux maîtrise l'autre. Tout est flou, mais je me rappelle une chose, avoir supplié les deux hommes face à moi d'arrêter de se battre. Romain se tourne vers moi et, le visage en sang, me regarde désespéré. Marc est à terre et peine à se relever.

-Christal tu ne peux pas rester là, tu ne peux pas rester avec cet homme tu le sais hein ? -Romain... C'est le père de mes enfants, je ne peux pas partir, puis même si je le voulais je ne pourrais pas.

Il se rapproche de moi et pose ses mains ensanglantées sur mes joues.

-Écoute, on va aller au poste, s'ils prennent ta déposition promet moi de partir sinon tu restes.

Arrivé à trois heures au commissariat, sortie à quatre heures. Déposition non prise, des rires des agents, un gendarme qui frappe sa femme, puis quoi encore. Ils étaient ma dernière chance de survivre, et elle a disparu.

Romain me raccompagne dans le silence, la seule phrase du trajet fut « Et le jour où il s'en prendra à tes enfants ? ».

Point De Vue de Marc

Ce matin, je n'arrive pas à voir correctement. Je sais bien que boire autant n'est certainement pas une situation vivable. Je sais bien que je vais devoir arrêter à un moment où à un autre, mais je n'y arrive pas. Et en toute sincérité, c'est la seule chose qui me permet de tenir debout. J'aurais voulu avoir une vie magnifique, j'aurais voulu aimer et savoir aimer. Chaque fois que je ne suis pas alcoolisé, la seule chose à laquelle je pense, est mourir. J'arrive au boulot et pars en intervention mais mon boss remarque rapidement mon taux d'alcool.

-Marc, putain pourquoi t'es bourré à huit heure du matin ? Tu déconnes !
-Excuse-moi. J'avais besoin d'un remontant, ça ne va pas avec ma femme et je n'arrive pas à m'en sortir.

Il pose sa main sur mon épaule et me regarde compatissant.

-Je comprends, les femmes peuvent être vraiment chiante, mais ce n'est pas une raison. Rentre chez toi, poses toi devant ta Play et reposes toi.

En rentrant chez moi, le trou dans ma poitrine s'agrandit. Une lampe est cassée, la télévision ne marche plus et la chaîne stéréo est brisée en deux. Je ne supporte pas de voir Christal danser sur du Céline Dion. J'ai l'impression qu'elle s'imagine, sous notre toit, danser avec Romain. Je me colle contre un mur et pleure. Je pleure ma vie, pleure mes enfants et pleure mon épouse. Comment ai-je pu en arriver là ? Mon cœur n'arrête pas de s'effriter et l'alcool est mon seul remède. Je reprends une bouteille et en sentant la brûlure dans ma gorge, je suis vivant. En entendant la porte d'entrée, j'attends de voir ma femme. Mais elle n'est pas seule. Elle est avec lui, chez moi. Bordel, comment peut-elle faire ça ? Je pense qu'à l'instant T, mon cerveau est tellement habitué à répondre à mon mal être par la violence que l'alcool ne joue même pas à un seul moment.

Je fonce sur ma femme et me retrouve contre le mur. Alors, de toute mes forces, avec toutes ma haine, mon poing part. Puis de là, en est venu des poings plus forts les uns que les autres. J'aimerai pouvoir dire qu'on ne ressemble pas à des animaux mais c'était exactement ça. Nous sommes, tous les deux, deux hommes amoureux prêt à tout. Mais ma haine vient d'une chose bien plus profonde. Mon cerveau sait pertinemment que Romain l'aime, qu'ils s'aiment. Mais ce qui me fait mal est qu'il l'aime mieux que moi. Il prend plus soin d'elle, il la touche de manière à ce qu'elle ait des éclats dans les yeux. Il l'aime comme si sa vie en dépendait. Je le sais parce que je l'aime de la même manière, parce que nous nous aimions de la même manière dans le passé. Je le sais parce qu'à chaque fois qu'elle le regarde son regard est doux et tendre. À cet instant précis, je sais qu'elle nous demande de nous arrêter simplement pour lui. Parce qu'elle s'inquiète pour lui. Et lorsqu'elle passe le pas de la porte, je m'effondre une fois de plus. Je suis à terre, couvert de sang. De ma tête, à mes mains. Ça y est, je suis désormais vide. Dénué de tout. Je me suis tué en même temps que je l'ai tué. J'imagine qu'il l'accompagne au commissariat, et je sais ce qu'il va se passer. Ils vont lui rire au nez, personne ne me connaît comme elle. Personne ne sait qui je suis en réalité, sauf elle. Elle est la seule à savoir que je suis un monstre. Elle a été ma bouée d'oxygène dès le premier regard et je ne peux pas la laisser partir, je ne peux pas la laisser me prendre mon cœur, ma vie. Et je ne peux pas le laisser me prendre tout ce que j'ai. Ma femme est tout ce que j'ai. Je suis brûlé à vif et je ne réussirais jamais à me guérir. Mais elle, elle le peut et je ne peux pas la laisser partir, je ne peux pas la laisser m'abandonner.

Dernière foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant