JACKSON
Un mince filet de lumière blanche perçant la voûte des palmiers vient s'insinuer entre mes yeux clos, m'arrachant ainsi à mes terribles cauchemars. Je me redresse en sursaut, le corps luisant de sueur et le souffle court, tandis que mes doigts s'enlisent profondément dans le sol, comme s'ils tentaient vainement de me rappeler à la réalité. J'essaie de me calmer, même si je sais que mes tentatives ne serviront à rien: les images un peu trop réalistes restent imprimées dans ma mémoire comme si elles y étaient gravées sur de la pierre.
Je peux encore entendre les hurlements stridents des passagers qui peu à peu s'effacent, laissant la place à un silence macabre: la coque de l'avion a disparue de l'horizon, entraînant une centaine d'innocents dans sa descente aux enfers, dans les profondeurs de l'Atlantique. Et moi, impuissant et immobile, j'observe la scène depuis la terre ferme, non loin de là, sur une île perdue des Bermudes. J'aimerai plonger dans la tumulte des vagues pour tous les secourir, enfants et adultes, mais j'ai comme les mains emprisonnées, retenues, par quelque chose de très lourd et fort. J'essaie de m'en défaire mais plus je me débats, plus la prise s'accentue sur mes poignets, me faisant ainsi souffrir le martyre. Je grogne et me retourne pour savoir enfin ce qui m'emprisonne mais je m'en repens aussitôt: un frisson d'horreur me parcourt la colonne vertébrale lorsque mes yeux rencontrent ceux gris et à moitié hallucinés de Millan. Il me tient les poings liés et sourit de toutes ses dents comme s'il prenait un malin plaisir à me torturer. Je tire hargneusement et de toutes mes forces sur mes poignets, le désespoir s'emparant un peu plus de moi a chaque minute de ce foutu silence, et sentant a chaque nouvelle tentative ma peau se déchirer sous ses mains. Mais rien a faire, stoïque comme une statue, mon bourreau ne bouge pas d'un cil. La panique me gagne, elle aussi, quand il commence a parler d'une voix vicieuse:
- Tout t'échappe, Jackson. Tu ne pourras faire revenir personne! Ni ces pauvres gens que tu as abandonnés la nuit du crash, ni ta propre mère qui a préféré partir avec un autre, ni...
- Ni moi, finit par dire la voix portante et féminine d'Anastasia.
Comme par enchantement, sa fine silhouette apparaît aux côtés de Millan et se poste tout contre lui, la tête appuyée sur l'épaule droite de ce dernier. Elle me fixe intensément de ses yeux bleu ciel tout en affichant un air méprisant. La douleur de cette vue et provoquée par ces mots, cette fois, est fulgurante et dix fois plus intense que celle ressentie a mes poignets. Elle est incontrôlable, envahissante, et prend naissance dans le creux de ma poitrine. Elle semble vouloir séparer mon coeur, cet organe vitale, en deux morceaux bien distincts et se prolonge jusqu'à la plante de mes pieds. Elle parcourt tout mon être, mon âme, de décharges électriques qui semblent plus douloureuses encore que la mort elle-même. J'observe, une nouvelle fois impuissant, sachant malgré moi que ces paroles sont vraies et le corps semblant me lâcher pour de bon, la scène d'horreur qui complète mon terrible cauchemar: Annie, ma Annie, capturant ardemment le visage de Millian entre ses mains et qui plaque sa bouche entrouverte contre la sienne. Ce baiser n'est en rien innocent, c'est un appel à bien plus que ça et il se prolonge inlassablement devant mes yeux. J'entends ces petits soupirs étouffés, échangés lorsque les bouches se scellent entre elles et qui sont de plus en plus répétitifs, insistants. N'étant plus retenu par Millan, je tombe à genoux devant eux, alors conscient de ce qu'il se passera par la suite et baisse la tête, abattu et vaincu. J'aimerais crier, tout estropier, les séparer l'un de l'autre, mais mes membres et mon esprit, comme entrés en transe, ne répondent plus a mes ordres. Je ne suis plus que pensées sombres et morbides qui virevoltent sans aucun but dans l'espace temps. Invisible face au monde, je me tasse lentement dans le sol, et le sable m'aspire peu a peu, me recouvrant jusqu'au cou comme si je me trouvais dans un marécage. Seule ma tête en dépasse et c'est pour voir, écœuré et désespéré, plus encore fou de rage, Millan et Anastasia s'étaler a moitié nus a quelques pas seulement de moi.
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L'île perdue
RomancePour fêter ses 18 ans, Anastasia se rend seule chez sa tante Katie qui vit à Miami. Celle-ci lui promet les plus belles vacances de sa vie. Mais tout ne se passe pas comme prévu... En effet, un terrible ouragan provenant de la Floride frappe de plei...