Mafiosa , l'empire des Ceon (TOME 1)

28 Qu'ils aillent au diable

«Would like to think that you would stick around. You know that I'd just die to make you proud. »
Lana Del Rey, Love song

J'aimerais penser que tu resteras dans les parages. Tu sais que je mourrais pour te rendre fier.

***

Soixante-douze heures après la catastrophe qui a marqué la capitale, je suis encore scotchée à mon écran de télévision, suivant les images des secouristes, pompiers et dirigeants du pays. Une véritable guerre est déclarée contre la mafia romaine accusée d'avoir signé un acte de cruauté gratuite. Salvatore a fait fort. Il a réussi à nous mettre à dos tout un pays à vingt-quatre heures des élections. Nous devenons le sujet principal des débats et l'argument de campagne de tous les partis.
Non à la corruption.
Non à ce mal qui gangrène l'Italie.
Non aux Ceon.

Gianluca sous-estime ce qui se joue sur la scène publique. Officiellement, nous n'avons plus aucun soutien et j'ignore si les actes d'Enzo en parallèle ont aggravé les choses. La famille d'une des victimes ne cesse de combler ces heures d'antenne. Sofia Moretti a eu pour seul tort d'être aux toilettes au moment où le feu s'est déclaré et a été cernée par les flammes. Elle a réagi trop tard et est décédée d'intoxication. Sa grande sœur clame sa peine et sa colère, et parvient à se faire entendre. Elle n'est pas un citoyen lambda. Cette femme travaille pour les forces de l'ordre en tant que surintendante, ce qui implique qu'elle possède un soutien sans faille de la police dans cette lutte contre l'injustice et l'illégalité.

Le Parrain de Tarente a fait plus de mal que ne l'imaginent les hommes du clan. Cette prise de conscience me pousse à vouloir m'entretenir avec Vince. Cependant, il est aux abonnés absents.
Pour une raison que j'ignore, la cupola est sans cesse réquisitionnée hors du QG si j'en crois les véhicules qui vont et viennent. Ma curiosité s'est accrue à force de les espionner. Mon seul regret est que je n'ai personne à qui faire de rapports.
Enzo m'a fait découvrir les joies de l'ignorance après des ébats mémorables et je remercie ma force de caractère qui ne m'a pas fait sombrer dans le pathétique. Il n'y a eu aucun pleur, aucune larme, ce qui me surprend dans ma façon de fonctionner. Me suis-je si bien préparée à ses actes qu'ils ne m'ont finalement pas touchée ?

Un coup s'annonce et je coupe l'alimentation de la télévision pour en comprendre les raisons. Quelques secondes plus tard, mon frère apparait. Ses cernes sont ce qui me frappe en premier, avant que je ne détaille son corps qui s'affaisse comme s'il portait le poids du monde. Gianluca me salue, les épaules voûtées puis se rapprochent du canapé. Sans qu'il n'ait besoin de s'exprimer, je glisse jusqu'au tapis pour lui laisser de la place et espère secrètement qu'il retirera ses effets comme la dernière fois. Mais il n'en est rien.

— Tout va bien ? osé-je demander.

Un simplement grognement prétend que oui alors que je suis consciente du contraire. Rien ne va plus depuis que Salvatore m'a fait suivre dans ce raccourci.
Non. Tout a dérapé depuis que mon père a fait assassiner une innocente.

— Tu devrais te mettre à l'aise, l'invité-je.
— Non, soupire-t-il en bâillant. Je n'ai pas le temps de dormir.

Pourtant, son corps est épuisé. Il ne tient plus debout. Si Gianluca a passé cette porte, c'est qu'il a ressenti le besoin de se déconnecter avec la réalité sans avoir à se justifier auprès de ses hommes. Tous croiront qu'il a tenu compagnie à sa sœur ou qu'il l'a encore sermonné alors qu'il commence déjà à céder au sommeil.
Sans que je n'aie besoin de réitérer ma proposition, il retire son arme, vérifie ses messages sur son téléphone avant de le déposer et de malmener le coussin derrière sa nuque. Cependant, Gianluca ne se montre pas aussi détaché que la dernière fois. Il garde un œil fixé sur son moyen de communication et se penche à chaque notification comme s'il attendait une nouvelle précise.