Chapitre 14

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JACKSON

Dès que mes yeux se sont posés sur lui je l'ai reconnu. C'est le connard de l'aéroport, celui qui s'amusait à caresser les jambes d'Annie. Putain, rien qu'en y pensant j'ai envie de lui balancer mon poing dans la gueule. Fort. Très fort. Et bordel, qu'est-ce qu'il peut bien foutre là?

Il me coupe dans mes pensées les plus funestes en s'étranglant avec sa salive. Il est devenu rouge tellement il rigole. D'un geste primitif, je fais passer Anastasia derrière moi et, après m'être avancé d'un pas, me campe sur mes positions. S'il veut une nouvelle fois toucher la jolie femme dans mon dos, il devra d'abord me passer sur le corps.

- Mmh quel joli paire de lycéens tout amouraché l'un de l'autre vous faites..., éructe-il d'une voix vicieuse. Ça m'a presque paru dommage de vous interrompre pendant vos embrassades... Mais, excusez-moi, je n'ai pas pu me retenir de rire.

Après ces mots, le silence se fait d'aplomb autour de nous. La nature et tous ses habitants animaliers semblent s'être mis d'accord pour se taire en même temps, prêts à nous écouter. Millan, un sourire carnassier sur son visage crasseux, plante ses yeux gris-bleu dans les miens. Je soutiens son regard qui pourrait appartenir à celui d'un fou, d'un aliéné échappé tout droit de l'asile. Je sens les muscles de mes bras tressaillir et je me rends alors compte que je n'ai toujours pas desserrer les poings. Tout mon corps est figé, comme prêt à bondir sur l'ennemi.

Alors que je m'apprête à foncer tête baissée sur Millan, Anastasia, de sa frêle voix, pose enfin les questions qui me brûlaient les lèvres mais dont mes instincts primitifs ont pris le dessus:

- Bon sang! Qu'est-ce que tu peux bien faire ici Millan? Comment tu y es parvenu? Et surtout, as-tu pu joindre les secours ou de l'aide?

Elle a dit ça gentiment, comme si elle ne voyait pas les regards assassins qu'il n'a pas arrêté de me jeter. Sans voix, je la regarde trottiner jusqu'à lui, un peu plus loin, et l'enlacer. Celui-ci referme ses bras autour de sa nuque, avec un peu trop d'enthousiasme à mon goût, et lui caresse lentement les cheveux. Les pieds toujours incrustés profondément dans le sol, je laisse échapper un grognement. Millan l'entend et tourne doucement la tête vers moi, un rictus pervers sur la face, et, sachant pertinemment que je l'observe, me fait un clin d'œil provocateur. Cela suffit à me faire sortir de ma transe d'homme de Neandertal et, reprenant petit à petit le contrôle de moi-même, je les rejoins.

- J'ai eu tellement peur qu'il te soit arrivé quelque chose Anastasia, dit-il d'une voix mielleuse et perchée dans les aigus.

Gayyy.

Il pose maintenant son front contre le sien et finit par lui chuchoter: "Je ne pouvais tout simplement pas concevoir une telle chose, j'aurais été fini sinon."

Écoeuré, j'empoigne Anastasia par le bras et la colle contre mon torse brûlant. Il n'a pas le droit d'être si proche d'elle. Personne n'en a le droit. Elle laisse échapper un presque inaudible gémissement lorsque, attirée par trop de vitalité, elle me percute de plein fouet. Je deviens plus fou que je ne le suis déjà, m'imaginant maintenant dans quelles autres circonstances je pourrai entendre ce son franchir ses lèvres. Mais je me reprends et les insultes fusent toutes seules:

- Je te défends de poser un seul doigt sur elle espèce de fils de...

Je me retiens a contrecœur de finir ma phrase. Il faut que je me calme.

1,2,3, Respire...

J'exhale tout l'air contenu dans mes poumons et le fusille du regard, la mâchoire serrée. Il a pris son menton dans sa main et m'observe, les coins de ses lèvres relevés. Avant qu'il ne parle, je le décrypte a mon tour: ses mèches folles et blondes sont dans un tel cafarnahum que je ne saurais dire si un jour il les a vraiment peignés, son visage est immaculé d'une sorte de graisse brune comme s'il s'était roulé dans la boue pendant des jours entiers, et ses yeux gris bizarres donnent la chair de poule et ressemblent un peu trop à ceux des serpents. Aussi, je ne sais pas depuis combien de temps il se trouve ici mais il semble n'avoir rien mangé et d'avoir fondu comme de la neige en été. Ses pommettes sont saillantes et les os de ses épaules aussi. D'un point de vue il me fait presque pitié. Presque.

L'île perdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant