11 - Absinthe

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- Bonne soirée, Rose ! me lance ma collègue.

Je lui souhaite également une bonne soirée avant d'entendre la clochette retentir dans la boutique désormais vide. Je finis de ranger les quelques commandes, d'entreposer des cartons dans la réserve et de rentrer les quelques fleurs de l'extérieur. Je sors mon téléphone de la poche arrière de mon Jean pour surveiller l'heure : dix-neuf heure six. J'éteins les lumières, attrape mon sac et sors de la boutique. Comme toujours, je passe quelques minutes à abaisser l'imposant grillage d'acier que je verrouille en bas avec ma clé. Je me dépêche de rejoindre mon appart, courant presque sur le chemin.

Quand j'enfonce ma clé dans la serrure de ma maison il est précisément dix-neuf heure vingt-deux. Il me reste huit minutes ! J'envoie valdinguer mes chaussures dans l'entrée avant de traverser comme une fusée mon salon pour arriver jusqu'à ma chambre. Je retire en quatrième vitesse mon t-shirt, me mets un coup de déodorant avant de saisir dans ma penderie un joli marcel blanc avec de la dentelle sur le décolleté. Je roule en boule le haut que j'ai porté toute la journée et le balance de mon dressing avant d'en refermer rapidement les portes. Je fonce à présent vers la salle de bain, passe mon index sous mes yeux d'où s'échappe un peu de maquillage avant de remettre une légère couche de mascara. Ma main passe grossièrement dans mon carré blond, essayant de soigner ma coiffure.

Par la suite, je rejoins ma cuisine ouverte et mets à la poubelle les quelques sachets de nourriture vides qui trainent sur mon plan de travail ainsi que ma tasse de café que j'ai tendance à laisser chaque matin sur le rebord interne de ma fenêtre. Alors que je jette un oeil autour de moi, ma sonnette retentit. Je souffle, histoire de calmer ma respiration et m'approche de ma porte d'entrée. Je l'ouvre doucement et tombe nez à nez sur Marcus. Le jeune homme à enfiler un polo noir qui fait parfaitement ressortir sa légère musculature, un Jean foncé et il a troqué ses Rangers habituelles pour des baskets basses également noires.

Dieu, qu'il est beau !

J'ouvre complétement la porte et lui sourit en l'invitant à entrer. Il me tend alors un bouquet de roses aux teintes orangées. Mon sourire s'élargit de plus belle, agréablement surprise par sa petite attention.

- Des roses oranges ; elles fleurissent en générale à la fin du printemps. récite-t-il comme un parfait petit élève.

Je rigole alors, refermant la porte derrière lui.

- Tu apprends vite, dis moi !

- J'ai eus un très bon professeure, se vente Marcus en me souriant de toutes ses dents, faisant référence à mon petit exposé de cet après-midi.

Je lui intime de faire comme chez lui tout en me dirigeant vers la cuisine afin de disposer ce magnifique bouquet dans un vase. Après notre petit échange sur le parking plus tôt dans la journée, j'ai pris mon courage à deux mains et lui ait proposer de passer la soirée chez moi, juste avant de retourner bosser. Nous avons donc échanger nos numéros et je lui ai envoyer mon adresse.

Une fois rempli et bien agencé, je dépose le vase plein de roses au bout de mon plan de travail. En rejoignant le salon, je suis accueillie par l'image de Marcus, la main agitée dans l'air juste au dessus de Garfield qui essaie de lui chopper un doigt.

- Attention, c'est à tes risques et périls ! Si tu te fais manger un doigt je ne serai pas tenue pour responsable.

Marcus rigole avant de poser doucement sa paume de main sur la petite tête poilue de mon chat. Celui-ci a d'abord un mouvement de recul, avant d'approcher son museau de la main du jeune homme puis de se laisser caresser.

- Bon eh bien ça y est, je me suis mis ton chat dans la poche. s'exclame Marcus en lui grattant le ventre.

- En effet ! ris-je.

