Le grimpeur de fenêtre

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Bienvenu*e  à toi futur*e étudiant*e de l'Uliège. L'Uliège propose pas moins de d'une cinquantaine de bacheliers et plus de 200 masters. Nos facultés...

Une bonne dizaine de minutes doit s'être écoulées depuis que je lis la brochure de Blanche, et, au combien l'université c'est génial. Bla. Bla. Bla.

Je tourne les pages pour tomber sur la formation en romanes. Le bachelier en langues et lettres françaises et romanes pour être exacte. La page est aux couleurs de la faculté, vert. Elle est divisée en 3 parties : notre profil, le détail des cours et les masters. Je tourne la page et tombe sur un témoignage d'une certaine Lola, 18 ans, étudiante en 1ère. 

Le bachelier en langues et lettres françaises et romanes est vraiment cool. On apprend pleins de choses. Les langues, bien sûr. Mais pas que. On apprend à découvrir sa langue maternelle et on la voit sous un nouvel angle. Je n'ai pas seulement appris les différentes matières, mais j'ai découvert que j'étais faite pour ses études. C'est comme si elles avaient été faites pour moi.

Je soupire et me laisse tomber sur mon lit. Tout ça, ça me fait peur. J'ai peur de tout ce que le futur et l'avenir attend de moi. Etre responsable, sérieuse, rigoureuse et beaucoup de pression lors des blocus. 

Suis-je faite pour ça ?

Je n'en ai pas l'ombre d'une idée.

Des coups résonnent à ma fenêtre. Trois coups rapides. Puis trois longs. Je sursaute. Il n'y a qu'une personne qui connaît ce langage. Ce n'est pas possible que ce soit lui. 

Malgré tout, je me lève à la hâte. Le cœur battant la chamade. J'ouvre la fenêtre et pousse un petit cri de joie quand je le vois. 

- Oh mon Dieu ! 

Matéo rentre dans ma chambre et s'assoit sur mon lit. Il n'a pas tant changé durant ces 8 mois d'absences. Ses cheveux bruns sont légèrement plus long qu'avant son départ. Ses yeux pétillent de malice. Son sourire est resplendissant. Une barbe de trois jours prend naissance sur son menton. Il est toujours aussi beau.

Je cours vers lui et le serre dans mes bras. Une douce odeur de guimauve et de noix de coco m'enivrent les narines. Il ressert l'étreinte et me couvre de baisers sur la joue. 

- Tu m'as tant manqué, Liliane, murmure-t-il.

Liliane est mon deuxième prénom. Celui de ma grand-mère maternelle. Depuis qu'il a découvert sur ma carte d'identité, il s'amuse à me taquiner avec. 

- Toi aussi, Gérard.

Il tique à l'attende de son troisième prénom. 

- Moi aussi je connais tes points faibles, mon cher, plaisanté-je.

Il me tire une langue et nous pouffons de rire. Ça m'a tellement manqué. Matéo et moi, nous nous connaissons depuis très longtemps. Depuis ma naissance à vrai dire. Sa mère et la mienne sont les meilleures amies du monde depuis leur école de sage-femme. Matéo avait déjà 2 ans quand je suis arrivée au monde. Mais on n'a jamais ressenti un écart entre nous. Nous avons grandi dans le même cocon. Entre ma maison et la sienne, en face. Il est comme un membre de ma famille. Mais est 5 fois plus important à mes yeux.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Je te croyais au Guatemala ? M'étonné-je. 

- En République Dominicaine, me corrige-t-il. Le Guatemala, c'était le mois dernier. Je sais pas. J'avais envie de rentrer. Tout me manquait trop.

J'acquiesce, compréhensive. Il voyage depuis des mois. Il a parcouru des dizaines de milliers de kilomètres. Il devait se sentir un peu déboussolé. 

- Tu es rentré quand ?

- Très tôt, ce matin. Je voulais venir te voir avant que tu partes à l'école, mais ta mère m'a dit que tu étais déjà partie.

