Chapitre 6

4 0 0
                                    

Ma chambre d’hôpital était morose, terne. La vue donnait sur les toits de divers bâtiment, immeubles et appartements. Mais ils me gardaient en observation. Suite à ma crise d’angoisse, du moins selon les médecins, l’inspecteur Anderson était resté à mes côtés. Endormi dans son fauteuil, je le dévisageai. Il était vrai qu’il demeurait être un beau jeune homme. Je dirais même d’une beauté surnaturelle. Cela dit, quelque chose me chiffonnait. Les souvenirs de mon dit rêve étaient palpables. Et Jack l’éventreur n’était pas de notre siècle. Pourquoi ? C’était la question qui figurait, en boucle et en boucle dans mes pensées. Pourquoi spécialement Jack ? Pourquoi le XIXème siècle ? Pourquoi Anderson était-il présent ? Était-ce un rêve où désirs et peurs s’entremêlaient ? Ou un retour vers le passé ? Mr Anderson n’avait pas changé d’un poil. Son visage s’était imprimé dans mon voyage astral. Comme s’il eut entendu ma réflexion, il se réveilla, le regard enivrant posé sur moi.
« -Comment vous sentez-vous ? » De lui se dégageait une inquiétude que je ne lui connaissais pas.
« -Bien. »
Ma froideur ne le laissa fort point indifférent.
« -Quelque chose ne va pas ? »
« -Cela fait combien de temps que je suis ici ? »
« -Une journée. » me répondit-il du tac au tac.
Le silence me laissa de marbre. Puis je demandais :
« -Quand êtes-vous né Mr l’inspecteur ? »
Il esquissa un sourire amusé.
« -C’est moi qui suis sensé poser les questions. »
« -Dites le moi, Peter. »
Il fixa ses pieds durant de longues minutes interminables mais il ne succomba point à l’intimidation. Il se rapprocha de mon lit d’hôpital et me confia :
« -Ce n’était pas un rêve. J’ai projeté dans votre subconscient un de mes souvenirs. »
Je n’en croyais pas mes oreilles. J’avais même beaucoup de mal à comprendre.
« -Co...co...comment ? » bégayai-je, affolée.
Mr Anderson remarqua mon agitation et déposa sa paume sur ma main.
« - Je sais que cela peut paraitre fou mais j’ai effectivement plus de cent ans... »
Je retirai à brule-pourpoint ma main acculée sous sa paume.
« -Mais qui êtes-vous, une espèce de fantôme ? » paniquai-je.
« -Je vous en pries, c’est exactement la réaction que je redoutais. »
Il prit son visage entre ses mains. Décontenancé, il s’évada dans ses pensées. Le regard vide, il prit ses distances comme si mon avis lui apportait préjudice. J’eus peine à faire entendre ma voix. Entre compassion et aversion, je ne savais plus quoi penser. Sa confiance gravissant dans l’air, il reprit :
« -Ecoutez, si je vous ai contacté à ce jour, c’est dû au lien qui vous unit à cette affaire. Je vous ai montré ce souvenir … »
Il s’arrêta une seconde, cherchant les bonnes paroles.
« ... Dans le seul but de vous éclairer. J’ai bien conscience que tout cela doit énormément vous bouleverser. Mais la seule chose qui doit vous inquiéter pour le moment, c’est votre vie. Ne cherchez pas à tout expliquer. Ne cherchez pas la normalité. Cherchez-vous. »
Il sortit sur ce ton neutre. Tel un sage après une séance de méditation. Secouée par ce discours fantasmagorique, je songeais aux rêves qui m’avaient assailli un jour auparavant. Une énième fois encore, la pensée qu’en si peu de temps beaucoup était arrivé, m’ébranla.

LucideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant