Chapitre 8

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Ce matin-là, les rayons du soleil illuminaient l’intérieur de ma chambre. Le sourire aux lèvres, je me laissais porter par le chant des oiseaux. J'étais si heureuse, rien qu’en savourant cet instant mémorable. Probablement dû à mon soulagement de la semaine passée, je me levais, enchantée de partir travailler de bon matin. Sifflant un air jovial, une odeur de romance se faisait sentir au travers de l’atmosphère égayant. Je me contemplais dans le miroir, satisfaite de ma mine réjouie.
« Une bonne journée s’annonce ! » affirmai-je optimiste.
J’appliquai sur mes lèvres un rouge figue, afin de contraster avec ma peau claire. J’enfilai ensuite ma paire de boots à talon haut et suivis ma routine en attrapant mes clefs de voiture au vol. Je descendis les escaliers à la hâte, mon café latte à la main. Je fus interpellée par mon voisin de palier.
« - Bonjour ! »
Je le saluai à mon tour lorsque son regard étrange se perdit au milieu de mon front. Il ne bougea pas, ses paroles suspendues dans le vide.
« -Monsieur ? Tout va bien ? »
Il ne répondit pas, seule sa bouche faisait glisser le bruit entrechoqué de ses dents qui claquaient. Je défaillis, prise de vertige par les souvenirs des évènements qui m’avaient assaillie auparavant. Son regard se faisait toujours plus perçant, plus effrayant. Puis, comme chose commune, il se remit à sourire, suivant l’écoulement infinies de minutes d’absence. Troublée, je lui répondis d’un signe de main, tout en faisant tourner mes interrogations.
Je m’en retournais à ma voiture. Le trajet rapide qui menait à mon bureau fut parsemé d’animaux en tout genre. Cheveux galopant au gré du vent dans les champs, oiseaux volant au-delà des géants conifères ornant les rues. La vie battait à son plein. Je me garai le long de ma place de parking. Echangeant quelques mots avec le secrétaire, je pris note de mes rendez-vous journaliers. Je ne pus m’empêcher de guetter du coin de l’œil la porte menant au sous-sol. C’était presque devenue une habitude. Les allées et venues étaient fluides : on y entrait et sortait quotidiennement. Je montai à l’aide de l’ascenseur au quatrième. Je fus agréablement surprise de découvrir un joli bouquet de rose, posé au plein centre de mon plan de travail. Des pétales rouge pourpres surplombant de longues tiges épineuses, emballées dans un papier nacré. Une carte avait été laissée, avec ces simples mots : « Bon rétablissement. » Je souris, imaginant le visage de la personne m’ayant envoyé ce présent, dans mon esprit.
« -Ce Mr Anderson est impitoyablement imprévisible. »
« -Je ne savez pas que vous étiez prise. » me taquina Mr Delalande dans l’encadrement de la porte.
Je rougis, embarrassée de mêler vie intime et vie professionnelle. Le patron en revanche, semblait amusé par la situation.
« -Oooh..hum c’est simplement que... » balbutiai-je.
« -Détendez-vous Mlle, je ne vais pas vous licencier. » plaisanta-t-il.
Son rire résonna au travers du corridor.
« Bien au contraire, je souhaiterai m’entretenir avec vous à la fin de la journée. » Il m’adressa une expression pleine de non-dits.
« -Oui bien sûr ! m’enquis-je. Je serais là. »
Il partit tout en veillant sagement à m’adresser un clin d’œil entendu.
« Et bien ! pensai-je. Cette journée s’annonce plutôt excellente décidemment ! »
Je m’installai à mon bureau et allumai mon ordinateur. Cherchant le dossier sur lequel je devais effectuer des annotations, je reçus un mail anonyme, plutôt mystérieux. Il s’avérait être une pièce jointe, provenant d’une adresse inconnue. Durant un instant, je considérai la possibilité qu’il s’agisse d’un hacker. Doutant de la sincérité de ce message, j’hésitai. Cela dit, la curiosité était si forte que je cédai finalement à cette envie. Je téléchargeai le fichier. Une vidéo s'enclencha alors, je restais sur mes gardes. Le caméraman, marchait à l’orée d’un bois, l’obscurité camouflant le paysage. Elle devait être récente car nous pouvions discerner, malgré tout, la neige couvrant la terre. L’homme s’avançai avec prudence, en silence. Seuls les craquements de brindilles crissaient sous ses pas. A mesure qu’il s’aventurait, l’atmosphère s’alourdissait, devenant plus terne. Un mauvais pressentiment me prit de court. Je remarquai que l’individu avançait maintenant précipitamment. Des petits couinements s’échappaient de sa bouche. Puis, des hurlements. La visibilité s’amoindrissait, l’écran ne cessant de s’agiter. Il fuyait quelque chose. Ou quelqu’un. L’homme se heurta soudainement contre le sol. Son visage inanimé emplissait l’écran de mon ordinateur. Je ne pus le reconnaitre cependant je discernai autour de son cou des éraflures boursoufflées. Affolée, je fus dépourvue de toute anticipation : je ne pouvais délibérément ne rien faire. Cet homme était probablement mort à l’heure qu’il était... son corps gisait certainement à la morgue...
...Mais la vidéo n’était pas finie. Un autre cadre s’était dessiné sur l’écran de mon ordinateur. La devanture de mon immeuble. La personne qui filmait derrière, n’était pas visible, camouflée derrière son petit objet carré. Il pénétra à l’intérieur de mon bâtiment. La peur au ventre, j’appréhendais la suite. Je fis un mouvement de recul comme si quelque chose allait surgir de l'écran.  Je regrettais déjà d’avoir ouvert ce message... Comme je m’y attendais, il grimpa jusqu’à mon étage. Et...il s’arrêta...sur mon palier. La caméra était fixée sur le Nom de Famille écrit en gras au-dessus de la sonnette. Focht Elise. Un cri strident, venant des entrailles de l’abysse, me brisa les tympans. Un cri inhumain. La vidéo se coupa net.
Essoufflée comme si j’avais parcouru un marathon, je promenais mon regard au-delà de la fenêtre. Le ciel sans nuage présageait une après-midi chaude et clarifiante. La porte de mon bureau était restée entrouverte et la venue des passants s’avéraient dynamique malgré les inquiétantes révélations. La vie continuait son court. Bouche bée, je saisis mon téléphone, composant un numéro que je connaissais parfaitement, dorénavant.
« -Rendez-vous dans trente minutes, au Garden’s Coffee. Le temps presse. »

LucideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant