Mon t-shirt est trempé de sueur. D'imposantes taches ont faites leur apparition sous mes bras et à la naissance de ma poitrine, rendant mon débardeur gris plus foncé à certain endroit. Ma respiration est des plus hachées et je peux presque sentir mes jambes trembler sous le coup de l'effort, qui dure déjà depuis plus d'une heure et quart. Je m'arrête et reprend mon souffle, à deux doigts de m'effondrer au sol. Les mains appuyées sur les cuisses, j'aurai vomis mes tripes dans l'immédiat si j'avais avalé quelque chose d'autre que six tasses de café ce matin. Ma tête tourne, je la lève alors vers le ciel bleu et inspire le plus profondément possible, tellement profondément que je me mets à tousser. Les petites mèches qui se sont échappées de ma mini-queue de cheval sont plaquées contre ma nuque, sans doute humide de transpiration. Je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois où je me suis autant donnée à fond... Ceci dit cela faisait un bout de temps que je n'étais pas allée courir, mais là j'en avait besoin.
Le décès de maman, l'absence de Violette et le départ de Marcus...
Je dois avouer que j'ai connu mieux. Cette réflexion me fait sourire. Je me mets carrément à éclater de rire au milieu du parc avant de me stopper quand je sens des larmes dégringoler sur mes joues. Je baisse alors la tête et continue de rire et pleurer à la fois, de façon totalement incontrôlable. Quelle drôle de sensation... Arrêtée en plein milieu du sentier des joggeurs, essoufflée, à la fois en train de m'esclaffer et de chialer, je dois avoir l'air d'une vraie timbrée !
Lorsque mes éclats de rire mêlés de pleurs cessent enfin, je me redresse juste au moment où Stolen Dance de Milky Chance retentit dans mes écouteurs. Je ne sais pas pourquoi mais ma première pensée et de me demander si Marcus aime cette musique ? Moi je l'aime beaucoup. Comme j'aime beaucoup Marcus... Mais qu'est-ce que j'espère ? Je crois que je ne veux rien d'autre ; j'aime l'aura qui se dégage de ce garçon, sa simple présence m'apaise et j'aime me trouver à ses côtés, c'est pour le moment la seule chose dont je suis sûre. L'annonce de son départ m'a pourtant fait bizarre. D'une certaine façon, il se peut que je me sois habituée à son existence au sein de mon quotidien. J'aimerai qu'il reste ici, à mes côtés...
D'eux même, mes pieds ont repris la direction de la sortie du parc et c'est maintenant In My Little Mind de Hodge, qui résonne dans mes oreilles. Je passe devant les magnifiques parterres de fleurs qu'ont du planter les jardiniers municipaux et souris en pensant que durant les après-midi que je venais passer ici avec ma mère il y a plusieurs années, c'est elle qui, agenouillée à ma hauteur, me désignait de son index une fleur dont elle m'expliquait le prénom et la période de floraison.
Maintenant moi aussi je les connais, maman. pensé-je.
Je me rappelle également du grand lac un peu plus loin, auquel j'accompagnais mon père lorsqu'il allait pêcher le week-end. Même si nous discutions beaucoup avec mon père, rare étaient les activités que l'on faisait ensemble. Alors de temps à autre, j'insistais pour l'accompagner. Nous nous levions aux aurores, lui préparer son matériel et moi je garnissais mon sac à dos de livres et de paquets d'oursons en guimauve. On partait également le matin avec un glaciaire et on se concoctait un petit pique-nique improvisé sur place. Alors même si nous n'échangions pas beaucoup -car parler fait fuir les poissons, mon père me l'avait très vite dit les premières fois où je l'avais accompagné - on adorait ces journées parce qu'on les passait l'un avec l'autre.
C'est des souvenirs pleins la tête, que je franchis les barrières du parc en humant ce parfum de nature si agréable. Ma musique est alors interrompue et je jette un oeil à mon cellulaire accroché à mon brassard de sport. Lorsque je vois le nom de Joyce s'afficher sur mon écran je prends l'appel avant d'ajuster correctement mes écouteurs.
- Salut, ma belle ! me lance la voix enjouée de mon amie à l'autre bout du fil.
- Salut, Joyce ! Comment tu vas ?
Elle met une petite seconde à me répondre et je l'entends expirer de l'autre côté de la ligne. Vu l'heure, elle doit être en pause en train de fumer une clope.
- Super ! Je me lève tôt, je vais bosser, puis je rentre dans mon appart vide pour recommencer en boucle. J'ai l'impression d'avoir le train de vie d'une vieille fille. geint-elle.
Je rigole en secouant la tête. Joyce à toujours rêver d'une vie extravagante dans laquelle elle visiterait pays sur pays, au bras d'un bel Apollon à la soif d'aventure similaire à la sienne.
- Roh, tu sais que c'est pas si terrible ! Et puis tu as Scoob' ! m'exclamé-je afin de rassurer mon amie tout en ricanant, ne prenant pas ses plaintes très au sérieux.
Scoob' ou plutôt Scooby-Doo, étant son chien. Un beau et grand danois brun, totalement similaire au personnage du même nom. En connaissant la passion qu'a ma meilleure amie pour tous les dessins-animés confondus, ce nom était plus qu'une évidence.
- Et je te ferai dire, que niveau vieille fille je te bas : moi j'ai un chat ! rajouté-je alors que j'entends Joyce éclater de rire.
- Et toi, sinon ? Comment tu vas ? Tu es dehors ? J'entends du bruit.
Je lui répond alors que je sors à peine d'une très longue séance de footing.
- Oulà ! Qu'est-ce qui va pas toi ? Chez toi, la course est synonyme de " il faut que j'aille me vider l'esprit ".
Je ricane : cette fille me connait beaucoup trop bien.
- Tu sais quoi, Marcus m'a dit qu'il quittait la ville pour reprendre l'entreprise de son père, et qu'il ne reviendrait surement pas.
- Tu déconnes ?! Ton magnifique Apollon aux sucettes se fait la belle ?!
Encore une fois, je ne peux m'empêcher de rigoler en entendant la formulation de sa phrase.
- C'est ça qui t'as fait aller courir ? me demande mon amie, d'un ton plus sérieux.
Je hausse les épaules, malgré le fait qu'elle ne puisse pas me voir et lui réponds :
- Non, c'est l'accumulation des derniers évènements. Même si je dois avouer que cette annonce m'a fait bizarre.
- Tu l'aimes ?
La voix de Joyce est claire, elle me pose la question de but en blanc, presque comme si elle me demandait le nom de mon film favoris. La réponse ne doit pas être plus compliqué que ça, il n'y a de toute façon que deux choix possibles. Pourtant, dans ma têtes défilent des réponses longues et argumentées, dans lesquelles je n'utilise ni oui ni non.
VOUS LISEZ
Parle moi des fleurs - Tome 1
RomanceRose Hemsworth a vingt-cinq ans. Elle aime trois choses : les fleurs, les vieux films et son chat, Garfield. Lorsque sa mère décède, Rose tente de gérer les vieilles querelles de famille qui refont surface tout en essayant de s'épanouir dans sa vie...