Chapitre 9

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Je raccrochai et pris mes affaires, me précipitant à l’ascenseur. Entre clients et employés, tous avaient les yeux braqués sur moi. Tous se demandait pourquoi tant d’affolement. Mais personne n’imaginait, qu’un monde interdimensionnel les entourait.
Je dévalais le hall d’entrée, cherchant désespérément, une fois de plus, après mes clefs. Je sentais des regards outrés posés sur tout mon être. Je m’empressais de le rejoindre.
Arrivée à destination, je le vis au coin de de la fenêtre. Assis près d’une plante grimpante, il lisait le journal, une tasse de café dressait face à lui. Je m’approchai, la tête haute. Mais mes larmes glissant le long de mes joues trahissaient mon assurance. Il haussa la tête de son journal lorsqu’il m’aperçut. Il s’inclina en guise de salutation précipitée.
« -Vous êtes si pale. »
« -Mr Anderson. »
Je m’assis sur la chaise vide qui se trouvait face à lui.
« -Que s’est-il passé ? » s’empressa-t-il de questionner.
Je ravalais ma salive, prenant une profonde inspiration. Il approcha ses doigts long et fins de mon visage, essuyant ma tristesse d’un revers de la main. M’encourageant d’un sourire authentique, il ajouta :
« -Encore des cauchemars ? »
Je secouai la tête.
« -C’est autre chose cette fois. »
Il arbora un œil inquisiteur. Je poursuivis mon récit.
« -J’ai reçu un mail ce matin au bureau. Provenant d’une adresse inconnue. C’était une vidéo. »
Je lui narrai le contenu de la vidéo, sur lequel il ne semblait pas si surpris.
« -Eh bien... » lâcha-t-il.
Je m’attendais à une explication typique de son caractère mais il n'en était rien. Il se contenta d’avaler une gorgée de son café, en contemplant le décor extérieur, visiblement préoccupé. Ses pensées s’induisaient aux miennes, me bousculant. Je me raclai la gorge, priant pour qu’il dise le moindre mot.
« -Avez-vous...une idée de ce qu’il se passe ? »
Il afficha un air désabusé.
« -Non aucune. »
Je baissais le regard sur mes boots. Découragée, je me pinçais les lèvres.
Remarquant mon désarroi, il me prit la main.
« - Si vous n’en voyez pas d’inconvénients, je vais passer la nuit avec vous. Je ferais d’une pierre de coup : j’attendrais le moindre indice tout en veillant sur vous. »
« -Merci... » lâchai-je d’un soupir espérant. Je ne sais vraiment pas comment vous remercier. »
Il esquissa un rire sincère.
« -Vous m’aidez déjà beaucoup. »
Nous fîmes un détour par mon lieu de travail afin de chercher quelques affaires restantes. J’en profitai ainsi pour lui montrer ladite vidéo. Il n’avait émis aucune hypothèse mais cela ne m’étonnait guère. J’avais auparavant décelé quelques détails dans ses aptitudes face aux différentes situations. Le silence. La réflexion. Les pensées résonnantes à voix haute. Le regard perplexe. La moue plissée. Tous ces éléments faisaient partis intégrants de son quotidien. Nous nous trouvions dans l’ascenseur lorsque je me souvins.
« -Mais oui pardieu ! m’exprimai-je en me frappant de la paume le front. Mon rendez-vous ! »
L’inspecteur me toisa d’un œil rond.
« -Je devais voir Mr Delalande à dix-sept heures. J’avais complétement oublié. » m’exaspérai-je.
Peter ricana.
« -Le fameux. »
Je lui fis une tape enfantine sur le bras.
« -Ce n’est pas du tout ça ! En fait, il souhaitait s’entretenir avec moi pour une raison qui m’est inconnue. » expliquai-je.
Mes aveux semblaient approuvés ses dires puisqu’il ria de plus belle, découvrant des dents parfaitement blanches. Et un sourire si irrésistible. Je repris, tentant vainement de le convaincre, pour je ne savais quelle raison par ailleurs.
« En fait, je pense qu’il souhaite m’accorder une promotion. »
« -Je vous attendrai, n’ayez crainte » glissa-t-il au creux de mon oreille avant de filer dans l’entrebâillure de la porte d’ascenseur.
Je l’observai rejoindre le hall. Une jeune femme entra à cet instant, lâchant un sourire discret. Remarquant que je bavais littéralement, je fis mine de rien. Mais mes joues pourpres me trahissaient.
« -Il... fait...un temps radieux aujourd’hui vous ne trouvez pas ? » m’enquis-je maladroitement.
« -Oooh oui ! » affirma-t-elle gaiement.
Le bureau de Mr Delalande se trouvait au dernier étage. Je me dirigeai alors vers celui-ci. Ebahie, je crus m’étouffer par tant de stupeur. Le bureau logeait dans un ouragan de foutoir. Tout était sens dessus dessous. Des reliures de livres éparpillés au sol, sa plante d’intérieur renversée, des stylos gisants en trombe sur le carrelage taché de boue. Je me rappelais avec horreur que j’avais déjà vécu cette scène. Mon cœur battait la chamade.
« -Au secours !! » hurlai-je.
J’eus le droit à des regards désapprobateurs. Mais personne ne vint à mon alerte, on m’observait telle un pestiféré. Je n’en croyais pas mes yeux.
« Il se passe quelque chose ici ! » insistai-je en désignant la pièce endiablée.
Les employés écarquillaient les yeux : je désignai Mr Delalande, qui me toisait d’un air inquiet. Il arqua un sourcil.
« -Tout va bien ? »
Ahurie de voir que tout était en réalité bien à sa place, j’eus le souffle coupé. Je réprimai mon angoisse.
« -Oui ! A merveille ! »
_____________
Je descendis par les escaliers afin de rejoindre Mr Anderson qui m’attendait à ma voiture. Je réfrénai l’envie de lui parler de mon hallucination. Il m’adressa un visage ravi.
« -Alors cet entretien ? »
« -Super. Il m’a accordé une promotion. J’avais donc raison. » Affirmai-je d’un clin d’œil adroit.
« -Fantastique ! répondit-t-il. Je suis très heureux pour vous. »

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