Mafiosa , l'empire des Ceon (TOME 1)

22 La dernière négociation

« Remember, I'm the ghost in your machine. »
Lana Del Rey, She's not me

Souviens-toi, je suis le fantôme dans ta machine.

***

L'attente est interminable alors que la bibliothèque universitaire a fermé ses portes depuis une heure. J'ai abandonné la voiture et le téléphone d'Enzo à l'entrée de la faculté et commence à douter que mon message ait bien été transmis. Peut-être que le Parrain de Tarente n'est plus à Rome ? Cela compliquerait ma situation puisque je n'ai plus d'endroit où me cacher et que mon plan se base uniquement sur cette rencontre.

Tournant dans le rayon sociologie, je me montre à l'affut du moindre bruit, plus stressée que jamais. La chargée d'accueil n'a pas rechigné sur les deux-cents euros filés pour qu'elle oublie de fermer l'entrée.
Inquiète, je ne peux m'empêcher de triturer l'arme cachée sous mon teeshirt. Elle ne me protègera de rien quand Salvatore et ses sbires arriveront en masse, mais c'est un soutien psychologique. Elle m'aide à me sentir plus légitime dans ce marché que je veux lui proposer. Rien qu'à cette pensée, je baisse les paupières et soupire d'anxiété. Mon frère ne me le pardonnera pas. J'en suis certaine. Mais il s'agit de la seule issue à cette histoire. En quarante-huit heures, j'ai assisté au défilé d'informations sur les chaines nationales énumérant les rixes et feu d'entrepôts. Salvatore frappe là où nous cachons les stupéfiants hors de l'immeuble avant de les distribuer dans les différents coins de la capitale et villes aux alentours. Il n'a pas encore atteint notre QG, mais cela ne saurait tarder. Son intention est d'affaiblir le clan au portefeuille pour forcer Gianluca à se livrer. Aucun des hommes de la cupola n'aura le cran de lui proposer de négocier avec notre ennemi de toujours. Je n'ai aucune idée de si cela sera bénéfique, mais au moins, je tente. Après tout, je n'ai rien à perdre et tout à prouver.

Des silhouettes fourmillent au pied du bâtiment. L'adrénaline connait un pic dans mon corps. Par prudence, je m'éloigne des vitres et répète mon texte pour ne pas bégayer une fois devant le Parrain. La révélation sur nos passés respectifs a abaissé les interdits dans mon esprit, me rendant moins à cran à l'idée de le revoir. Le savoir est une clé que beaucoup préfère perdre. Pourtant, elle est l'accès au pouvoir.
Les battants automatiques s'activent et je regrette aussitôt le silence de cette dernière heure. Tout va se jouer maintenant. A moi d'être efficace dans ce face-à-face.

Afin d'éviter les tirs malencontreux, je me place bien en vue, hors des rayons, et soupire d'agacement lorsque les armes se braquent sur moi. Salvatore est entouré de six hommes, dont un qui reste à la porte, un autre en bas des escaliers et quatre à l'étage. L'arme que je laisse pendre au bout de mon doigt m'est retirée. Sans surprise, je suis fouillée sommairement sur le tronc par l'un d'entre eux avant qu'il ne s'attarde sur mes fesses. L'intimité est une notion inconnue pour ceux qui veulent assurer la survie de leur patron.

— C'est OK, Don Salvatore, l'informe le plus trapu.

Mon interlocuteur ne réduit la distance entre nous qu'à ce moment. Il est sur ses gardes et je le comprends. C'est la première fois que je suis l'instigatrice de notre rencontre et le moyen utilisé n'était pas le plus aisé.

— Quelle surprise, Tara. Je ne m'attendais pas à un rendez-vous de ta part. Encore moins après tes dernières péripéties.

Sa connaissance du sujet me met mal à l'aise. Elle signifie que les taupes continuent de rôder auprès de mon frère.
Sans se cacher, il détaille mon accoutrement inhabituel puis s'attarde sur mes pieds noircis.

— Excuse ma tenue. J'étais un peu pressée.
— C'est ce que je constate. Ton frère t'a mis à la porte, mais il aurait au moins pu te filer de quoi te vêtir. Au fait, tu as le bonjour de Daniele. Sa famille a apprécié ton geste charitable et t'envoie toutes ses pensées sincères pour tes heures difficiles.