(Canards Espions) ~ Une histoire d'eau bénite

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ST. JAMES'S PARK, 1862.

« Si ça tourne mal, je veux avoir une assurance. » souffla Crowley.

Aziraphale, qui avait retourné son chapeau pour jeter le pain qu'il contenait aux canards, le tapota pour en faire tomber les dernières miettes avant de le remettre sur sa tête. « Laquelle ? »

« Je te l'ai écrite. » Le démon tendit un morceau de papier à l'ange. « Les murs ont des oreilles. Enfin ici, pas les murs ; les arbres, ou les canards. Est-ce que les canards ont des oreilles ? C'est forcé, sinon ils n'entendraient pas les autres canards. »

« Il n'en est pas question. » protesta Aziraphale après avoir lu l'inscription.

« Pourquoi ? »

« Parce que ça te détruirait, je... je ne vais pas t'apporter un moyen de te suicider ; n'insiste pas. »

« C'est pas pour ça que je le veux, c'est pour avoir une assurance. »

« Je ne suis pas idiot, Crowley. Tu sais les problèmes que j'aurais si on... si Là-Haut on apprenait que l'on... que l'on fraternise ? C'est absolument hors de question. »

« On fraternise ? »

« Appelle ça comme tu voudras. Je ne crois pas qu'il soit utile d'en discuter d'avantage. »

« J'ai pleins d'autres personnes avec lesquelles fraterniser, angel. »

« Mais oui, c'est ça, bien sûr. »

« Je n'ai pas besoin de toi. » cracha Crowley.

« Et bien sache que c'est réciproque. » lança Aziraphale en jetant le morceau de papier dans l'eau du lac de St. James's Park avant de tourner les talons. « Manifestement. »

« Manifestement. » répéta le démon en imitant l'ange, une fois celui-ci partit.

Crowley resta un moment immobile à observer l'eau et les canards, puis finit par tourner à son tour les talons et quitter le parc.

C'est alors qu'un canard col-vert s'approcha du morceau de papier qu'Aziraphale avait jeté à l'eau quelques minutes plus tôt. Les bords avaient brûlés en touchant la surface, mais la demande du démon ayant été écrite au centre du papier, celle-ci était encore visible ; bien que l'encre commençait à se diluer.

Le canard col-vert flotta un instant autour du papier avant de le saisir dans son bec et de nager jusqu'à l'un des buissons au bord de la rive, dont les branches les plus basses tombaient dans l'eau. Il se glissa parmi elle et, avançant l'une de ses pattes palmées, appuya sur une tuile en terre cuite qui longeait la rive.

La tuile s'abaissa alors et le col-vert baissa la tête pour entrer dans le tunnel qui venait de s'ouvrir devant lui ; avant que la tuile ne reprenne sa place après son passage. Il se laissa glisser, le tunnel formant une pente descendante, et atterrit sur une grille à travers laquelle l'eau s'écoulait pour revenir dans le lac.

Le canard s'avança, quittant la grille mouillée pour marcher sur un sol en béton sur lequel il laissait ses empreintes de palmes. Il traversa un couloir dont les petites lampes s'étaient allumées à son arrivée. De chaque côté se trouvaient des portes plus ou moins espacées, et plus ou moins décorées aussi. Certaines étaient de simples portes en terre cuite, comme la tuile servant d'entrée au couloir, d'autres étaient en bois et possédaient un heurtoir dorée, ou d'autres encore avaient des sonnettes.

Le col-vert traversa donc le corridor jusqu'à arriver à une intersection de trois couloirs. Il ne tint pas compte de cette intersection et poursuivit son chemin tout droit. Là encore, de chaque côté, se trouvaient des portes diverses et variées. Puis, au bout de ce couloir-ci se trouvait une bifurcation sur la gauche menant à une impasse. Une nouvelle fois, le long du couloir, se dressaient des portes.

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