2 - Aloès

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Je scrute l'écran de mon téléphone espérant bêtement l'apparition d'un message. Mais sans surprise celui-ci reste noir. J'avais pensé... j'aurai aimé qu'elle m'appelle. Qu'elle me donne de ses nouvelles. J'aurai aimé la voir.

Je n'arrête pas de me demander comment elle prend l'annonce de la mort de maman. Il y a quelques années ma mère et ma soeur ont eut une violente dispute et depuis je n'ai que rarement de ses nouvelles. J'espérais qu'elle vienne à son enterrement, mon père et moi l'avons attendu, mais pas la moindre trace de ma soeur.

- Tu aurais du rester chez toi, Rose. J'aurai pu tenir la boutique toute seule. me réprimande Claire, ma collègue.

Je sors de mes pensées et me tourne vers elle, affichant un gentil sourire.

- Puisque je te dis que je vais bien ! Et puis travailler me change les idées. rajouté-je en haussant les épaules.

Claire a un peu plus d'une soixantaine d'années et je l'a considère un peu comme ma grand-mère. Je sens son regard pesé sur moi. Je sais qu'elle s'inquiète. Elle pense que je vais m'écrouler. Vu qu'elle est au courant pour le décès de ma mère, elle m'avait demandé de rester chez moi afin de me reposer mais comme d'habitude j'avais fait mon entrée à sept et demi à la boutique et j'avais d'ailleurs eu droit à une gentille remontrance.

C'était ma mère qui m'avait transmit cet amour pour les fleurs, ce qui m'avait conduit à en faire mon métier. Abandonner cette boutique pour quelques jours me donnerait l'impression de m'éloigner encore un peu plus de ma mère. Positionnée derrière le comptoir, je ferme les yeux et inspire cette odeur si familière, ce mélange de senteurs florales qui donne un ensemble naturelle et si délicat. Cette fragrance a toujours eu sur moi un effet des plus efficace, me détendant instantanément. Je me souviens de cet air que ma mère avait au visage quand elle pénétrait chez un fleuriste. Elle prenait chaque fois le temps de regarder les variétés de fleurs les unes après les autres alors qu'elle les connaissait déjà toutes. Simplement parce qu'elle aimait imprimer dans sa tête l'image d'une fleur et son nom, cela lui permettait de ne pas les oublier. Malgré son amour pour la flore elle avait travaillé toute sa vie à l'usine. Elle m'avait toujours répété de tout mettre en oeuvre pour faire plus tard le métier de mes rêves, ce qu'elle n'avait pas fait.

Après quelques années d'études pour devenir fleuriste, j'avais enchaîné les petits boulots pour mettre suffisamment d'argent de côté pour me permettre d'acheter ce petit nid douillet. Ma mère aurait adoré ma boutique. Etant malade depuis des années, elle n'avait jamais pu se déplacer pour s'y rendre.

Je rouvre les yeux. Je l'imagine alors déambuler dans les allées s'arrêtant à chaque nouvelle espèce pour l'épier sous tous les angles. Elle m'apparaît levant le visage, humant cette odeur que nous affectionnons tant. Sa carrure si svelte, son visage fin, arborant les traits d'un poupon, évidemment strié tout de même de quelques rides.

Je soupire et son image disparait de l'allée centrale. Je fais le tour du comptoir et vais repositionner quelques vases et remettre en ordre quelques écriteaux.

- Je vais passer un coup de fil, je reviens tout de suite. annoncé-je à Claire.

- Pas de soucis, ma belle !

Je m'éclipse par la porte du fond et rejoins le petit parking. Je m'adosse au mur en béton derrière moi et colle mon cellulaire contre mon oreille. Les sonneries retentissent et arrivée à la quatrième j'abandonne tout espoir quand soudain miraculeusement elle décroche.

- Salut. prononcé-je doucement.

Ma soeur reste silencieuse ce qui me fait soupirer.

- Comment vas-tu ? demandé-je après un court moment de silence.

- Bien. lâche-t-elle d'un ton détaché.

Sa voix sonne toujours autant lointaine. J'ai l'impression de m'adresser à une inconnue. Je ne me souviens même plus de ce qui a causé cette distance entre maman et elle, et je comprends encore moins ce qui l'a poussé à s'éloigner de nous après leur dispute.

- Papa et moi t'attendions à l'enterrement, Violette. Pourquoi n'étais-tu pas là ?

- Je n'avais pas envie de venir. tranche ma soeur sans la moindre once de sentiment.

Mes poings se serrent et mes sourcils se froncent violemment. Comment peut-elle dire une telle chose. Peu importe son différent avec maman, une mère on n'en a qu'une et elle avait gâchée sa chance de la voir une dernière fois. Je trouve son comportement pire que puérile ! Ce n'est qu'une gamine écervelée, qui ne connait rien du monde !

- Comment est-ce que tu peux dire ça ! crié-je au bord des larmes. Tu veux que je te rappelle tout ce que maman à fait pour toi ! Tu n'es qu'une sale ingrate égoïste ! Pourquoi es-tu partie ? Tu ne t'es jamais dit que papa ou moi pouvions avoir besoin de toi ?! Bien sûr que non : tu ne penses qu'à toi ! Je vais te dire, c'est toi qui a décidé de couper les ponts, alors je t'informe que si tu décides un jour de te repointer personne ne sera là pour toi, tout comme toi tu ne l'as été pour personne !

Je lui raccroche au nez tandis que des larmes de rage déferlent sur mes joues. Je sens mes ongles s'enfoncer dans mes paumes pour y dessiner des demi-lunes.

- Tu n'es qu'une sale égoïste ! Qu'une sale petite peste ! craché-je à son encontre pour me défouler.

Le pouce et l'index posés sur mes paupières clauses, je reprends petit à petit ma respiration. Sans savoir pourquoi, le tendre sourire de ma mère s'impose dans mon esprit et je me calme. Sait-elle seulement le mal qu'elle fait à notre père en réagissant comme elle le fait ?! Bien que cela fasse des années que mon père ait reconstruit sa vie avec une autre femme, lui et ma mère étaient restés en bons termes et sa mort l'a beaucoup impacté. Je devais avoir quatorze ans quand ma mère à décidé de quitter mon père. Cette décision à été très dure à avaler pour ma soeur et moi. Cela ruinait en quelque sorte le cocon familiale dans lequel nous avions vécu tant d'année. Puis au fur et à mesure des années nous avions fini par faire avec. Pourtant je soupçonne ma soeur de n'avoir jamais pardonné à ma mère. Je me souviens d'ailleurs que durant leur dispute, elle le lui avait reproché en lui balançant de dures paroles.

- Euh, est-ce que tout va bien ?

Je redresse la tête et tombe nez à nez avec un jeune homme d'à peu près mon âge, un petit air inquiet au visage.

Parle moi des fleurs - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant