(Au revoir) ~ On se reverra un jour

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« Cher Crowley,

Je me souviens de notre première rencontre au Jardin d'Éden. Tu étais vêtu d'une toge noire et tes cheveux tombaient sur tes épaules en ondulant élégamment. Tes magnifiques yeux serpentins n'ont pas eu de préjugés à mon égard lorsque tu m'as rejoint sur le mur du Jardin, bien que nous n'étions pas dans le même camp. Tu aurais pu me détester parce que j'étais un ange, alors que tu étais un démon ; me haïr puisque c'est à cause des anges que tu as déchu – ou plutôt vaguement trébuché, comme tu le dis toi-même. Mais tu ne m'as pas détesté. Tu ne m'as pas haï, et m'as considéré comme ton égal. C'était il y a six mille ans, mais je m'en souviens comme si c'était hier.

Nous nous sommes bien souvent croisés au fil des siècles, si bien que nous avons mis en place l'Arrangement, à l'insu de nos deux camps. Il est vrai que cet arrangement nous a facilité bien des choses, mais il était risqué. Si l'un de nos camps avait appris que nous nous rencontrions souvent, nous ne serions sans doute plus de ce monde. Cet arrangement et ces rencontres nous ont d'ailleurs amené à devenir amis. Et cette amitié – ton amitié – est la plus merveilleuse chose qu'il ait pu m'arriver au cours de mon existence.

Avec toi, je suis passé par toutes les émotions. Je t'ai parfois adoré, parfois détesté ; mais je t'ai surtout aimé.

C'est avec regret que je t'écris cette lettre, que j'espérais ne jamais avoir besoin d'écrire. Mais, en vue des circonstances, je n'en ai pas le choix. Alors pardonne-moi. Pardonne-moi pour ce que je vais dire. Pardonne-moi pour ce que je vais faire. Pardonne-moi d'être lâche, et de ne pas oser te dire tout cela en face. Et, surtout, pardonne-moi de t'aimer.

Notre rencontre a été un heureux – très heureux – événement, une bénédiction, et je ne regrette rien. Si je devais revenir dans le passé et tout recommencer, je ne changerai rien. Hormis les récents événements qui me poussent à t'écrire.

Comme tu dois le savoir, toutes les belles et bonnes choses doivent avoir une fin. Et c'est avec regret que je t'annonce que je m'en vais. Je ne sais pas encore où, mais je ne peux rester près de toi.

Lorsque tu liras cette lettre, je serai d'ailleurs déjà parti. Et, comme je te connais et que je sais ce que tu envisages de faire, je te demanderai de ne pas essayer de me trouver. Tu dois rester loin de moi.

Pour ton bien.

Promets-moi, Crowley ; oui, promets-moi que tu ne partiras pas à ma recherche. Promets-moi de rester ici, à Londres, là où tu es en sécurité.

Tu te demanderas sûrement la raison de ce départ si soudain, et pourtant ô combien réfléchit. Je ne peux que te l'expliquer brièvement, pour ne pas te mettre en danger. Puisque, avec moi, tu es en danger.

Ma présence à tes côtés a toujours représenté une menace ; je le sais depuis bien longtemps. Tu es un démon et, en tant que démon, tu te dois d'être, eh bien, démoniaque. Tu ne dois rien ressentir d'autre que de la rancœur, de la colère, et du dégoût à mon égard, ce qui n'est pas le cas. Mais tes sentiments contraires à ceux des démons te causeront du tord. C'est pourquoi je m'en vais. Pour t'éviter des ennuis avec ton camp.

J'ai peur pour toi, Crowley. Peur pour ta vie. Et je ne peux me résoudre à te perdre à tout jamais.

Je ne sais pas combien de temps je partirai, peut-être un mois, un an, une décennie, un siècle, ou même un millénaire ; qui sait ? Peut-être reviendrais-je un jour ; ou peut-être jamais.

Je veux juste que tu saches que je pars pour toi, et non à cause de toi. C'est ironique, me diras-tu, de te quitter pour ton bien alors que je sais que je serai la cause de ton chagrin. Mais je préfère te savoir en sécurité loin de moi, plutôt qu'en danger près de moi.

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