Je lui propose quelque chose à boire et après nous avoir servis deux bières, nous nous posons sur le canapé. Nous discutons tranquillement. Marcus me parle un peu de sa famille, de son enfance aux côtés de son grand-père, des quelques années d'études qu'il a fait en marketing et communication et de ses voeux d'avenir. J'apprends qu'il joue de la guitare et du piano et que si il ne devait pas rejoindre l'entreprise de son père, il aurait aimé devenir musicien. A mon tour je lui parle un peu de mon enfance et de la complicité que je partageais avec mes parents - ce qu'il a l'air d'envier - et des quelques études que j'ai fait pour devenir fleuriste. Il me pose quelques questions sur ma soeur et je lui explique grosso-modo la complexité de notre relation.

Les heures défilent, nous avons décider de nous commander des pizzas, n'ayant pas grand chose dans mes placards, et de les déguster devant un film. C'est donc tranquillement installés en tailleur, nos cartons de pizzas entre les jambes, que nous suivons les aventures de Bilbo dans Le Hobbit. Au fur et à mesure de l'avancé du film, nos repas finis et nos cartons au sol, ma tête repose sur l'épaule de Marcus qui a une main posée sur ma cuisse ; nous profitons tous deux de cette proximité.

Le jeune homme dévie alors son regard de l'écran de télé et le laisse plonger dans le mien. A mon tour je quitte le film des yeux en plongeant dans les prunelles émeraudes du brun à mes côtés.

- Rose, je peux t'embrasser ? me murmure-t-il alors que nos lèvres se touchent presque.

- Comme si j'allais te répondre " non ". affirmé-je, les yeux rieurs.

Marcus affiche un grand sourire amusé avant de plaqué ses lèvres contre les miennes. Je commence réellement a prendre goût à sa bouche sucrée qui a la saveur de bonbons. Sa langue glisse entre mes lèvres au moment où mes mains passent dans ses cheveux. Ses boucles brunes sont d'une douceur que je n'aurai jamais soupçonnée. Mais alors que Marcus passe ses mains sur mes hanches la sonnerie de son portable nous interrompt. Je sens ses sourcils se froncer avant qu'il ne s'éloigne de ma bouche.

- Désolé, me chuchote-il, le regard plein de désir et les joues en feu, ce qui le rend incroyablement sexy.

Pourtant ses yeux s'assombrissent à la seconde où son regard se pose sur son cellulaire. J'ai juste le temps d'apercevoir " Père " affiché sur son téléphone que Marcus se lève en jurant.

Il s'éloigne un peu avant de coller l'appareil électronique à son oreille. La conversation s'anime de minutes en minutes tandis que les répliques de Marcus se font de plus en plus agressives. Que vient de lui annoncer son père qui peut bien le mettre dans un état pareil ? Au bout d'un moment, le jeune homme refait son apparition dans le salon. Je ne l'ai jamais vu autant en colère. Sans que je m'y attende, il explose son téléphone contre le plancher dans un cris de rage. Je me lève instantanément et m'approche de lui. Son corps tremble. Je dépose mes mains sur ses joues et lui relève la tête. Ses yeux furieux s'encrent dans les miens.

- Qu'est-ce qui y'a, Marcus ? demandé-je inquiète.

Il déglutit alors que désormais il parait complétement désemparé.

- Mon père veut que j'intègre sa société mère... à San Francisco. Alors nous allons quitter la ville.

Mon coeur loupe un battement en entendant sa dernière phrase. Il s'en va ? Je fais un effort considérable pour ne pas perdre mes moyens maintenant et lui demande d'une petite voix.

- Tu reviendrais quand ?

Son regard abattu me transperce littéralement le coeur.

- J'y vais pour reprendre la tête de la société. Après j'en deviendrais le PDG. Alors, je ne reviendrais pas, Rose.

Je sens mon organe vital se craqueler à cette annonce. Un puissant vide s'insinue en moi.

Alors lui aussi il va partir et ne pas revenir.

Parle moi des fleurs - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant