⌜𝕦𝕟⌟

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Bonne lecture !

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Le couloir du troisième étage possède presque toujours une odeur désagréable.

Ça s'arrange avec les heures, au fur et à mesure que vient la nuit, mais quand les portes de l'internat des garçons s'ouvrent à 16H après les cours, l'odeur de renfermé, de chaussettes sales, et de mauvais déodorant lui donne envie de gerber. Le vieux sol en lino grince comme de véritables planches de bois, les murs jaunes le font grimacer, et même après deux semaines il a du mal à s'habituer aux douches communes (qui sont heureusement individuelles, mais n'importe quel couillon peut sauter au-dessus pour rigoler).

Jean n'a pas été ravi par l'idée de partir dans un lycée privé. Ses parents ne lui ont pas laissé le choix : sa première année n'a pas été un franc succès, et terminer au poste de police local après avoir fait le mur avec ses potes n'avait pas forcément été très malin. Jean regrette un peu, car franchement cette soirée ne valait pas le coup de se faire envoyer à la campagne, dans un internat aux règles rigides.

Jean soupire. Allongé sur son lit, l'odeur de ses draps propres remontant à ses narines, il fixe un instant son plafond en soupesant le pour et le contre. Ce n'est pas qu'il est particulièrement asocial : il était plutôt populaire dans son ancien lycée, et s'entendait plus ou moins bien avec presque toute sa classe.

Mais ici, ça lui paraît un peu plus difficile.

Déjà, il n'a pas forcément envie de rester, et c'est un problème. Ensuite, sa classe est remplie d'abrutis finis, de petits délinquants ridicules (et l'un d'entre eux lui a demandé s'il avait de l'herbe, parce qu'apparemment Jean a la tête du fils à papa qui approvisionne tout le monde en beuh de mauvaise qualité). L'internat, le troisième étage rempli de garçon, n'est pas franchement mieux.

Mais, tout de même, Jean a eu un peu de chance dans son malheur. Des dizaines et des dizaines de chambres, réparties sur deux longs couloirs séparés par une bifurcation où sont placées les deux salles de douches (et bien sûr, les toilettes sont également là, trois pauvres cabines souvent sales). Des chambres, qui contiennent deux à cinq adolescents : dans son malheur, oui, Jean est tombé dans une chambre de deux, avec un type nommé Marco Bolt, qui se trouve être le mec le plus sympa du lycée.

Il est poli, pas bruyant, studieux, et respecte à la lettre l'espace privé de Jean et son côté de la chambre. Bonus pour ses affaires sales qu'il range dans un sac en plastique, dans son armoire (Jean s'est rapidement rendu compte que dans cet endroit, les affaires sales ça a tendance à traîner un peu partout).

Donc, allongé sur son lit, fixant le plafond de la chambre qu'il partage avec Marco, Jean pèse le pour et le contre : rester là à attendre l'heure de rendre son téléphone comme un bon petit chien, avant d'aller se coucher, ou bien se lever, traverser le couloir, et se rendre à la chambre 5 du Dortoir 6 (autrement appelé D6).

« Je vais voir mon pote, tu peux nous rejoindre si tu veux. Ça lui posera pas de problème ». Jean aurait pu dire non directement, refuser et ne plus être emmerdé, mais voilà : il n'est pas certain de vouloir passer le reste de ses années au lycée dans une absolue solitude, à bouder comme un gamin.

Alors, après quelques secondes de plus à regarder les carrés blancs du faux plafond, il se décide à soupirer une dernière fois avant de se lever.

Le chemin est rapide, bien évidemment : Jean marche lentement, en essayer de ne pas utiliser ses talons au risque de voir l'une des surveillantes de l'étage du dessous venir lui demander d'arrêter de marcher comme un éléphant. Tout le monde le fait, ici, et elle vient au moins une fois tous les soirs pour les fusiller du regard et leur mettre des heures de colle sous le nez. Collé pour marcher trop bruyamment, ça ne lui dit trop rien alors Jean passe devant les douches (qui sont quasiment utilisés toute la soirée, il y a toujours quelques pour diffuser une odeur de savon dans le couloir) puis devant les premières chambres avant d'enfin arriver face à la chambre 5 du D6.

Quitte à guider mes pas || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant