5 - Muguet

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Les fins rayons du soleil filtrent à travers le rideau crème de la fenêtre de ma chambre. Je sens une boule de chaleur ronronner à mes côtés et je souris, les yeux toujours clos. J'attends les cinq petites minutes habituelles avant que mon réveil ne se mette à sonner. Cela fait des années qu'inconsciemment je me réveille cinq minutes avant que mon alarme matinal ne me tire du sommeil. Lorsque la voix de l'animateur radio se met brutalement à hurler, je coupe mon réveil au plus grand contentement de Garfield qui avait relevé son museau des draps.

- Aller, gros fainéant ! Debout ! ordonné-je à mon chat.

Celui-ci me regarde quelques instants avant de replonger sa tête velue sur le lit. Eh bien, quelle autorité...

Je saisis mon téléphone et enclenche une playlist " spéciale matin " afin de me donner un peu de courage. Filant directement sous la douche, armée de ma musique, je fais un brin de toilette, m'habille et me maquille légèrement. Je mets un peu d'ordre dans mon carré blond dont le côté gauche est constamment coincé derrière mon oreille, laissant apercevoir mes nombreux anneaux au cartilage. J'arpente par la suite mon salon, arrosant les quelques plantes qui en ont besoin et j'aère la pièce en ouvrant les deux fenêtres de mon living.

L'air frais du matin qui s'infiltre dans le pièce m'apaise et j'observe un petit moment le soleil s'élever derrière les buildings. Je délaisse ce magnifique spectacle pour aller me faire un café et reviens quelques minutes plus tard devant ma fenêtre une tasse fumante entre les mains, écoutant d'une oreille distraite Gone, Gone, Gone de Phillip Phillips. Je m'assois tranquillement sur le rebord intérieur de ma fenêtre que j'ai aménagé en banquette et Garfield ne tarde pas à me rejoindre. Mon petit félin vient frotter sa tête rousse contre mes jambes afin d'attirer mon attention. Je mets fin à ma contemplation du ciel qui commence à se teinter de couleurs chaudes et dépose de douces caresses sur le pelage soyeux de mon animal. Je termine en vitesse ma dose de caféine en m'apercevant qu'il est déjà sept heures et quart. Délaissant ma tasse vide sur le rebord de ma fenêtre, je ferme celle-ci et m'empresse de rejoindre l'entrée pour enfiler ma veste en Jean et une légère écharpe.

Alors que je glisse mes clés dans ma poche quelque chose fait obstacle. Je sors la bulle de résine contenant le coquelicot que ma mère m'avait offert et la contemple quelques instants avec nostalgie avant de la poser sur mon meuble d'entrée et de claquer la porte de mon appart derrière moi. Après un petit quart d'heure de marche je me poste devant la boutique, m'abaisse pour ouvrir l'imposante grille en métal et la remonte péniblement avant de fourrer ma clé dans la serrure. En pénétrant dans le magasin, cette odeur floral me saisit d'un coup et je gonfle mes poumons de cet air si pur, humant avec passion. Je redispose les vases et les pancartes, mets en place les petites expositions extérieures et décore la vitrine. Je me dirige par la suite vers l'ordinateur branché sur le comptoir et prends connaissance des horaires de livraisons de la matinée. En quelques heures, je réceptionne les commandes de fleurs et les installe quand la cloche de la boutique retentit.

Claire faut son entrée et me salut d'un signe frénétique de la main. Nous papotons tout en vacant à nos taches respectives, attendant l'arrivée des premiers clients. La journée défile lentement, je n'arrête pas de me repasser en boucle ma conversation téléphonique d'hier avec Violette, et le souvenir de la voix pennée de mon père la veille au soir au téléphone finit de m'achever. Je lâche un soupire et Claire s'approche de moi.

- Qu'à pu donc bien te faire ce bouquet pour que tu soupires à ce point ? me demande gentiment ma collègue.

Je souffle du nez, un petit sourire aux lèvres en observant les quelques branches d'eucalyptus, les tiges de bégonia et de camélia dispatchées un peu partout sur le plan de travaille.

- Ce n'est pas ce bouquet. confié-je tout bas, sur le ton de la confession.

Claire pose sa petite main légèrement ridée sur la mienne et ce geste réconfortant me soulage quelque peu.

- Tu devrais aller faire une pause ; il n'y a pas foule aujourd'hui. Laisse, je m'occupe de terminer cette commande. Aller, oust ! Je ne te veux pas dans mes pattes ! me sermonne-t-elle gentiment.

Je lui adresse un grand sourire reconnaissant et délaisse la constitution du bouquet pour emprunter la porte de derrière afin de rejoindre le parking, histoire de m'aérer un peu. Lorsque l'air léger du début d'après-midi m'atteint en plein visage, je lâche un soupire de contentement. Je lève la tête et m'étire doucement face au ciel bleu qui s'offre à moi. Je fais alors de mon mieux pour refouler toute pensée néfaste et profite de ce doux climat printanier.

Mon regard et soudain attiré par une forme sombre adossée contre le mur du bâtiment quelques mètres plus loin. Aujourd'hui, il porte une veste kaki dont les manches sont retroussées jusqu'aux coudes et un Jean foncé. De cette façon : la tête levée vers le ciel, des écouteurs vissés dans les oreilles et le bâton d'une sucette dépassant d'entre ses lèvres, son charme me frappe de plein fouet. Son visage ainsi exposé à la voûte azure, le soleil éclaire sa tignasse foncée et ses yeux sombres, les faisant étinceler. Je reste quelques secondes pantoise face à tant d'agrément puis me reprend, constatant que mon attitude est loin d'être très morale.

Je tâche de respirer calmement pour faire disparaitre les rougeurs qui se sont installées sur mes joues et m'avance dans sa direction.

- Qu'est-ce que tu écoutes ? commencé-je en venant m'adosser au mur à ses côtés.

Parle moi des fleurs - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant