Prologue

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Alexander

"So look me in the eyes
Tell me what you see
Perfect paradise
Tearing at the seams
I wish I could escape"
Bad Liar – Imagine Dragons

Quelques jours plus tôt.

Je pensais que l'argent guérissait les plaies, j'ai eu tords. Ces derniers mois, je me suis comporté à la manière de mon père ; m'entourant de nantis, dînant aux meilleures tables, engraissant mon compte en banque tout en dépensant en bibelots tout aussi coûteux qu'inutiles. Tout ça, pour oublier la culpabilité assaillant mes tripes.
Durant des jours, une fulgurante nausée me transperçait de plein fouet chaque fois que j'avais le malheur de me regarder dans un miroir. Je suis un lâche. Un putain de lâche ayant été incapable de rattraper la femme que j'aime.
Je crois que je mérite ce qui m'arrive. Et finalement, je ne peux nier le fait que Kit avait raison. Dire ça me coûte, mais je suis comme mon cher paternel. Je suis un animal hargneux, violent et instable.
J'étais la braise réchauffant le cœur durci de la princesse des glaces. Mais à trop m'être approché d'elle, j'ai fini par la brûler. C'était à prévoir.
Chaque nuit depuis son départ a été rythmé par mes cauchemars. Parfois, je voyais Elizabeth à la place de ma mère, j'observais depuis les marches sa jolie tête blonde se fracasser contre la table du salon, le verre jonchant le sol, son sang imprégnant le bois de la pièce. Ces derniers temps, je vois son corps étendu sur son lit, morte, à la manière de ma mère.
Elle a pris la meilleure décision. Fuir était sa seule issue. Elle peut se reconstruire, elle. Pour ma part, il est déjà bien trop tard. Mon âme est bien trop rongée par la noirceur. A une certaine époque, en sa présence, j'avais la vague impression d'entrapercevoir ce halo lumineux, cette promesse que tout n'était pas perdu, que je pouvais changer, devenir un homme bien. Pour moi, pour Félix, pour ma mère. Mais plus que tout, pour Elizabeth. J'y ai cru. Un court instant, certes, mais j'ai le mérite de m'être accroché à cet espoir.
Vain.
Trois mois se sont écoulés. J'ai entendu dire qu'elle avait quitté la ville, qu'elle était retournée à Miami auprès de sa famille. Un long moment, j'ai pensé qu'il s'agissait de la meilleure option pour elle. Puis je me suis souvenu du salaud vivant également là-bas. Lorsque je l'ai su, j'ai bien failli prendre le premier avion pour terminer le travail et buter cet enfoiré. Puis je me suis ravisé.
Elizabeth me déteste, avec raison, et voler à son secours comme si ma princesse des glaces n'était autre qu'une jouvencelle en détresse la mettrait sans doute bien plus en rogne contre moi qu'elle ne l'est déjà.
Ainsi, je me suis tiré à Atlanta. J'avais besoin d'air, je ne pouvais plus rester à Seattle alors que tout ce que je voyais me faisait penser à elle. La baraque, mon bureau.
Toute. Cette. Putain. De. Ville.
Green Lake avait retrouvé sa noirceur opaque, les effluves de fruits rouge m'avaient quitté. Alors j'ai fui à mon tour.
Je recouvre mes esprits dans les nouveaux bureaux MHK. Autour de moi, une déco minimaliste, des objets hors de prix et une toile ridicule « génialement réalisée par une grande artiste de New-York ». Moi, tout ce que je vois, c'est une tâche rouge au milieu d'un fond blanc. Mais peu importe, Sierra m'a dit que je n'avais pas la fibre artistique, et je veux bien la croire sur ce sujet.
Face à moi, la voluptueuse brune sautille d'ailleurs d'un pied sur l'autre, un large sourire scotché à ses sublimes lèvres pleines. Elle porte la même robe violette que ce soir-là, dans ce restaurant chicos. La cadette de Tristan McHall semble bien trop occupée à trépigner de joie face à son mobile pour remarquer l'écœurement sans doute plus que lisible sur mon visage renfrogné.
Elle me rappelle Alisha, c'est peut-être pour ça que j'ai accepté de la sauter plus de cinq ou six fois depuis mon arrivée à Atlanta il y a deux mois de cela.

– Tu ne vas pas me croire !

– Dis toujours, je souffle avec sarcasme.

La voir lever les yeux au ciel me crispe. C'était une mimique sexy chez Elizabeth. Pour être honnête, je mourrais d'envie de lui arracher ses fringues chaque fois qu'elle avait le malheur de le faire. Chez Sierra, en revanche, cela n'éveille en moi qu'un agacement sans nom.
Elle est la seule nana que j'ai sautée depuis Elizabeth. Je n'avais pas le cœur à m'engluer de nouveau de sangsues écœurantes comme toutes ces autres filles intéressées uniquement par mon compte en banque. Si j'ai mis le grappin sur Sierra, c'est uniquement parce que je n'ai pas eu à chercher bien loin.
Au sens propre comme au figuré, puisqu'elle m'attendait déjà devant les portes du bureau avant même que je n'y dépose mes derniers cartons.
De nouveau, elle affiche ce foutu sourire grimpant d'une oreille à l'autre. Un peu plus et elle s'en décrocherait la mâchoire.

Horns 2 - Breaking Point |en pause|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant