The bucket list

Attirance

Chaque mercredi depuis la quatrième, Ella, Owen et moi, nous nous retrouvons dans un petit café cosy près de l'école. Il possède plusieurs grands canapés et fauteuils digne de Friends. Sur le mur du fond, il a une grande fresque de paysage nocturne avec un loup au milieu. A gauche, se trouve un grand bar en chêne où sont préparés des cafés hors de prix, mais tellement bon que ça vaut le coût de casser sa tirelire.

Nous nous installons sur un grand canapé à côté de la fresque et posons nos sac à dos parterre. Un serveur vient prendre notre commande même si ce n'est pas nécessaire. Il nous connait depuis quatre ans et commandons toujours pareil. Un thé glacé à l'hibiscus et un panini jambon-fromage pour Ella, un Americano et un sandwich au thon pour Owen et un café glacé à la noisette et un bagel New-yorkais pour moi. Le serveur file derrière le bar et nous nous retrouvons à nouveau tous les trois.

- Alors... T'étais où ce week-end, Romy ? Demande Ella, aussi curieuse qu'à son habitude.

- Avec Matéo.

- Tout le week-end ? Fait Owen avec un sourire coquin.

- Non ! Enfin, si mais pas comme tu l'entends Owen ! Répliqué-je, tout à coup mal à l'aise.

Ella et lui échangent un long regard entre yeux avant d'hocher la tête d'un air entendu. Arg ! Qu'est-ce que je déteste quand ils font ça ! Tous les couples ont leur truc. Un signe, un regard, un geste qui font qu'ils se comprennent toute de suite. Mais le leur est trop énervant.

- Donc, entre Matéo et toi, c'est que de l'amitié ? S'étonne Ella.

- Bah oui ! Vous le savez bien.

Ce discours-là, je l'ai entendu des milliers de fois. 

Vous êtes en couple, Matéo et toi ? 

Vous êtes trop mignons ! 

ça grève les yeux que vous vous aimez en secret.

Et à chaque fois, je suis obligée de leur expliquer qu'un garçon et une fille peuvent être amis sans qu'il y ait une ambiguïté quelconque. Visiblement, c'est trop compliqué à comprendre. 

- On sait, Romy. Reprit Owen calmement. C'est juste qu'avec le temps, les choses peuvent changer, tu sais. Les sentiments peuvent évoluer et les avis peuvent changer. Regarde nous. 

Je secoue la tête. Ella et Owen s'insultaient assez fréquemment avant. Ils se bagarraient presque et pourtant, ils sont ensemble depuis près de trois ans et demi.

- Tu ne trouves pas Matéo attirant ? Me questionne Ella sans gêne.

Je me mords la lèvre et profite de l'arrivée de nos plats pour me jeter sur mon plat et remplir ma bouche pour éviter de parler. Mon amie me fusille du regard et je comprends qu'elle ne me lâchera pas tant que je n'aurais pas répondu.

J'avale ma bouchée de bagel et soupire.

- Oui, c'est vrai. Il me plait mais ça s'arrête là.

- Pourquoi ? S'agace Owen.

- Un mot. Timéo.

A l'évocation de son nom, tout le monde à notre table se tait. Parler de Timéo est un sujet tabou entre nous car on sait tout ce qu'il évoque chez nous, et surtout chez moi. De la douleur, de la souffrance, de l'incompréhension,... La rupture avec lui a été si brutale que les larmes me montent aux yeux. Je n'ai plus faim. 

C'est à ce moment que mon téléphone m'annonce une notification. Un message de Matéo.

Matéo : Hey ! Prête pour faire un 3e point de ta liste ?

Parfait ! Le voilà mon échappatoire. 

Romy : Trop ! Je te retrouve où ? 

Matéo : Devant le musée de la vie Wallonne 

Romy : Super ! Je suis là dans 5 minutes 

Matéo : Parfait ! :) 

Romy : :)

Je me lève, laisse un billet de dix euros sur la table et enfile ma veste en jeans.

- Tu vas où ? S'inquiète Ella

- Retrouver Matéo.

- Tu nous laisses en plan comme ça ? Demande Owen, choqué.

- Exactement. Comme ça vous pourrez parier entre vous de savoir quand est-ce que la pauvre petite Romy va enfin se remettre de sa rupture, lâché-je, amer.

- On a jamais dit ça ! On se dit juste qu'il serait temps que tu passes à autre chose ! Réplique Ella, la voix tremblante.

- On veut juste que tu sois heureuse ! Renchérit Owen.

Mes mains se crispent sur la table et je sens la colère bouillonner en moi.

- Eh ben, c'est le cas. Je suis très bien toute seule même si Matéo me plait.

- Mais pourquoi ne pas essayer alors ? Si ça se trouve, tu lui plais aussi ! Relance Owen.

- Sauf que je ne veux pas. Sauf que vous comprenez pas. Vous pouvez pas comprendre de toute façon. 

Sur ces mots, je me détourne d'eux et sors du café, les mains tremblantes, au bord des larmes.