Mardi 6 octobre 1998

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Point De Vue CHRISTAL

Une jolie jupe ? Non trop courte. Un léger décolleter ? Non trop sexy. J'opte au final pour un tailleur pantalon bleue marine. Je suis vice directrice d'agence de marketing donc si je n'arrive pas avec au moins ça on me dévisage toute la journée. J'arrive en bas et vois Marc en train de fumer un café à la main.

-C'est quoi cette tenue ? Tu vas au travail pour faire sucer ou travailler ?
-Je t'en prie mon cœur, c'est mon tailleur de boulot. D'ailleurs tu devrais aller t'habiller tu vas être en retard.
-Va te changer, toute suite.

Et après mainte et mainte refus le schéma habituel recommence, il m'attrape par la gorge, et me dit, toujours sans crier, d'aller me changer. Je sens le sang de ma tête remonter, mon souffle se couper complétement et, pour pouvoir avoir la vie, j'accepte de me changer. Évidemment, je prends mes affaires dans mon sac pour pouvoir me changer dans le hall de mon boulot. Avant de partir, j'emmène Anaïs avec moi et demande à mon cher mari de déposer Lucas à la crèche avant de partir à la gendarmerie, à son boulot.

Après avoir déposée Anaïs, j'arrive en retard à mon bureau. Anéantie au fond de moi, je commence à traiter les CV un par un. Soudain je tombe sur celui d'un certain monsieur Desplanques, sans photo, je me fie à son expérience -plutôt importante pour quelqu'un de 29ans- et l'appelle pour avoir un entretien avec celui-ci. Rendez-vous fixé au quatre novembre, impossible de trouver avant. Midi passé, je vais manger avec mon amie, Laurène, sur la terrasse d'en face. Je ne prends pas le temps de me changer et pars directement.

En la voyant, un sentiment de paix me gagne, elle est plus jeune que moi de deux ans, enceinte jusqu'au cou elle arrive tout essoufflée.

« Coucou ma jolie, tu vas bien ? C'est quoi cette petite mine ? -Ça va et toi ? Carry ne te fatigue pas trop ?
-Ça va. »

Ma pause finie, je cours au bureau pour ne pas être en retard. Laurène est une amie de Marc au départ, ils se sont rencontrés à l'école et depuis ne se sont jamais lâchés. Lorsque nous avons commencé à sortir ensemble, il me l'a très vite présenté et elle est devenue ma meilleure amie.

Mon téléphone vibre, m'indiquant un message.

LAURÈNE : N'engueule pas Marc s'il rentre tard, il va acheter le landau du bébé ce soir et on lui offrira surement un verre après. Tu as vraiment un mari parfait.

Un verre pour elle sonne comme des remerciements, un verre pour moi sonne comme un cauchemar. J'espère simplement qu'il sera trop bourré pour s'occuper de moi.
Travail fini, je passe chercher les enfants et comme chaque fois la maitresse d'Anaïs me dit qu'elle a été très sage. En rentrant à la maison je m'occupe de tout ranger, tout nettoyer, et de préparer le repas. Douche faite, dîner fini, les enfants au lit, je me glisse sous ma couette espérant échapper au monstre qui va arriver. Et comme chaque fois qu'il rentre, un verre dans le nez, il m'attrape par les cheveux, me frappe au ventre -un, deux, trois coups-, cette fois-ci, il me brise les doigts et m'étrangle avec son tee-shirt. Et pour éviter que mes enfants se réveillent et l'énervent, je fais tout pour ne pas crier et pleurer le moins possible.

Demain sera peut-être meilleur, sera peut -être plus simple, je l'espère, je le pris. Pour ce soir, je m'endors finalement par terre dans la salle de bain, le cuir cheveux en sang.