- Bah oui ! Tout le monde n'a pas la chance d'être en année sabbatique ! 

Matéo a annoncé à ses parents qu'ils voulaient prendre 1 an de break, deux jours avant qu'il parte. Il avait préparé son escapade en secret sans en parler à quiconque. J'ai été la première mise au courant. 3 mois avant son départ. 

- Je pars pour Hawaii en septembre, m'a-t-il dit d'un ton extrêmement sérieux que je ne lui connais pas. 

J'avais froncé les sourcils et croisé les bras. Il plaisantait, n'est-ce pas ?

- Sérieux, Mat ?

Il avait hoché la tête et m'a promis qu'il me ramènerait un souvenir de chaque pays qu'il visiterait. Tout les mois, quand il changé de destination, c'est moi qu'il appelait directement, à la sortie de son avion. Un sourire collé aux lèvres et le visage bronzé. 

Qu'est-ce que j'aurais voulu découvrir le monde avec lui ! 

- C'est quoi ça ? Me demande-t-il en me sortant de mes pensées.

Il me montre la brochure que Mme. Blanche m'a donné quelques heures plus tôt.

- Oh ! C'est pour l'année prochaine. La prof de français pense que je devrais aller en romanes.

- Et toi, c'est ce que tu veux ? 

Je soupire et jette un œil vers mon bureau. Sur le tableau accroché juste au-dessus de mon espace de travail, se trouve une bucket list. C'est une liste de chose à faire avant de mourir. Mais je l'ai adapté. C'est une liste de 8 choses à faire avant l'université. Je l'ai faite le jour de mes 15 ans. J'étais pleine d'ambitions et je m'étais promis que j'arriverais à tout faire. Deux ans plus tard, je n'ai toujours rien fait. Trop occupée à me laisser dévorer par les doutes.

Vu que je ne réponds pas, Matéo suit la direction de mon regard et va décrocher la liste qu'il agite sous mon nez.

- Tu ne m'as jamais parlé de ça, me fait-il remarquer.

- Par que c'est pas important. C'est juste une stupide liste que j'ai faite, il y a deux ans.

- Ce n'est pas une stupide liste. 

Je lève les yeux aux ciels tandis qu'il lit ce qu'il est écrit dessus.

1.  Sauter en haut d'une falaise (et atterrir dans l'eau sans se tuer)

2. Escalader la montagne de Buren ( go mourir) 

3. Aller dans une gare ou un aéroport et choisir une destination au hasard

4. Aller voir les Drag performer

5. Chanter lors d'une scène ouverte

6. M'incruster à un mariage sans connaître personne 

7. Passer la nuit dans le paradis secret (avec toi ❤)

8. Observer les étoiles

Il termine sa lecture et sourit.

- Il est temps d'accomplir cette liste, lâche-t-il, déterminé.

Je pouffe de rire et lui tape dans l'épaule. J'attends qu'il rigole avec moi mais il ne bouge pas d'un poil.

- T'es vraiment sérieux là ?

- Bien sûr. Enfin, Romy... Ca fait presque 1 an que tu as tout laissé de côté. Tu n'es plus la même. Tu as perdu le goût de la vie. Tu ne rigoles plus comme avant. Tu ne pétilles plus.

Je détourne la tête pour éviter qu'il me voit pleurer. Je déteste pleurer devant quelqu'un. Même devant Matéo.

Me connaissant par cœur, il me prend dans les bras. J'enfouis ma tête contre son t-shirt. Tant pis pour les tâches de mascara sur son haut blanc. Je lui en rachèterais un.  

- Et si tu me parlais plutôt de tes voyages ? Lui demandé-je, la voix brisée.

- Avec plaisir.

Je finis par m'endormir en l'écoutant me raconter ses aventures, perdues dans ses bras.

The bucket listOù les histoires vivent. Découvrez maintenant