1 - Myosotis

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Rose

J'attrape la petite boîte nichée en haut de l'étagère puis redescends lentement de l'escabeau, en essayant de ne pas me casser la figure. Je m'assois sur les petites marches, la boîte à chaussures sur les genoux, l'ouvrant délicatement, craignant d'abimer quelque chose. Un doux sourire nostalgique nait sur mes lèvres quand mes doigts passent sur les dessins que j'ai dessiné petite. Allant des bonhommes battons, à l'arc-en-ciel puis à la fusée dans l'espace. Je les regarde un petit instant, me projetant une quinzaine d'année en arrière, sur la table du salon mes Crayola éparpillés autour de moi. Concentrée sur mes tracés, me passant incessamment la langue sur les lèvres ; c'était une petite manie que j'avais en dessinant. Je soulève la petite pile de dessins que je dépose dans le couvercle de la boîte. Je saisis les quelques photos et un grand sourire s'imprime sur mon visage en revoyant ma petite tête blonde, les yeux rieurs, souriant de toutes mes dents, enfin presque toutes, il m'en manquait deux.

A mes côtés ma petite soeur éclate de rire également. Elle devait avoir six, peut-être sept ans sur cette photo. Je devais donc en avoir neuf. Nous étions toutes deux devant l'océan, bras-dessus bras-dessous, en plein éclat de rire. Mes parents avaient dû la prendre pendant que nous étions en vacances. Je passe la photo et tombe alors sur mon père, décoré par un ravissant serre-tête Minnie tenant ma soeur sur ses épaules, le grand chapeau de Mickey dans Fantasia sur ses petites boucles rousses. Deux fois trop grand pour elle, le grand chapeau bleu est penché à droite et lui tombe totalement sur l'oeil, ce qui ne l'empêche pas d'afficher un grand sourire. Debout sur les pavés de MainStreet à Disneyland, mon père semble radieux. Je cale cette photo derrière la petite pile et admire la suivante. Ma mère, mon père, ma soeur et moi sommes tous les quatre sur celle-ci. Mon père tient ma mère par l'épaule tandis que j'essaie de garder ma petite soeur à mes côtés le temps de la photo. C'est vrai qu'à l'époque, c'était une véritable pile électrique. Je reconnais derrière nous le jardin de ma grand-mère, le ciel était dégagé et une petite fumée grisâtre s'élevait sur notre gauche. Ce devait être durant un barbecue en été chez ma grand-mère. Je continue de passer les quelques autres photos entre mes mains, essayant de me remémorer ces instants.

Je secoue la tête, un petite sourire aux lèvres quand je soulève de la boîte à chaussures un collier de nouilles peint de plusieurs couleurs. Je ne comprendrais sans doute jamais pourquoi les parents s'obstinent à garder ce genre de cadeaux ! Ma main rencontre par la suite un vieux tissu et j'éclate de rire face à l'ancien doudou de ma soeur, un vieux lapin littéralement en morceau, qui ne contient pratiquement plus de rembourrage. Comment était-ce déjà ? Rito, Rino... Rico ! Ma soeur l'avait nommé Rico. Pourquoi ma mère a-t-elle gardé un torchon pareil ? La nostalgie je présume.

Mon sourire se perd lorsque mes doigts effleurent les contours d'une petite sphère. Je retire l'objet de la boîte et je sens mes yeux s'embuer de larmes. Je me souviens alors du moment où ma mère m'a offert ce petit coquelicot contenu dans cette sphère en résine. Je la revois nettement s'accroupissant à ma hauteur, m'exposant sa paume au milieu de laquelle se trouvait ce magnifique coquelicot à jamais conservé dans cette petite bulle. Ma mère me l'avait offert quand j'avais dû partir un an en internat vers mes onze ans. J'étais inconsolable à l'idée de quitter ma famille dont je ne m'étais jamais séparée. Elle s'était alors approché de moi me tendant cette sphère, me disant qu'elle serait à jamais comme ce coquelicot : toujours auprès de moi, qu'elle ne me laisserait jamais.

Mes larmes dévalent mes joues. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Elle n'est plus là. Sinon je ne serais pas en pleure dans son salon à faire le tri dans les objets que je veux garder avant que les autres ne soient mis aux enchères. Mes mains se resserrent autour de la petite sphère que je presse contre mon coeur.

Au bout de quelques minutes, je me relève, glisse la bulle de résine dans la poche de mon Jean et range tout le contenu de la boîte dans celle-ci. Je l'empoigne et me saisis des deux gros sacs chargés de souvenirs que j'emporte avec moi. Arrivée sur le palier je me retourne une dernière fois, balayant d'un oeil humide cet espace qui abrite les vestiges de mon enfance et les mémoires d'une famille heureuse.

Le tintement de la clé dans la serrure sonne comme la fin d'une ère, le commencement d'une histoire, la naissance d'un nouveau bourgeon.

Parle moi des fleurs - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant