Vivre sur la glace

Chapitre IV

Le lendemain soir, dans la patinoire où elle se trouvait la veille, les lumière s'éteignirent. Le public était plongé dans le noir. 

Au milieu de cette foule venait d'arriver une silhouette féminine un peu essoufflée. Pour rien au monde elle ne voulait manquer ce moment mais le bus avait été retardé par un accident sur la route. Elle était descendue du car et avait couru jusqu'à la patinoire. Regardant autour d'elle, elle ne vit aucune place libre et s'accouda à la barrière, légèrement en surplomb. Tant pis. Elle regarderait debout. 

Un projecteur s'alluma, éclairant une silhouette athlétique sur la glace. C'était lui. 

Gwenaëlle regarda, hypnotisée, le patineur se placer au milieu de la surface glacée, tendant les bras au dessus de sa tête. 

Ayden inspira et la musique débuta. (média)

Les accords de piano semblaient soutenir les moindres gestes du patineur.

Ses pas était une danse, ses sauts, un envol. Une combinaison triple lutz-triple axel puis quadruple boucle se termina avec grâce dans un léger "schlack". Le bruit des patins sur la glace réconfortait Gwen.

Ses bras étaient des ailes qui soutenaient son vol. Quand la musique cessa, il s'immobilisa, un genou plié et les bras tendus à droite et à gauche. Après un court instant de silence, la foule rugit, applaudissant avec force cris de félicitations et d'approbation. 

Quand la lumière revint, brutale, Gwen recula, agressée par la lueur. Elle se réfugia dans l'escalier qui descendait des gradins. Elle y croisa alors le gardien de la veille. 

Ce dernier engagea la conversation avec elle et, absorbée, elle ne sentit pas la présence s'approcher d'eux.

— Et bien, Angi, qu'avez-vous pensé de ma prestation?! 

Gwen se retourna vers lui alors que le gardien, Angi, répondait : 

— Divine.. Comme toujours. 

Ayden écarquilla légèrement les yeux. 

— Je vous reconnais..

Angi intervint :

— Elle vient de France et elle s'entraînait ici pas plus tard que la nuit dernière.  

Le célèbre patineur lui sourit chaleureusement, et dit :

— Vous êtes Gwenaëlle Balc'h? Je me rappelle vous avoir vu au Championnat des Quatre Continents il y a un an.. Votre coach..

Gwen se reprit à cet instant et lâcha plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu :

— Je n'ai pas de coach. Elle m'a clairement fait comprendre que je ferai mieux d'arrêter le patinage. 

Ayden resta silencieux un moment. 

— Et c'est ce que vous allez faire?

Gwen regarda les yeux verts éclatants du patineur.

— Non. Je veux continuer à patiner. C'est mon rêve, ma vie. 

Ayden eut un sourire en coin et demanda :

— Vous êtes à Reykjavik pour un moment? 

— Oui.. Tout à fait. 

Il prit dans sa poche une carte de visite et la lui tendit, ainsi qu'un stylo. 

— J'aimerai vraiment prendre le temps de parler avec vous, pourriez-vous me donner votre numéro de téléphone afin que nous convenions d'un moment où nous rencontrer?

Gwen dut s'empêcher de se pincer le bras pour s'assurer qu'elle était bien réveillée et marqua ses coordonnées sur la carte qu'elle lui rendit. 

— Bien! Dit le patineur. Je vous contacterai. Pour l'heure, mes fans risquent de s'impatienter.. 

C'est curieux, songea Gwen mais il ne paraissait pas vraiment heureux de devoir s'en aller.

— Ben ça alors.. marmonna le vieil Angi. On dirait que vous lui avez tapé dans l'œil.. 

La jeune femme rougit, balbutia :

— Non pas du tout.. 

Gênée, elle se demanda ce que cela pouvait-il bien signifier. Après quelques paroles, elle prit poliment congé, rejoignant son hôtel.  

❄❄❄

Elle n'était pas dans son lit depuis dix minutes qu'un bip sonore se fit entendre. La jeune femme tendit la main, prenant son portable. Sur l'écran, quelques mots.

"Bonsoir, c'est Ayden Fjéreason. Seriez-vous disponible après-demain soir à 22h30? Pourriez-vous me rejoindre à la patinoire si c'est le cas?"

Ce à quoi elle répondit :

"Bonsoir, Je serai disponible ce soir là, je vous rejoindrai à l'heure dite."

Elle pensait qu'il ne répondrait que le matin mais quelques secondes plus tard, elle reçut :

"C'est entendu alors, j'en suis ravi!"

Puis aussi :

"Bonne nuit"

Elle hésita un moment, appuyée sur ses coussins puis, avec un sourire elle écrivit :

"Merci. Bonne nuit à vous aussi"

Un sourire persistant aux lèvres, elle finit par s'endormir profondément. 

Le lendemain passa à une lenteur rien moins qu'insupportable et Gwenaëlle dur déployer des trésors d'imagination afin de s'occuper. Shopping, cinéma, spa et patinage, lecture et écriture de cartes. Le lendemain fut de même et enfin, quand l'heure du rendez-vous arriva, la jeune patineuse sortit de sa chambre d'hôtel peu rassurée. 

Que lui voulait-il? Pourquoi devait-il lui parler? 

Après un calme voyage en bus, elle poussa la porte de la patinoire qui semblait.. déserte.