Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart Keeper

Nikolaï

- Une boîte ? C'est sérieux, là? Chuchotai-je à mon tour.
Mayu me sourit et recula pour retourner auprès de notre roi. Je gromelais silencieusement et accrochait la sacoche autour de mes épaules, avant de grimper sur mon cheval. Je me réajustais sur la selle et prenait les rênes en mains. Quelques instants plus tard, Itami traversait la grille ouverte face à nous. Et nous fîmes de même. Alors que la grille se refermait derrière nous, dans un bruit que je trouvais assourdissant, je jetais un regard en arrière. Le roi nous faisait un petit signe de main en souriant. Je détournait la tête.

J'allais finir par en étouffer un. Est-ce que quelqu'un les avait payés pour chanter aussi mal ou c'était naturel?
Je serrais les rênes et fermais les yeux, prenant une inspiration afin de ne pas leur balancer tout un bloc d'injures. Et c'est qu'ils en riaient en plus! Alors que je rouvrais les yeux je vit à ma droite, s'approcher le cheval d'Itami. Je roulais des yeux et dictait discrètement à ma monture d'aller un peu plus vite, mais je me fit rattraper. Il se cala au même rythme que moi et se racla la gorge, sûrement à la recherche de quelque chose à dire. Vraiment, ce n'était pas la peine, il ne fallait pas se fatiguer pour ça.
- Et donc... C'est ton cheval?
C'était quoi cette phrase d'accroche pourrie, là? Même lui parut se rendre compte que c'était de la merde. Il se tut quelques instants avant de se remettre à parler, avec plus de réflexion cette fois. Je me serais bien passé de ces bavardages. Peut-être qu'en l'ignorant, il comprendrait le message de lui-même, si le froid ne lui avais pas trop geler les neurones.
- Tu est au royaume de Grimeris depuis longtemps ?
- Assez longtemps pour savoir où perdre sept personnes dans une crevasse et les laisser mourir de froid, lâchai-je.
Il ne dit plus un mot. Bien, au moins, il ne viendrai plus m'enquiquiner. Après un moment de réaction, il finit par soupirer.
- Tu sais, si l'on veut que le voyage se passe plutôt agréablement, ce n'est pas en te renfrogant dans ton coin que ça va arriver, déclara t-il.
- Je voyage avec un cheval, ce n'est pas pour autant que je lui fait la discussion.
Il parut légèrement amusé par ma remarque.
- Tu nous abaisse au niveau de chevaux? Demanda t-il
- Non, je vous y élève, mais malheureusement, vous ne m'apporteriez pas autant au marché ou aux particuliers, répondis-je en lui jettant un coup d'œil.
Il rit un peu en secouant la tête.
- D'accord, d'accord, j'ai compris, môssieur n'aime pas les gens
- Heureusement pour nous que le voyage se fait plus rapidement que votre réflexion.
- Votre? Ce n'est pas mieux de se tutoyer?
Je regardais autour de nous afin de repérer où nous étions.
- Cela donnerait l'impression que l'on se connaît.
- N'est-ce pas là une bonne chose ? Demanda t-il.
- Ce n'est pas désirable, non.
- Je ne sais pas si tu connais... Mais il y a une chose appelée "sociabilisation", c'est vraiment pas mal, tu devrais peut-être essayer, pour changer!
- Et il y a une chose encore plus incroyable, qu'est le silence, tu devrais peut-être essayer, pour changer, crachai-je.
- C'est bon, j'ai compris, parler, c'est pas ton truc, pas de problème, dit-il calmement.
J'observais la pleine dans laquelle nous étions arrivés et m'arrêtais soudainement, invitant les autres à faire de même.
- Et merde tiens...
- Que se passe t-il ? Demanda Itami.
Je lui désignais du doigt le bras qui débouchait sur la sortie de ladite plaine.
- Il y a eut un éboulement, on ne va pas pouvoir avancer plus loin par ce chemin, déclarai-je, contrarié par cet incident qui allait nous retarder dans notre avancée.
- Et bien ? Il y a bien d'autres directions où l'on peut passer.
- Il y en a, mais nous allons perdre au moins une demi-journée, et si je voulais nous faire passer par là ce n'était pas pour le foutu paysage, génie.
- Vraiment ? Ça aurait pu être très romantique pourtant, dit-il d'un ton moqueur.
Je le fusillait du regard avant d'ordonner à mon cheval de faire demi-tour en tirant sur les rênes et de reprendre mon chemin.
- J'espère que vous savez tous nager, lançai-je.

