Chapitre 14

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Les sirènes tournoyaient au son bruyant de la cacophonie de ce petit quartier de l’est, toujours paisible et calme lors des soirées hivernales. Les voisins observaient depuis leur palier le tumulte qui leur était peu commun. Quelques policiers interrogeaient petits et grand, hommes et femmes, tout en tenant soigneusement des notes sur leur calepin doré. Un jeune homme, d’une assurance enviant, dialoguait avec l’un de ses coéquipiers, la mine abattue. Des ragots divaguaient déjà et là dans ce bâtiment de locataire où un pacifisme platonien émergeait habituellement à l’horizon. Selon les officiers de police, l’affaire était classée confidentielle mais daignaient primordial d’avertir la population d’un énième meurtre orchestré par le criminel qu’il recherchait. Il avait à ce jour plusieurs dizaines d’homicides à son effigie, en l’espace d’une semaine. Mais le voisinage était formel : « probablement un suicide » avait assuré Mme Campbell à son mari.
Epiant au travers de ses rideaux florales, elle inspectait l’animation de ce quartier si réputé. L’équipe de l’agence fédérale s’occupait du corps, le transportant sous cette couverture mortuaire blanche, si commune.
« -Reviens t’assoir Pénélope » avait alors imploré Mr Campbell.
Il n'en pouvait plus des commérages de son épouse. Elle se retourna vers lui, le toisant d’une expression certaine.
« -C’est un suicide je te dis. »
Il acquiesçait. Trop peureux, il ne contredisait jamais sa dulcinée.
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« -La victime présente des marques de suffocation au creux de sa trachée.  Retrouvée la bouche entaillée et les yeux inanimés fixant le plafond, la seule particularité qui diffère des autres victimes, traumatisme crânien. Poignardée. Ses organes ont été affectés par un contenu visqueux, noir. Une substance étrange qui la dévorait de l’intérieur. »
Il désignait chaque blessure opérait sur le corps. Tourmenté, l’inspecteur Anderson n’écoutait que d’une oreille les dires du médecin légiste. Il n’acquiesçait que par signe de tête de temps à autre, en guise d’attention. Mais le désespoir l’imprégnait de son for intérieur.
« Nous avons également retrouvé des vers à l’intérieur de son abdomen. » Il s’arrêta lorsqu’il remarqua son expression dégoutée.
« Hum...je suis désolé...je ne souhaitais pas vous offenser. »
Néanmoins, le regard de l’inspecteur ne pouvait se détourner du doux visage figurant dans le sac mortuaire. En dépit de ses traits aigris, sa beauté se reflétait au travers de ses pupilles dilatées et de ses longs cheveux de jais, ondulants jusqu’au bassin.
« Je sais que vous l’aimiez beaucoup. »
Son expression vide d’émoi, le rendait perplexe. Il ne sut quoi dire.
« Dois-je continuer mon rapport comme vous me l’aviez demandé ? »
Un sourire hésitant se dessina sur ses rides, ses lunettes rondes tombantes sur son nez. Mr Anderson afficha un ton neutre mais professionnel.
« -Ça ira merci. » répondit Peter en lui glissant un billet d’une valeur incertaine dans le creux de sa blouse blanche.
Il s’en alla sur les talons, sans laisser de regard sur ce corps si familier qu’il avait autrefois aimé.
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Il se trouvait dans son café habituel, à la place même où elle s’était tenue douze heures plus tôt. Son cœur déchirait ne cesser de tambouriner dans sa poitrine. Elle lui manquait énormément. Mais il se sentit responsable de sa mort : il devait la protéger et il avait échoué. Après son déjeuner, il se rendit à l’Eglise de St Augustin. Son costume d’aristocrate semblait outrer les conformistes. Il n’y prêta guère attention. Bien au contraire, se dirigea tout droit vers le banc ouest de l’Eglise, face à un portrait du sacré cœur. Il s’assit et enjoignit ses mains. Priant, dans ses pensées, il ferma les yeux afin de mieux s’intérioriser. Des images défilèrent à la suite. Tout d’abord, l’expression embellie d’Elise, qu’il connaissait trop bien maintenant. Puis l’expression horrifique de celle-ci, fuyant une ombre dans un bois. Ensuite, il la vit à l’intérieur de son appartement, le visage enfoui entre ses mains : elle pleurait. Les images défilées à vive allure mais aucun détail ne lui échappait. Finalement, son regard tétanisé par la peur, le reflet du mal dans la prunelle de ses yeux. Elle tenait sa croix entre ses doigts. Mr Anderson respira bruyamment, décontenancé. Les saints s’en étaient allés et ainsi, il se retrouva seul. Il parla à voix haute.
« J’ai essayé... j’ai essayé de l’aider. »
Un silence pesant s’abattit dans le lieu sacré. Il prit sa tête entre les mains.
« Tout est de ma faute. Je n’ai pas assez essayé. »
De légers sanglots le secouèrent. Néanmoins, il tentait de se contenir. De ne pas laisser paraitre sa détresse. Sa voix fit écho aux non-dits du Seigneur, crucifié sur sa croix imposante. Peter la contemplait, cherchant des réponses. C’est alors qu’une lueur rayonnante filtrait au travers des vitraux antiques d’époque. Le soleil éclairait le visage miséricordieux du Christ Roi. Peter crut même le voir sourire durant un court instant. Saisi d’étonnement, un objet vint apparaitre à ses côtés. Alors qu’il se trouvait seul sur son banc jusqu’alors, il détourna la tête et aperçut une améthyste écarlate, sa lueur violette scintillant de mille feux. Il la prit et fut enclin d’un puissant espoir.
« Je connaitrais la vérité. »
Peter Anderson se réveilla, en sueur, dans un lit confortable au côté d’une très jolie jeune femme qui lui paraissait connaitre. Les yeux écarquillés de stupeur, il se souvint de sa nuit passée.
« Wow...chuchota-t-il en admirant les rayons du soleil qui traversaient au travers de sa chambre. L’image de l’être hideux s’imprima dans ses pensées ensommeillées. Quel cauchemar. »



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