Chapitre 17

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Alexander

« God knows what is hiding in those weak and sunken eyes
A Fiery throng of muted angels
Giving love but getting nothing back »
People Help the People - Birdy

Garé devant la baraque des Prenton tandis qu'Highway To Hell raisonne en boucle dans mes oreilles depuis dix bonnes minutes, j'ai tout le mal du monde à trouver la force de m'extirper de ma Camaro. Putain, mais qu'est-ce que je fous là ? Me pointer ici comme si j'étais légitime de sortir Alisha de toute cette merde sonnait bien dans mon esprit quelques jours plus tôt, à Atlanta. Mais désormais planté devant le manoir des Prenton, je me sens con. Je n'ai rien à faire ici, et quelques semaines plus tôt, j'aurais sûrement laissé Alisha dans cette merde, je l'aurais laissé se noyer dans cette foutue histoire sans aucun scrupule. Les souvenirs de ce vide béant s'emparant de son être lors de notre dernière rencontre m'empêche de redémarrer la caisse pour me tirer loin d'ici. Elizabeth m'en voudra sûrement de m'être pointé chez la Barbie Latino, mais je ne peux plus faire marche arrière.
Lorsque je me décide enfin à mettre un pied en dehors de ma Camaro, le soleil tambourinant au-dessus de ma tête me force à plisser les yeux. Le coup d'œil porté sur les fleurs desséchées trônant face à l'immense mansarde me surplombant me fait mal au cœur. Madame Prenton n'a jamais été du genre à laisser crever ses plantations.
Mon poing vient s'écraser contre l'impressionnante porte en bois s'étendant sur au moins trois mètres de haut. Un coup, deux coups, puis un troisième - porté plus fort que les autres. Intérieurement, j'imagine la gueule de con de Kiterman face à moi. C'est lui que j'aurais dû butter ce soir-là, pas son abruti de frère. Ou bien les deux.
La porte s'ouvre dans un grincement strident. Ma mâchoire se resserre alors qu'une femme élancée perchée sur ses talons hauts apparaît enfin dans l'entrebâillement. Une cascade de cheveux frisés d'un noir de jais cache les maigres épaules de madame Prenton. Putain, elle aussi a sacrément perdu de poids.

- Alex... Alexander ? bredouille-t-elle, son habituel teint légèrement halé virant au cadavérique avant de finalement s'élancer sur moi, enroulant ses bras maigrelets autour de mon buste.

Madame Prenton n'a jamais l'une de ces petites bourgeoises imbues d'elles-mêmes contrairement à son connard de mari. Je la revois encore, quelques années plus tôt, préparant une énième fournée de biscuits ; une main dans la pâte, l'autre sur son cahier de dessin. J'ai - durant de longs mois, été tout aussi bien son cobaye culinaire que dans son mannequin personnel. C'était le bon vieux temps.

- Qu'est-ce que tu fais ici mon grand ? Ne reste pas planté-là, entre, ça fait si longtemps !

Sa voix est rauque, plus qu'elle ne l'était déjà auparavant. Visiblement, elle est retombée dans ses travers. J'observe silencieusement un paquet de clopes trainer sur le canapé du salon.

- Je viens voir Alisha. Je dois avoir une petite discussion avec elle.

Elle laisse échapper un couinement strident. Putain, elle a peur ? Si j'apprends que Kitterman s'en est pris à madame Prenton, je ne réponds plus de moi.

- Elle... ne sort plus beaucoup.

- Pourquoi ? Ce connard de Kitterman l'a assigné à domicile ?

Cette fois, je sens sa main s'écraser sur mon épaule. Merde, j'avais oublié les règles des Prenton.

- Alexander, ton langage.

Elle me fait marrer, j'ai l'impression de la retrouver une dizaine d'années plus tôt. Mais les belles retrouvailles, ce sera pour plus tard.

Horns 2 - Breaking Point |en pause|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant