Chapitre 18

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Alexander

« And some days I can't even dress myself
It's killing me to see you this way
'Cause though the truth may vary
This ship will carry our bodies safe to shore »
Little Talks - Of Monsters and Men

Les dernières notes de Dream On retentissent dans la salle de musique de Félix avant que ce dernier ne vienne reposer sa guitare sur son socle, se laissant lourdement retomber sur une chaise. Durant de longues secondes, il demeure muet, observant la petite inscription gravée au marqueur noir sur l'instrument, puis, à la seconde ou il relève la tête dans ma direction, un sourire factice lui monte aux lèvres. Il est mauvais pour cacher ses sentiments, encore plus que son frère !

- Tu t'améliores, glousse-t-il en me reprenant sa guitare des mains pour venir soigneusement la déposer sur ses genoux.

Durant une longue minute, je reste muette, me contentant d'observer l'adolescent assis face à moi, toisant le vide béant creusant son regard, le sourire tout ce qu'il y a de plus faux scotché à ses lèvres. Félix était si différent d'Alexander lorsque je suis arrivée chez les MHK. Alors que son ainé n'était que noirceur et morosité, Félix, lui, semblait constamment flotter autour de lui comme un halo lumineux, comme insensible à toute la noirceur de ce monde ; il se contentait de rayonner. Aujourd'hui, quelque-chose a changé. Et à mesure que mon regard reste rivé sur lui, j'ai l'affreuse impression d'avoir face à moi l'exacte copie d'un Alexander tourmenté. Je déteste ça.

- Alexander m'a dit que tu as décliné l'offre de l'université Lewis & Clark.

Il soupire et se laisse retomber contre le dossier de sa chaise. Son air dédaigneux me rappelle brièvement son aîné.

- Regarde cette baraque, qu'est-ce que j'irais faire à Portland ? J'ai tout ce qu'il faut à Seattle, et puis...

- Et puis ?

- Et puis Alexander a besoin de moi.

- Qu'est-ce que tu peux être abruti parfois, bon sang.

Il ouvre grand ses yeux, la bouche semi- ouverte et prêt à pouffer de rire.

- Qu'est-ce que j'ai dit ?

Je m'approche de l'adolescent, traînant une chaise derrière moi pour la planter face à lui et finalement m'y laisser retomber.

- Tu te prives littéralement d'une bourse pour t'assurer qu'Alexander ne fasse pas de connerie ici.

Il n'a finalement pas le temps de répliquer que la porte de la pièce s'ouvre dans un grincement strident. Sur le pas de la porte, j'observe longuement la noirceur transperçant le regard d'Alexander. Il se tient planté, là, comme si, de nouveau, toute humanité avait quitté son corps, comme s'il pouvait s'embraser d'un instant à l'autre.

- Comme s'il suffisait qu'il reste pour m'en empêcher, se marre-t-il.

Son ricanement sonne faux, presque tout autant que le semi- sourire scotché à ses fines lèvres.
Toute la journée, son bureau aux éditions est resté désespérément vide, et il n'a pas daigné répondre au moindre de mes appels. Pourtant, ce soir il se tient planté là, face à moi, comme si de rien n'était.

- Qu'est-ce que tu fais là ? je souffle en me relevant difficilement de ma chaise.

- C'est encore ma baraque à ce que je sache.

- Tu n'as répondu à aucun de mes appels.

Il baisse la tête sur ses pieds, les sourcils froncés et la lèvre inférieure retroussée. Sur le pas de la porte, il semble concentrer tous ses efforts dans le but de faire un pas de plus, de franchir cette satanée porte. En vain. Au lieu de cela, il recule d'un pas, en observant l'encadrement avec colère.

Horns 2 - Breaking Point |en pause|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant