Vivre sur la glace

Chapitre XVI

Moscou, une semaine et demie plus tard

— Alors.. Comment se sent-elle ? Demanda doucement Ayden à Kil.

La plupart des finalistes du Grand Prix étaient arrivés la veille dans la grande ville russe. Notre trio, ainsi que leurs coach respectifs, s'étaient levés tôt afin de s'entraîner à la patinoire.

— Pourquoi cette question ? Interrogea Kil en regardant dans la même direction que l'islandais.

— Et bien.. Commença le champion de patinage. Tu sais.. C'est ici qu'elle a failli abandonner le patinage.

Kil fixa son regard sur Gwen.

Cette dernière, patins aux pieds, se tenait sur la glace, au milieu de la patinoire. Elle regardait le ciel à travers le toit transparent. Vêtue d'un simple jean et d'un sweat, elle était plongée dans ses pensées.

Presque deux ans auparavant, elle se tenait là, se préparant pour sa prestation. Nadia l'observait sur le bord, un encouragement aux lèvres. Elle s'était élancée pour ce qui allait devenir la pire prestation de toute sa vie.

La jeune femme ferma les yeux, se remémorant.

Elle se rappelait très bien de l'annonce du résultat puis de la critique de l'entraineuse russe.

Quand Gwenaëlle avait quitté le bord de la patinoire, elle retenait ses larmes et songeait alors à tout laisser tomber.

La française avait retrouvé Estelle à l'extérieur et lui avait parlé. Son amie avait su qu'elle n'aurait jamais la force de laisser tomber ce sport qu'elle aimait tant.

Un sourire léger apparut sur le visage de la patineuse en même temps qu'un sentiment de solitude immense.

La glace brillait, éblouissant la bretonne qui prit soudain une décision. Elle se dirigea vers le bord de la patinoire, enfila sur les lames les protections et sortit à l'extérieur, après avoir enfilé une écharpe et un chaud manteau.

Sortant dans le froid russe, elle observa le fleuve et les flocons légers qui virevoltaient au dessus d'elle.

Saisissant son portable, elle ouvrit le volet des contact et appela le tout premier.

— Allô ? Résonna une voix en sommeille au bout du fil.

— Je te réveille ? Demanda Gwen avec une pointe de remord.

— Gwen ! C'est toi ?! Je suis super contente que tu m'appelles ! Non tu ne le dérange pas du tout ! Comment vas tu ?

La patineuse sourit tristement.

— Ça va à peu près..

Son interlocutrice se tut un instant, demandant :

— Pourquoi tu m'as appelé ?

Ayden lui se demandait ce que son élève faisait. Aussi, il l'avait suivi et arriva par derrière Gwen à la bonne distance pour percevoir qu'elle téléphonait.

— Parce que.. Répondit Gwen avec une petite voix. Parce que tu me manques.

L'islandais s'arrêta net, comprenant immédiatement qu'elle devait parler à son amie. Il s'éloigna discrètement.

— Quelque chose ne va pas ? Demanda Estelle.

— Sais-tu où je suis, Estelle ?

— Non.. Dis-moi !

— Je suis à la patinoire de Moscou.

— Ah.. Je comprends mieux maintenant.

Un silence s'étira avant qu'Estelle ne le brise à nouveau.

— As-tu revu Nadia ?

Gwen acquiesça en répondant :

— Hum.. Je l'ai aperçue ce matin. Mais je ne lui ai pas parlé.

— Oui ça vaut peut-être mieux ainsi !

Les deux amies discutèrent un moment encore et quand elles se quittèrent, même si Estelle entendait encore dans la voix de Gwen une légère mélancolie, elle avait au moins la certitude que la patineuse n'était plus aussi déprimée.

La jeune femme rejoignit ses amies et son entraîneur à l'intérieur de la patinoire.

C'est un Ayden soucieux qui se rapprocha d'elle et posa sa main sur son épaule.

— Tout va bien Gwen ?

Elle eut un sourire et répondit :

— Oui tout va bien, je vais reprendre l'entraînement !

Il la regarda s'éloigner avec un pincement au cœur. Soudain, il eut une excellente idée.

Il se dirigea vers les affaires de son élève et attrapa son portable. Il tapa le code sans difficulté et alla dans le répertoire.

Un sourire naquit sur ses lèvres quand il trouva le numéro qu'il cherchait.

Il entra rapidement la suite de nombres dans son portable et laissant le téléphone de Gwen, rejoignant discrètement l'extérieur de la patinoire.

"Pourvu qu'elle décroche.." Se dit-il en appelant le numéro.

Après quelques bip sonores, il entendit une voix masculine lui répondre.

— Allô ?

Le patineur inspira rapidement et dit :

— Edwige ? C'est moi, Ayden.

La voix parut se tendre quand elle répondit :

— Qui êtes-vous et pourquoi appelez-nous ma fiancée ?

— Euh.. Commença Ayden. Votre fiancée ?

— Oui Monsieur. Alors maintenant vous me dîtes pourquoi vous appeler sinon je vais perdre patience et bloquer votre numéro.

Le patineur dit alors précipitamment :

— Dîtes-lui que l'appelle pour Gwen.

Un silence accueillit sa déclaration.

— Pour Gwen ? Mais pour.. Aaah ! J'ai compris ! Vous êtes Ayden Fjéreason ? Son coach ?

Le célèbre patineur esquissant un sourire et reprit :

— Oui c'est bien moi.

— Pourquoi appelez-nous Estelle ?

— Et bien.. Je souhaitais vous proposer quelque chose.. Que diriez-vous de venir à la finale du Grand Prix ici à Moscou ?

— Attendez.. Est-ce que vous avez conscience du prix que ça coûte un voyage pareil ? Surtout si nous devons y rester plusieurs jours..

— Et bien justement.. Je ne manque pas de moyen.. Je me charge de régler ça pour vous si vous êtes d'accord..

Florian se tut un moment.

— Mais.. Pourquoi vous feriez cela ?

Ayden sourit et dit :

— Je crois que Gwenaëlle se sentirait mieux si elle était entourée par vous. J'ai peur qu'elle soit un peu déprimée à l'idée de revenir à cet endroit où elle a un si mauvais souvenir.

Florian répondit alors :

— Si c'est pour elle, je pense qu'on peut s'arranger. J'en parle avec ma fiancée et je vous tiens au courant.

— Très bien, merci.

Quand Ayden rejoignit la patinoire, la française glissait sur la glace, l'air paisible. Il n'était pas dupe. Elle était troublée par ce lieu et n'appréciait pas se tenir là.

Lui soupira en se concentrant sur ses mouvements de jambes. Elle était vraiment prête.