La disposition des arbres m'indiquait que nous étions alors bientôt arrivés. Afin de rattraper le retard que nous avions pris, je nous avait fait passer à travers la forêt des glaces. Peut-être aussi par envie de les embêter un peu. Ce n'est pas pour quelques tempêtes de neiges qu'ils allaient mourir tout de même. Quelques sapins nous bouchaient encore la vue mais l'air s'allégeait. Enfin, nous débouchions sur une grande étendue gelée de plusieurs mètres de largeur, qu'était anciennement un lac. Je m'avancais à son rebord et examinait rapidement l'épaisseur de la glace. Je descendit de mon cheval, le maintenant toujours par les rênes. J'entendis la neige être écrasée derrière moi, j'en concluais donc que les autres m'avaient suivis. Je posais prudemment un pied sur la glace afin de la tester, et renversait tout mon poids sur cette jambe. Je sentis une accroche au niveau de mon bras et tournait la tête pour voir Itami me tenir par la manche.
- Tu devrais faire attention, me mit-il en garde.
Je lui faisais lâcher ma manche en grognant et m'avançais un peu plus sur la glace, en tirant délicatement mon cheval. Afin d'éviter que celui-ci ne panique, je lui caressais l'encolure, tout en avançant aussi lentement que possible. Je tournais la tête pour voir ce que faisaient les autres et je les vit, toujours plantés sur la rive, à me regarder faire. Ils attendaient que le bon vent viennent les pousser ou bien? Je localisais les zones fragilisées du bout du pied et les évitait. Je finit par arriver de l'autre côté avec mon cheval, sans encombres. Je me tournais donc pour voir les gusses sur la rive opposée. Ils se regardèrent tous les uns les autres, et finalement ils se lancèrent sur la glace les uns après les autres.
Mais bien sûr, c'était trop facile si tout le monde passait tranquillement. Alors que le dernier de la file traversait, se trouvant au trois quarts du chemin, nous entendîmes le bruit tout à fait reconnaissable de la glace qui se fissure. Je lui fit signe de s'arrêter et de rester calme. Oh, pas de soucis pour lui, il avait compris. Mais son cheval, non. L'animal hénit en se cabrant avant de retomber lourdement sur la glace. Son cavalier eut le temps de se glisser jusqu'à la rive, mais ce ne fut pas le cas du cheval. La glace se rompit sous le choc, avalant les pattes arrières de l'animal qui se mit à se débattre. Je regardais autour de moi rapidement et jurait. Réagissant au quart de tour, je m'élancais finalement sur la glace afin de saisir les rênes et essayer de le tirer sur la glace encore solide. Hors de question de rester sans rien faire et de le regarder se noyer. Je tirais donc le plus fort possible pour le hisser sur la terre. Je vis alors la glace se fragiliser sous mes propres pieds, je n'arrêtais cependant pas de tirer. Encore un peu. Je me sentis soudainement soulevé et tiré en arrière. Pas le temps de comprendre, je continuais de tirer. Après plusieurs minutes de lutte, le cheval parvint enfin à se hisser sur la terre ferme. Relâchant la prise je retombais alors en arrière, mais une masse amortit ma chute. Je me relevais en gromelant et regardais sur quoi j'étais tombé. Itami était en train de se relever doucement, et leva la tête en ma direction.
- Rien de cassé ? Demanda t-il alors hâtivement.
Je secouais la tête et me tournais vers le cheval pour vérifier son état. Celui-ci était tenu par les autres et essayait de tirer. Toutefois, je remarquait que chaque fois où sa patte arrière droite se posait sur le sol, celui-ci hénissait et relevait la patte illico. Je m'approchais pour examiner cette dernière et jurais doucement.
- Il a une entorse à la patte, on ne pourra pas avancer beaucoup plus loin, on doit s'arrêter ici pour la nuit, décrétais-je.
Je caressais son flan pour essayer de l'apaiser légèrement. Je décidais de lui faire une attelle temporaire avec ce que je trouvais dans les environs.

Je nous traînait jusqu'à un endroit couvert et protégé par les arbres. Pendant que les autres posaient le campement, je m'occupais de réchauffer le cheval. Son aventure dans l'eau glacée ne lui avait pas fait le plus grand bien, et je voulais lui éviter d'être malade. Un feu avait été fait et j'avais couvert l'animal de divers tissus. Assis sur un tronc d'arbre mort près de lui, je lui caressait le flan silencieusement. D'une oreille, j'entendais les murmures de certains, affirmant qu'il ne serait plus utile et qu'il fallait plutôt l'achever. Je serrais les poings en fermant les yeux. Ça pouvait être dangereux de dire ça lorsque j'étais prêt d'un feu. Je sentis le bois sur lequel j'étais assis, bouger un peu, mais je ne prenais pas la peine de tourner la tête.
- Tu sais... Ils n'ont pas tort... C'est peut-être juste sa patte, mais il va simplement souffrir et s'affaiblir un peu plus, souffla Itami.
- Et moi je te parie qu'il sera rétabli demain, proclamai-je sèchement en me levant. Je prends le dernier tour de garde cette nuit, déclarai-je en m'éloignant.
Il galoperais de nouveau dès demain.