⌜𝕤𝕚𝕩⌟

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Bonne lecture !

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L'été est si chaud cette année que les chambres ressemblent à des fours.

L'isolation n'est pas terrible en hiver, mais ils peuvent au moins se réchauffer sous des couvertures épaisses. Là, leurs fenêtres bloquées ne leur permettent de laisser entrer qu'une minuscule brise à l'intérieur des murs brûlants.

C'est sans aucun doute pour ça que Jean a accepté de sortir dans le parc, pour suivre tous ces abrutis dans leur envie de faire un match de football en plein cagnard. La folie le guette sûrement. La chaleur va le faire vomir toute la nuit, à ce rythme.

— Jean !

La passe arrive de derrière, et Jean aperçoit le visage de Reiner pendant une seconde à peine avant que son pied ne réceptionne la balle. Accepter de jouer au football comporte apparemment un point noir assez important : Jean est obligé de vraiment jouer.

Il court, le long du terrain inégal et plein de bosses, en essayant de ne pas se faire voler le ballon trop vite. Il n'est pas forcément le gars le moins sportif de l'internat (ça, c'est sûrement Armin) mais il n'est pas pour autant une bête de course comme l'autre crétin de Jaeger. Ce dernier est adulé par tous les clubs de sport du lycée, depuis l'équipe de basket jusqu'à celle d'athlétisme.

Même le coach Levi s'adoucit un peu en voyant les points marqués par le cancre sur pattes qu'est Eren (et Jean trouve ça un peu injuste que ses heures de colle à lui soient du nettoyage intensif tandis que celles d'Eren soient une obligation de participer à tel match ou tel entraînement ou simplement sourire des heures autour du gymnase. Bon, Jean n'a pas forcément envie de courir comme un demeuré sur des kilomètres, car il en vomirait ses boyaux, mais l'idée est là).

Jean commence à sentir ses poumons le brûler légèrement quand une ombre arrive de sur le côté pour le tacler violemment, frappant sa cheville avec (heureusement) de vieilles baskets sales. Sa chute sur le dos lui coupe presque le souffle, et il entend Eren renvoyer le ballon à l'arrière, loin des buts de son équipe.

— Putain, souffle-t-il.

Il n'a pas tellement envie de se relever, car clairement il a eu son compte, mais une voix nasillarde se fait entendre au-dessus de lui.

— Il est sympa ton tatouage, Kirschtein.

Jean cligne des yeux, aveuglé par le soleil, avant de se redresser. Il sent l'air chaud sur sa peau, juste en dessous de la limite de son t-shirt qui est sûrement remonté pendant sa chute.

Il pose sa main juste au-dessus de l'os de son bassin, là où il sait qu'une marque noire en forme d'aile est incrustée.

— Pas besoin de la cacher, ta marque est sympa : un peu kitch mais ça te va bien.

Face à lui, un garçon de son dortoir le regarde avec un rictus, les mains dans les poches de son short. Jean ne se souvient pas vraiment de son nom : Flotch, Flitch, quelque chose comme ça. Ils sont ensemble en cours d'anglais, et le moins qu'on puisse dire c'est que ce gars a un ego plus grand que l'Amérique.

Et qu'il n'aime pas beaucoup Jean, pour la bonne raison que dans aux moins trois matières ce dernier le bat à plate couture.

— Tu veux quoi ? grogne-t-il en se relevant.

Son regard croise celui d'Eren, qui attend non loin que la balle revienne vers eux. Il suit l'échange du coin de l'œil.

— Rien, mec. Rien du tout. Je regardais juste ta marque.

Jean plisse les paupières, sentant tout à coup la tension le faire grincer des dents. Dans leur monde, la phase « Je regardais juste ta marque », n'existe pas. Certains ont des grands dessins sur la peau, d'autre de simples symboles : c'est un tatouage aussi intime que peut l'être une paire de fesses. Jean n'a jamais caché la sienne, traînant sans problème dans les couloirs torse-nu, mais ça c'est différent.

— Regarde ailleurs, alors.

Défense, irritation : ne pas parler d'une marque, c'est une politesse commune. Mais ce gars a sans doute été élevé avec les porcs, car il demande :

— Tu sais que des scientifiques s'intéressent à la taille de la marque par rapport à la puissance du lien ? Apparemment une petite marque serait plus facile à briser.

Il ose lui sourire.

— La tienne n'est pas très grande.

Jean grogne, et essaye de ne pas tomber dans le panneau.

— Les scientifiques devraient plutôt s'intéresser à la taille de ta pauvre cervelle, car ça non plus c'est pas très grand.

— La ferme, vous deux, siffle Eren en les fusillant du regard. Si vous voulez jacasser comme des gonzesses, vous avez qu'à aller sur le banc.

Jean se retourne vers lui, et presque aussitôt il le sent : cette colère qui brûle toujours chaque fois qu'il pose les yeux sur Eren Jaeger. Une colère mélangée à tellement d'autres choses, que ça le menace de l'avaler tout cru.

— Eren, tu..., commence l'autre abruti mais Jean le coupe.

— Pourquoi, t'as besoin de toute ta capacité de concentration pour suivre un pauvre ballon des yeux ? T'es vraiment aussi diminué ?

La mâchoire d'Eren se crispe.

— Je veux juste pas entendre votre conversation de merde sur ta stupide marque. Tout le monde s'en carre le cul, moi le premier.

Ça, ça menace de consumer Jean entièrement, car la colère le prend à la gorge. Il s'est rapproché sans même faire attention, et Eren aussi. Ils se toisent.

— Hey, intervient l'autre. Vous pouvez pas...

— Ta gueule, Flitch, grogne Eren sans détourner son regard de Jean.

L'autre renifle avec irritation.

— C'est Flotch, contredit-il.

— Je m'en branle.

Jean a l'impression que sa poitrine va éclater, comme toujours quand il est aussi proche : c'est insupportable. Il serre la mâchoire encore plus fort, jusqu'à entendre ses dents grincer.

Il articule :

— Pas étonnant qu'entendre des gens parler d'une marque te fasse chier, Jaeger.

Quelque chose passe dans le regard d'Eren, mais Jean n'est pas un foutu devin alors il ne voit pas bien ce que ça peut être, à part une nouvelle vague d'irritation. Il se rapproche encore plus, et Jean sent son souffle s'écraser juste au-dessus de ses lèvres.

— Ah ouais ? Et pourquoi ça ?

Eren attend une réponse, une vraie. Et Jean est tout disposé à la lui donner car il articule lentement :

— Les gens comme toi, les connards sans cœur qui pensent qu'à eux, ils n'en ont pas. Alors, Jaeger, ça fait quoi de savoir que tu vas passer le reste de ta vie seul ? De toute évidence tu le vis pas si bien car sinon tu te mettrais pas en rogne pour une pauvre discu....

Le coup qui lui arrive en plein dans la mâchoire, Jean veut bien admettre qu'il le mérite. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne le rend pas.

Et que le terrain de football improvisé n'est pas bientôt rempli par des élèves qui essayent de les séparer. Le coach Levi, qui arrive depuis le gymnase, paraît prêt à aller chercher une pelle histoire de cacher leurs corps à tous les deux.

Le cœur de Jean, ce traître, ne veut toujours pas arrêter de battre comme un fou.

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Des bisous !

Quitte à guider mes pas || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant