7 - Bégonia

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Je cale une mèche blonde derrière mon oreille tout en jouant avec le bâtonnet en plastique entre mes lèvres. Un arôme de framboise chimique empli ma bouche tandis que je marche doucement dans la rue. Je pénètre au Blue Angel, un petit sourire aux lèvres, directement apaisée au milieu cette ambiance que j'apprécie tant. Me dirigeant jusqu'au comptoir, je fais de petits signes de la main à quelques têtes qui me sont familières avant de prendre place sur l'un des hauts tabourets.

- Rose, ma belle ! s'exclame Joyce en me sautant littéralement dans les bras à la vue de tous les clients.

J'éclate de rire face à la réaction de mon amie avant de la décoller de mon corps.

- Ca faisait un bail que t'étais pas venue ! T'étais où enfin ! me réprimande-t-elle un grand sourire aux lèvres.

- Ouais je sais, je suis désolée. J'ai eus beaucoup de... trucs à gérer.

Son regard pétillant perd d'un coup de son éclat pour se couvrir d'un voile de tristesse.

- Eh... ça va en ce moment ? hésité-t-elle à demander.

Je lui adresse un petit sourire en remettant le côté gauche de mon carré derrière mon oreille.

- Disons que ça peut aller.

Ce n'est pas entièrement faux. Je ne suis pas le genre de personne à fondre en larme au premier souvenir douloureux qui remonte. Je suis plus de ceux qui vont ruminer à l'intérieur en ne laissant pas voir grand chose à l'extérieur.

- Est-ce qu'elle est venue ? me demande-t-elle doucement en parlant de ma soeur.

Je secoue la tête négativement.

- Quelle pétasse ! laisse-t-elle échapper à voix haute.

Je ricane et regarde ma meilleure amie d'un oeil reconnaissant : heureusement qu'elle est là. Joyce et moi nous connaissons depuis la quatrième et nous ne nous sommes jamais quitté depuis. Ma mère adorait Joyce et s'était réciproque. Mon amie est également au courant de mes problèmes avec Violette ; elle ne l'a d'ailleurs jamais beaucoup aimé. A l'époque je me souviens que Joyce et moi étions les opposées pourtant sa bonne humeur maladive et son entrain pour à peu près tout, m'avaient tout de suite plu. S'était le genre de fille insolente, qui répondait aux professeurs, celle qu'on appelait couramment le " clown de la classe ", celle qui mettait des raclés aux garçons qui faisaient pleurer les filles et la petite tête brûlée qui se retrouver chaque semaine chez le proviseur pour tricherie ou pour bavardage. Tandis que moi, j'étais la petite gamine discrète qui avait toujours un livre à la main. Celle qui se mettait à rougir comme une tomate quand elle avait le malheur d'être interrogé mais qui était prête à bondir à l'entente de la moindre injustice.

- Eh ! Joyce ! Je te paye pas pour tailler la bavette aux clients ! vocifère une voix grave derrière nous.

C'est Bary, son patron et donc en l'occurrence le propriétaire du Blue Angel.

- Ouais, ouais. répondit mon amie en balayant ses remarques du revers de la main.

Elle repasse derrière le comptoir, une petite grimace scotchée sur le visage tandis que je me mets à glousser.

- Ne joue pas les têtes brûlées à moins que tu ne veilles encore te faire virer.

- Oui, maman ! s'amuse-t-elle en levant les yeux au ciel, ce qui me fait rire.

Soudain, elle lève un sourcil semblant remarquer un étrange détail.

- C'est nouveau ça, tu manges des sucettes, maintenant ? Toi qui détestes tout se qui est industriel...

Un sourire niais prend place sur mes lèvres et je retire la petite boule rose de ma bouche, étant désormais toute petite.

- Si je te dis qu'un bel inconnu me l'a offerte, tu me crois ?

Joyce stoppe tout geste et se plante devant moi.

- Rose Lindsey Hemsworth ! Tu as rencontré un mec et tu me l'as même pas dit ?! s'égosille mon amie en me fixant d'un regard sévère.

Quelques clients se retournent vers le bar et je me sens rougir en me retrouvant le centre de l'attention. Je me racle la gorge en me focalisant sur le comptoir devant moi, me tassant sur mon tabouret.

- Tu peux crier plus fort ? Je crois que ton patron n'a pas entendu ! lui dis-je avec une ironie non dissimulée.

- Alors là, ma cocotte, laisse-moi te dire que tu ne vas pas t'en tirer comme ça ! T'as intérêt à tout me raconter.

Je lève les yeux vers le plafond décoré de belles ampoules nues, style révolution industrielle, avant de regarder mon amie d'un air exaspéré.

- Arrêtes de t'enflammer. Comme je viens de te le dire, je connais à peine ce type.

- Si tu le " connais à peine ", c'est que c'est pas un parfait inconnu non plus. Alors vas-y dis-moi tout.

Je secoue la tête, exaspéré et amusée à la fois. Je lui fais donc le récit de ma rencontre avec Marcus ainsi que notre débat musical d'un peu plus tôt. Joyce me regarde comme si je venais de lui annoncer la date du prochain tremblement de terre.

- J'y crois pas ! se lamente-t-elle. Pourquoi je tombe pas moi aussi sur un bel Apollon qui distribue des sucettes.

Mon amie se stoppe dans sa tirade et me regarde. Nous éclatons alors de rire ensemble devant la formule de sa phrase plus que douteuse. Joyce retrouve peu à peu contenance après notre fou rire et resserre sa queue de cheval brune avant de me proposer un truc à boire. Je lui commande une bière et mon amie la lève pour porter un toast : 

- Aux beaux mecs que nous n'aurons jamais ! s'exclame-t-elle en me tendant ma bière, le sourire aux lèvres.

Parle moi des fleurs - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant