Drague et sport

521 22 0
                                    


J'arrive devant le musée de la vie Wallonne en sueur. J'ai couru pour fuir au plus vite la discussion avec Ella et Owen, en me faisant, au passage, dévisager par quelques passants. Je sens même mes cheveux qui rebiquent dans ma nuque. Super ! Me voilà triste, en colère et couverte de transpiration. Et oh ! Je pue. Génial ! 

Matéo est déjà là, appuyé contre le mur de pierre. Ses longs cheveux bruns ondulent légèrement avec le vent. Son polo fait ressortir le bleu de ses yeux et met en valeur sa peau bronzée.

Mon cœur fait les montagnes russes mais je l'ignore. Je ne peux pas laisser cette attirance évoluer en autre chose. Quelque chose de plus fort et intenses. Je ne dois pas.

Je lui fais la bise en le voyant et m'écarte à bon distance de lui.

- Hé ! ça ne va pas ? Remarque-t-il immédiatement.

J'hausse les épaules et m'avance dans la rue pour éviter de répondre. Loupé ! Il m'attrape par le bras et me force à me retourner. Je lui fais face et prends grand soin de ne pas croiser son regard sachant pertinemment que je céderais si par malheur, je plongeais mon regard dans ses jolis iris océans. Aussi magnifiques que la mer. Pas comme la mer de chez nous. Mais plutôt comme les plages paradisiaques d'Hawaii.

- Tu peux tout me dire, Romy.

Je soupire. Je n'ai pas trop le choix.

- C'est pas grand-chose. Seulement Ella et Owen qui sont lourds.

- Lourds comment ?

- Le high level. Comme quand un mec te sort "Est-ce que ton père a été un voleur ? Parce qu'il a volé les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux."

Il pète de rire avant de passer un bras autour de ma nuque. 

Okay. Il me fait quoi là ?

Respire, Romy. Respire.

- Y'a vraiment encore des gens qui font ça ?

J'hoche la tête et fait un petit sourire crispé. Je sais qu'on est devenu plus tactile depuis qu'il est revenu mais ça, c'est clairement un truc de couple.

- Des tas.

- Hé ben ! Tu m'étonnes qu'après le gars il arrive pas à pécho.

- Parce que t'es un pro de la drague, toi ? 

- Tu veux parier ? Me défie-t-il.

Je ne réponds rien et il s'éloigne de moi avant de revenir en marchant lentement comme dans les clips de musique. 

- D'abord, tu abordes la fille gentiment sans qu'elle ne te prenne pour un pervers. Tu l'invites à boire un verre et puis vous dansez. 

Il sort son téléphone et met une chanson romantique. Thinking Out Loud d'Ed Sheeran.

- Ensuite, tu l'amènes sur la piste de danse et tu poses tes mains sur les hanches.

Il s'exécute en même temps qu'il parle. Des décharges électriques parcourent tout mon corps et ma respiration s'accélère. Wow ! Qu'est-ce qui m'arrive. 

- Tu danses doucement sur le rythme de la musique et vos corps se rapprochent.

Il m'amène plus près de lui et nous n'avons que quelques centimètres d'écart. Mon rythme cardiaque s'accélère. Il replace un mèche de mes cheveux derrière mon oreille et me murmure :

- Tu es très belle, aujourd'hui. 

Je frémis. J'ignore si il le pense vraiment ou si nous sommes toujours dans sa démonstration, mais je m'en moque.

Tu es très belle, aujourd'hui.

Je ne peux m'empêcher de sourire et de lui retourner le compliment. Il se rapproche de moi encore un peu plus. Nos lèvres ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autres et sa bouche s'ouvre automatiquement. Je me mords la lèvre et je reviens à la réalité. Celle où je ne veux pas être avec quelqu'un. Celle dans laquelle je suis encore détruire par ma dernière relation. Je m'éloigne de lui et lui donne un petit coup de poing dans le bras.

- J'avoue. T'es doué, Matéo, dis-je en ricanant nerveusement. Bon, alors. On le fait ce troisième point ?

Il secoue la tête. Nous marchons quelques mètres encore avant de tourner dans une petite rue. Nous nous arrêtons devant l'immense montagne d'escaliers. La montagne de Buren. C'est une lieu emblématique de Liège. Il s'agit d'un escalier géant composé de 374 marches que je n'ai jamais gravi. Visiblement, ça ne va pas tarder à changer.

- Prête à faire du sport ? Me nargue-t-il, connaissant pertinemment la réponse.

- Je crois pas, non. Répliqué-je avec une voix de téléréalité.

Il éclate de rire et me donne un petit coup de point dans le bras.

- Bon, on va passer un deal, me propose-t-il.

- Quel genre de deal ?

- On fait la course.

- Et c'est quoi le prix pour le gagnant ?

Il me lance un sourire de défi suivi d'un clin d'œil. 

- Si je gagne, tu me dis de quoi vous avez parlé avec Owen et Ella pour qu'il t'énerve autant.

Je déglutis difficilement. Si jamais il apprenait que j'ai un tout petit - je dis bien - un tout petit riquiqui crush sur lui, ça risque de mettre en péril notre amitié. En aucun cas, cela ne doit arriver.

- Et si je gagne ? Le défié-je sans montrer mon trouble.

- Tout ce que tu voudras, princesse.

Il me tend la main et je tape dedans pour sceller notre pacte. Il décompte et nous fonçons chacun de notre côté. Je cours comme une tarée, manquant de foncer dans un couple assis au milieu d'une marche. Je suis maintenant à la moitié de la montagne de Buren. Matéo est devant moi et seulement cinq marches nous séparent l'un de l'autre. Je continue sur la même cadence, voyant qu'il s'essouffle petit à petit. Il ne reste plus qu'un quart des marches à gravir et nous sommes sur la même ligne. Je profite de sa fatigue pour sprinter et arrive la première en haut des marches. Mes poumons sont en feu mais la vue est incroyable. D'ici, on peut admirer toute la ville. La gare des Guillemin, la tour des finances et tout les autres gratte-ciels. Je m'assieds sur la dernière marche pour récupérer. Matéo vient me rejoindre, la respiration saccadée.

- Je savais pas que t'étais devenue sportive, me taquine-t-il.

- Je ne le suis pas. C'est juste mon esprit de compétition qui a pris le dessus.

Il me répond par un grand sourire et soupire.

- Bon... Que veux tu me faire faire, Madame la gagnante ? S'avoue-t-il vaincu.

Je pose un doigt sur mon menton et fais mine de réfléchir. Même si c'est déjà tout réfléchit. 

- Je garde ça pour plus tard. ça pourrait me servir.

- D'accord. Et on fait quoi maintenant ? 

Je me retourne vers lui et le contemple. Mon regard passe de son front, à ses yeux, son nez et s'attarde sur sa bouche aux courbes fines mais pleines. 

Je paierais cher pour l'embrasser, là. Toute suite.

Si j'ignorais mes craintes et mes peurs, j'utiliserais mon gage pour qu'il m'embrasse. Pour que mes lèvres et les siennes ne forment qu'un. Que je lui avoue mes sentiments. 

Sauf, qu'on est pas dans un compte de fée. Je n'aurais jamais le courage de lui dire. Je me détourne de lui et fixe un point dans le ciel.

- On pourrait peut-être rester un peu ici et contempler la vue.

- Tu as raison. C'est trop beau pour qu'on y reste que deux minutes. 

The bucket listOù les histoires vivent. Découvrez maintenant