Point De Vue MARC

Un mois que Cristal à commencé ses cours de danse. Je n'arrivais pas à comprendre sa joie à l'idée d'y aller et son sourire lorsqu'elle revenait. Alors, je voulais partager ce bon moment avec elle. Sauf qu'au moment de passer la porte, je l'ai vu, un homme au bras. Je dirais qu'il doit avoir le même âge que nous à peu près. Lorsqu'elle le regarde, j'observe des éclats qui ne sont plus lorsqu'elle me regarde-moi. Je sens mon corps bouillonner et mes mains trembler. Comment ma femme peut-elle me faire ça ? À moi ? Je sais que c'est tendu à la maison en ce moment, depuis que mon salaire est bien plus bas que le sien mais me balancer que c'est grâce à elle que nos enfants ont à manger me rend ouf. Comment peut- elle dire ça ? Comment peut-elle me négliger comme ça ? J'ai l'impression de voir mon père. Ce matin, je fume au bas mot cinq cigarettes, j'en ai besoin. Puis met un peu de whisky dans mon café, ça me détend. Je n'arrête pas de revoir cette image, cette image de ma femme dans les bras d'un autre. Cette image de ma femme heureuse avec un homme alors qu'elle ne l'est plus avec moi. Lorsqu'elle descend, je la vois habillée super court et je lui crache d'aller se changer. Je ne devrais pas, je le sais, mais je l'aime bien trop pour la laisser aimer quelqu'un d'autre que moi. Je la sens s'éloigner, la sens partir loin de moi et me laisser. Je connais cette sensation car je l'ai vécu toute ma vie avec mon père, et ma mère. Je ne vois que de la déception lorsqu'elle me voit. Sauf quand je m'énerve, là je vois de la peur. Ce n'est pas bien et je m'en veux mais c'est le seul moment où elle me respecte. Je sais que cette situation ne peut plus durer. C'est pour ça que je vais voir un psychologue aujourd'hui, puis je passerais chez des amis. Je prends mon après-midi et pars voir Docteur Hoeck. En entrant dans sa salle, je me sens oppressé et comme un malade. Il me demande de m'assoir et je commence à parler.

-J'ai l'impression d'être une merde Docteur. Elle me fait tellement me sentir comme un moins que rien. J'essaie pourtant, j'essaie de tout lui donner, de la rendre heureuse. Mais elle ne l'est jamais avec moi.

Notre consultation dure une heure et j'y sors encore plus perdu. Est-ce qu'elle m'aime toujours ? Est-ce qu'un jour son estime augmentera pour moi ? Est-ce qu'un jour elle m'aimera comme je l'aime ? Est-ce qu'un jour son regard sera différent que celui de mon père ?

Je fonce directement chez Laurène et Tristan et lorsque j'arrive je les vois heureux. Tellement heureux. Laurène a sa main posée sur la joue de Tristan et le regarde avec amour. Je ne me rappelle plus la dernière fois où Christal ne m'a regardé comme ça. Me voyant, mon ami se dirige vers moi, un sourire collé au visage.

-Holá amigo ! Comment tu vas ? T'as une petite mine !
-Salut mon gars, ça ne va pas trop à vrai dire. Mais avant qu'on en parle, je vous ai ramené le berceau de la petite, c'est mon cadeau de naissance !

Ils sont super heureux et je commence à leur parler de mon désespoir, de l'amant de ma femme, de ma solitude. Je leur explique aussi à quel point c'est compliqué à la maison, comment je me fais engueuler pour tout et pour rien, je leur explique à quel point c'est dur de se sentir aussi nul. Je bois un verre, deux, trois et bien trop.

Je rentre et retrouve la maison calme, ma tête tourne et toutes les pensées à l'intérieur aussi.
Son amant.
Sa supériorité.

Son boulot.
Mon amour.
Ma faiblesse.
Ce soir-là je pète un câble et me déchaîne sur mon épouse en espérant réussir être un homme, être à la hauteur. Parce que je préfère sa peur à son mépris.

Dernière foisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant