Itami

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Bien sûr, il n'avait pas fallu s'attendre aux routes droites et apprêtées du royaume. Au contraire, le chemin était parsemé de montaux de terre, de petites crevasses et autres déformations rendant le voyage plus mouvementé. Néanmoins, la fine paillasse présente dans la charette amortissait ce petit désagrément. Certes, elle ne sentait pas le savon et la propreté, mais il ne fallait pas se plaindre de ce qu'on nous offrait.
Voilà maintenant de bonnes heures que la petite troupe s'était mise en route pour Noctisia. Allongé sur le dos, je n'avais réellement d'autre paysage à observer que le ciel au-dessus de nous. Il était d'un beau bleu aujourd'hui. De ce bleu particulier semblable aux coquillages dont le roi raffolait tant sur ses parures. Plus Noctisia approchait et plus ce ciel s'assombrissait, indiquant que nous allions bientôt atteindre notre point d'arrivée. Cela signifiait aussi la fin de notre mission. En y resongeant maintenant, je le réalisais presque avec peine. Tout avait plus ou moins bien commencé et voilà que nous n'étions plus que deux. Nous deux. Je tournais la tête sur ma droite. Il s'était finalement endormi après quelques heures. C'est au bout d'une dizaine de minutes sans l'entendre râler que je l'avais réalisé. Simplement assis, il avait juste relevés ses jambes contre lui pour se servir de ses genoux comme repose tête. Il ne prenait plus la peine de vêtir sa tête de sa capuche pour se cacher, comme il semblait en avoir l'habitude les premières fois. Tendant le bras, je me permis de balayer le rideau que ses cheveux polaires créaient sur son front. En y prêtant plus attention, on sentait la façon dont ils étaient secs et probablement peu traités la plupart du temps. Le masque n'avait toujours pas bougé, malgré le morceau qu'il lui en manquait. Il ne semblait pas tenir par magie, mais sûrement par la force d'entêtement de son propriétaire. Même endormi, ses sourcils étaient froncés en une expression de mécontentement. Il ne semblait pourtant pas agité comme on le serait durant un mauvais rêve. Je voulus alors chasser cette mauvaise mimique de mon pouce. Je craignais de l'avoir réveillé lorsqu'il bougea la tête, la tournant dans l'autre sens. Par prudence, je retirais ma main en soupirant de soulagement.
Finalement, je me redressais. Il ne s'était pas réveillé. Il semblait d'ailleurs bien endormi et même les discussions animées des hommes nous accompagnant ne semblaient pas le faire tiquer. Un petit pincement au cœur me rappela que je ne le verrais bientôt plus. Plus aucune de ses douces paroles et de sa bonne humeur cinglante. Avec un petit sourire, je le regardais de nouveau. Avais-je, seulement, cessé de le faire un instant ?
Et c'est de cette façon que je me fis surprendre par une soudaine ballottée. Le mouvement envoya presque valser Nikolaï au dessus de la charette. Je le rattrapait juste à temps par le bras. De cette manière, je notais, à son expression visiblement surprise, qu'il avait été tiré de son sommeil, de façon brutale. Réagissant malgré tout, rapidement, il s'accrocha de ses deux mains à mon bras pour se rétracter et ainsi se redresser.
- On a bien faillit te perdre, là, soufflai-je en le ramenant à mes côtés afin de le tenir.
Pour remerciements, je n'obtiens qu'un simple ronchonnement, très peu convaincant, et j'attendais presque sa remarque cinglante.
- Je vérifiais juste si ta cervelle de poireau réagissait assez vite
J'avais déjà eût le droit à mieux, disons que sa répartie était encore endormie, elle. La voix rocailleuse de l'un des paysans s'éleva et nous expliqua que les choses allaient bien, "simpl'ment une grosse caillasse". Je le remerciais pour l'information avant de baisser la tête vers Nikolaï. Il n'avait pas bougé d'à mes côtés, et réajustait un peu son manteau, pris dans la paillasse et couvert de cette dernière. Afin de nous détendre un peu de ce voyage, je pensais judicieux de faire la conversation.
- Tu es déjà venu? Demandais-je par simple curiosité.
- Quelques fois, quand les rois se rencontraient, pour quelconque raison.
- Tu n'as donc jamais vraiment visité?
Je le vît couler un regard vers moi et me répondre d'un de ses haussements d'épaules significatifs.
- J'imagine que cela veut dire non?
Mais la pénombre qui nous tomba dessus presque en un seul coup me fit stopper la conversation. Voilà qu'on y était enfin arrivés. Je me penchais juste un peu et adressais quelques paroles à Nikolaï.
- Je te ferais visiter
Pour accéder à la cité royale, un large pont de pierres noires et de bois d'un même pourpre sombre, s'étendait devant nous. L'ombre du château semblait s'y abattre, y imposant son autorité. Sur ce même pont, nous n'étions pas la seule petite charette, les seuls visiteurs ou bien les seuls marchands. Tout l'édifice en était rempli, patientant bien sagement que les quelques gardes vérifient leurs papiers. Et derrière eux, le palais. Il nous dominait de sa présence et son architecture si asymétrique. Si sombre, il paraissait désirer se camoufler dans l'éternel nuit du royaume. Aussi étrange soit-il, on ne pouvait voir les étoiles dans ce ciel. Alors on en créait l'illusion grâce aux multitudes de lanternes et de torches, magiques ou non, qui parcouraient tout l'ensemble du royaume.
À ce point-ci, il était notre tour de passer devant les gardes. Mais il ne leur fut pas longtemps pour identifier mes traits, nous laissant passer sans trop d'encombres.
Finalement, nous fûmes laissés par les gentilshommes qui nous avaient ramenés, notre route se séparant donc ici. Ils devaient sans doute se diriger vers le marché principal. Le reste du chemin se ferait à pieds. Cela me donnera l'occasion de montrer quelques lieux à Nikolaï.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 16, 2021 ⏰

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