Ce livre est un recueil d'OS sur l'univers de Good Omens. Chacun des OS est écrit sur un thème défini donné entre parenthèses avant le titre.
Les thèmes sont choisis sur le discord Good Omens.
Crowley était appuyé sur le toit de sa Bentley, ses lunettes noires sur son nez.
Voir Aziraphale partir pour le Paradis avec Métatron était douloureux. Très douloureux.
Il avait un instant eu l'espoir que lui montrer à quel point il l'aimait en l'embrassant pourrait le faire changer d'avis.
Il avait été bien stupide de le croire.
Il observa brièvement la rue d'un regard circulaire, son regard se posant une ultime fois sur la librairie qui, bientôt, ne porterait probablement plus le nom A.Z. Fell and Co.
Il lança un rapide coup d'œil à Nina qui lui fit signe de la main, puis à Maggie qui dormait derrière le comptoir de sa boutique de disques. Puis il monta dans sa Bentley, le cœur lourd.
Comme à son habitude, il alluma la radio, et A Nightingale Sang in Berkeley Square se lança. Le cœur de Crowley se serra un peu plus fort en entendant cette chanson. Leur chanson.
Il la changea, l'entendre lui étant insupportable.
Puis il démarra la Bentley et, en douceur, quitta le quartier dans lequel vivait Aziraphale, dans lequel il avait vécu pendant plusieurs siècles, et dans lequel il ne vivrait plus.
Mais comme l'ange le lui avait si bien dit :
« Oh, Crowley. Nothing lasts forever. »
Crowley conduisait droit devant lui. Il n'entendait même pas la chanson que sa voiture diffusait, ni même ne voyait où est-ce qu'il allait. La douleur enserrait tout son être. Il n'avait pas ressenti une telle douleur depuis... depuis la Chute.
Cette douleur-ci était très différente, mais elle ne faisait pas moins mal. C'était une douleur émotionnelle si intense qu'elle en devenait physique. Il pouvait la sentir dans chaque millimètre de sa peau, de la plante de ses pieds jusqu'à la pointe de ses ailes non-déployées.
« No. I don't suppose it does. »
Après avoir vu Gabriel et Beelzebub s'enfuir, il était persuadé qu'ils pourraient partir tous les deux aussi. Mais il se retrouvait à partir seul, dans sa Bentley, à rouler il ne savait trop où, avec comme seule compagnie celle de sa voiture et de ses plantes.
Sa douleur était accompagnée d'un sentiment de colère. Un sentiment de colère et d'injustice.
Ils se fréquentaient depuis six mille ans. Ils avaient créé l'Arrangement. Ils avaient caché la relation qu'ils entretenaient à leurs camps respectifs. Et lorsque celle-ci avait été découverte, ils avaient été condamnés à la destruction.
Crowley se souvenait du visage de Gabriel. Il ne l'avait pas oublié et il ne l'oublierait jamais. Si heureux de ce moment, si heureux de jeter Aziraphale dans les flammes et de le détruire pour toujours. Il n'avait jamais haï quelqu'un autant qu'il avait haï Gabriel à ce moment précis. Et une part de lui – une grande part de lui – le haïssait toujours.
« Shut your stupid mouth, and die already. »
Il ne parvenait pas à réaliser que les deux êtres qui avaient voulu les anéantir pour s'être fréquentés s'étaient désormais enfuis tous les deux pour vivre leur romance loin du Paradis et de l'Enfer, et allaient échapper à une punition céleste ou infernale.
Ça le mettait tellement en colère. C'était tellement injuste. Pourquoi Gabriel et Beelzebub avaient le droit de partir ensemble, mais pas eux ?
Pourquoi n'avaient-ils pas le droit à leur happy ending, eux aussi ? Pourquoi tout le monde semblait vouloir leur enlever leur droit d'être heureux ensemble ?
Crowley serra les dents et une larme solitaire roula sur sa joue.
« Crowley, come back! I need you! »
« No you don't, angel. » souffla-t-il à voix basse.
Il continua de rouler, la gorge serrée par le chagrin.
Il quitta Londres et roula jusqu'à la tombée de la nuit, traversant la campagne anglaise sans destination.
Il roulait bien en-dessous des limitations, ne parvenant pas à accélérer, comme si la douleur qui l'habitait était partagée par la Bentley, et que chaque tour effectué par ses roues lui faisait mal à mesure qu'elle s'éloignait de Londres.
Ils roulèrent ainsi pendant plusieurs heures, jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent sur le bord d'une route bordée de plaines vertes depuis lesquelles on ne voyait pas la moindre trace de civilisation à l'horizon.
Crowley descendit de sa voiture, les mains dans les poches, et fit quelques pas dans l'herbe de la plaine.
Il observa l'horizon assombri par la nuit au travers de ses lunettes sombres. Il se sentait vide, comme si une partie de lui était manquante. Et pour cause, il ne sentait plus la présence d'Aziraphale sur Terre.
La solitude ne lui avait jamais paru si pesante, le silence si lourd.
Il miracula un banc et s'y assit sans cesser d'observer l'horizon. Il plia ses genoux contre lui, enroula ses bras autour de ceux-ci, et déploya ses grandes ailes sombres qui s'étendirent sur le dossier et le côté du banc.
La voûte de nuages au-dessus de lui laissa échapper quelques gouttes de pluie, puis d'autres, et encore d'autres, et il se mit à pleuvoir.
Crowley ne bougea pas. Il se contentait de regarder à l'horizon.
Une larme roula sur sa joue, se mêlant à la pluie qui le trempait. Puis une seconde larme se joignit à la première et roula sur son autre joue.
D'autres larmes suivirent et Crowley les laissa rouler, ne pouvant les retenir plus longtemps.
Il avait si mal, comme si un poignard d'eau bénite lui avait transpercé le cœur.
Il n'avait pas été assez bien pour le Paradis, et ils l'avaient rejeté. Il n'avait pas été assez bien pour l'Enfer, et eux aussi l'avaient rejeté. Et maintenant Aziraphale le rejetait.
Il n'était probablement pas assez bien pour Aziraphale non plus.
Comment avait-il pu imaginer une seule seconde que ce qu'il ressentait pour l'ange pouvait être réciproque ?
Quel idiot il était.
Il retira ses lunettes, révélant ses yeux jaunes rougis par les larmes qui continuaient de s'écouler sur ses joues, et laissa échapper un sanglot.
« You idiot. » souffla-t-il, sa voix se brisant.
Il prit son visage entre ses mains, et fondit en larmes pour la première fois de sa très longue vie.
« We could've been... us. »
~
Yes je me suis auto-brisée le cœur en écrivant cet OS. Sinon ça va vous ? 🙃
La fin de cet OS m'a été inspirée par le fanart ci-dessous :
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