⌜𝕤𝕖𝕡𝕥⌟

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Bonne lecture !

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Jean descend les larges escaliers d'un pas rapide.

Le silence lui paraît toujours étrange : sortir après le couvre-feu, sortir quand le lycée est vide et que plus personne ne se trouve dans le hall en bas de l'internat. Quand les odeurs de la cantine ont disparu, que tout est sombre et que les lumières ne s'allument que s'il décide d'appuyer sur un bouton un peu plus bas.

C'est étrange et agréable. Jean aime bien ce silence, cette tranquillité : ignorer le regard des surveillants du dortoir des filles en descendant les trois étranges, passer devant quelques couples qui se retrouvent dans les escaliers pour quelques minutes, puis soudain plus personne.

Il se retrouve tout en bas, les clés en main, et marche tranquillement jusqu'à la porte extérieure. Dehors, c'est un peu plus lumineux et l'air est lourd. Le gymnase, juste en face, est encore complètement allumé : les grandes vitres sur les côtés permettent de tout voir, et Jean remarque en quelques secondes à peine qu'il n'y a personne. Tout est rangé.

Quand il tire la porte vitrée, sur un côté, afin de pénétrer à l'intérieur, il est à peine surpris par l'odeur de transpiration. Cet endroit sent toujours ainsi, et c'est presque logique.

— Y'a quelqu'un ?

Jean fait la moue quand seul le silence lui répond. La porte de la remise est bien fermée, et Jean n'imagine même pas la tête que ferait le coach Levi en le trouvant ici. Il n'accepte les nuls que pour les cours, et pas forcément de gaîté de cœur. Voir un allergique au sport comme Jean dans son antre (qu'il va récurer au poil une fois le matin venu) lui donnerait certainement envie de lui donner une heure de colle.

Jean se détourne, et marche vers les vestiaires.

Il n'est pas particulièrement ravi d'être là : bien sûr que sortir pour prendre un peu l'air et en profiter pour échapper à sa chambre brûlante semble un bon compromis, mais il aurait largement préféré que le surveillant choisisse quelqu'un d'autre. Il ne se souvient jamais de son prénom, en plus.

Son « Jean, t'es occupé là ? » il aurait pu se le mettre là où Jean pensait, car il aurait carrément dû répondre « oui, absolument ».

Tu peux aller chercher Eren ? Il est au gymnase pour le sport du soir, mais ça va faire au moins 30 minutes qu'il aurait dû être rentré. Il a du mal à s'arrêter quand personne le surveille, alors peut-être toi...

Comment si Jean est ami avec lui. Comme si ce surveillant ne pouvait pas aller voir Armin ou même Mikasa à l'étage du dessous.

Jean soupire, et passe devant le vestiaire des filles sans y jeter un regard.

— Jaeger, t'es là ?

Aucun son de lui parvient, alors sans même s'arrêter ou toquer il pousse la porte, et pénètre dans la pièce : des carreaux blancs et noirs, un peu comme les vestiaires d'une piscine. À l'intérieur, une odeur de savon lui informe que quelqu'un est venu tout récemment, alors il s'avance encore pour sortir de la petite alcôve où se trouve la porte.

— Jaeg....

Ce qui surprend Jean en premier, c'est le grand bruit qui arrive immédiatement : il ouvre sa bouche, commence à appeler Eren à nouveau, puis tout à coup une silhouette sursaute et des affaires tombent du banc en bois. Son téléphone chute sur le coin droit.

Eren se redresse, et se retourne vers lui avec des yeux écarquillés.

— Désolé, soupire Jean en sentant déjà la dispute arriver. Écoute je voulais pas te faire flipper, mais on m'a envoyé te chercher parce que t'es à la bourre et qu'il est bientôt l'heure de rendre les téléph....

Sa voix meurt dans sa gorge.

Ses yeux, qui avaient essayé de se concentrer sur la partie supérieure du corps d'Eren, et non sur la partie un peu trop visible de son torse nu, ont fini par descendre doucement de long de sa peau.

La bouche de Jean se ferme dans un claquement. Son regard se fixe sur une trace noire et boursouflée, juste au-dessus de l'os de son bassin. Une cicatrice affreuse et sombre, qui force Jean à se souvenir de comment il faut respirer.

À l'intérieur de sa poitrine, tout est si douloureux et étroit qu'il manque de s'étouffer sur place : c'est la chose la plus violente qu'il a ressentie depuis des semaines, des mois, depuis leur rencontre dans la chambre.

Quand il rencontre le regard d'Eren, il s'attend à voir de la rage. De la colère. Peut-être la mère que ce jour, à la sortie des douches, pour ce pauvre gars qui n'a même pas dû avoir le temps d'apercevoir un morceau de peau noircit.

Il s'attend à tout voir, sauf l'expression horrifiée et horriblement peinée qu'il lui renvoie. Jean ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais sa voix ne veut pas sortir. Quelque chose comme quoi ? Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi ? Comment ?

Il déglutit.

— ... tu...

C'est un électrochoc, Jean le voit immédiatement. Le corps d'Eren tremble un coup, puis la seconde d'après il se tord en deux pour attraper son t-shirt et le passer rapidement. Ses cheveux encore humides tombent dans sa nuque. Il renifle étrangement bruyamment. Son sac est sur son épaule.

Puis il passe à côté de Jean, sort presque en courant du vestiaire, et alors il est seul.

Sa poitrine va sûrement bientôt exploser. C'est ce qu'il se dit en regardant le sol, et en écoutant les pas d'Eren Jaeger disparaître.

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Des bisous !

Quitte à guider mes pas || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant