Parle moi des fleurs - Tome 1

6 - Rose

- Salut, Miss Flowers ! s'exclame-t-il en retirant ses écouteurs pour se tourner légèrement vers moi.

Ce surnom à le mystérieux pouvoir de faire naitre en moi une petite flamme qui me réchauffe de l'intérieur. Je ne saurai l'expliquer mais la présence de Marcus fait s'envoler une partie du poids qui repose sur mes épaules ; l'atmosphère devient d'un coup si légère et tout ne semble plus qu'éphémère à côté. Je pourrai avoir l'impression de discuter avec un vieil ami, alors qu'il n'est qu'un parfait inconnu à mes yeux.

- Tiens. me dit-il en me tendant un écouteur.

Je saisis le petit objet et le colle à mon oreille. J'image parfaitement ce que cette scène pourrait représenter pour une personne totalement étrangère au contexte. En cet instant, nous avons surement l'air d'un couple de jeune qui écoutant une même musique côte à côte sur un parking pratiquement désert. Ma propre pensée arrive à me faire rougir et je me secoue mentalement afin d'arrêter de raisonner comme une midinette de quinze ans.

- C'est un choix intéressant. débuté-je en lui jetant un coup d'oeil. Mais je t'aurai plus vu rap.

Soudain, Marcus affiche une expression de profonde trahison, une main posée sur le coeur et l'autre sur le mur, faisant semblant de se rattraper dû au choc d'une violente annonce.

- Mon Dieu ! Tu me blesses !

J'éclate de rire face à son piètre jeu d'acteur beaucoup trop surjoué et croise mes bras sur ma poitrine.

- Qu'as-tu contre le rap ? m'enquis-je, un sourcil haussé, l'interrogeant du regard.

Marcus se passe rapidement la main dans ses cheveux noirs, les re-plaquant vers l'arrière avant de retrouver une posture normale.

- Je déteste ça ! scande-t-il en me montrant ses deux mains et en retirant la sucette orange de sa bouche, comme pour s'innocenté d'un crime.

Cette fois c'est à mon tour de paraître outrée en pressant ma main contre mon coeur.

- Quelle mauvaise actrice tu fais ! se gausse-t-il.

- Ta performance était loin d'être meilleure ! lui fis-je remarquer en lui assénant un coup dans l'épaule, le sourire aux lèvres.

- Revenons-en à ce que tu viens de dire. Comment peux-tu détester le rap ?

Marcus hausse les épaules, toujours hilare que je ne veuille pas lâcher le morceau.

- Je n'aime pas, je trouve que ça n'a pas d'âme. Les paroles sont totalement flous et le rythme est sans doute ce que je hais le plus.

Mon air choqué le fait éclater de rire et je ne suis pas en état de rétorquer quoique-ce-soit.

- Je vois que j'ai affaire à une fervente défenseure ! ajoute-il un sourire taquin scotché sur le visage.

Les bras toujours croisés sur ma poitrine, j'appuie mon épaule contre le mur et le regarde droit dans les yeux.

- Non je ne suis pas une " fervente défenseure " du rap, j'en écoute très peu d'ailleurs, mais je ne peux pas te laisser mettre tous les rappeurs dans le même panier ! IAM, Diam's, Eminem... ? Ceux-ci sont de réels artistes ! proclamé-je en agitant mes mains de manière inutile.

Marcus baisse la tête et ricane quelques secondes avant de replanter ses yeux dans les miens.

- Tu es vraiment une fille étonnante, toi !

Cette phrase n'avait pas été prononcé avec une intonation particulière mais elle sonne différemment à mes oreilles sans raisons apparentes. Il m'épie d'un oeil curieux et je me re-saisis vite en m'éclaircissant la gorge.

- Tout ça pour dire que je ne te voyais pas écouter du Oasis. ponctué-je en haussant les épaules.

Ses sourcils tressautent et une étincelle de curiosité mêlée à de l'intérêt illumine son regard.

- Et moi, je ne te voyais pas branchée vieux groupes de rock.

- Disons que j'écoute un peu de tout. dis-je en me faisant un petit récapitulatif mental de mes morceaux du moment.

Alors que Marcus s'apprête à répliquer, son téléphone vibre dans sa main, il en débranche les écouteurs pour porter celui-ci jusqu'à son oreille. Je vois ses doigts se crisper sur con cellulaire tandis que sa posture se braque d'un coup. A-t-il reçus une mauvais nouvelle ? Il se contente de répondre à son interlocuteur par de petits claquements de langue contre son palais, visiblement irrité. Il ponctue son coup de fil par un " ouais, j'arrive " des plus froids.

- Tout va bien ? lui demandé-je lorsqu'il raccroche.

Il souffle et se passe une main dans ses cheveux de jais.

- Encore et toujours mon connard de père.

Son ton cinglant me fait presque sursauter. Quand il le remarque, ses sourcils s'affaissent et un air contrit s'installe sur son visage.

- Désolé, tu n'y es pour rien. prononce-t-il doucement.

- Tu sais, commencé-je en relevant les yeux vers lui avec un petit sourire aux lèvres, récemment une personne m'a dit qu'il ne fallait pas accorder d'importance aux cons, et je trouve que c'est un super conseil, tu devrais l'appliquer.

Marcus me sourit, visiblement reconnaissant de le lui avoir redonné. Sans que je m'y attende, il attrape mon poignet, fouille dans la poche de sa veste kaki, en sort un objet et me le glisse dans la main avant de refermer celle-ci pour la relâcher par la suite.

- C'est n'est pas que ça m'enchante mais je vais devoir y aller. Alors je te dis à plus, Miss Flowers !

Il tourne les talons et disparait à l'angle d'un imposant building à une centaine de mètres.

Je baisse les yeux et reporte mon attention sur le membre qu'il m'a saisit quelques secondes plus tôt. Je déplie mes doigts pour retrouver une sucette décorée d'un emballage rose dans le creux de ma main.