⌜𝕕𝕠𝕦𝕫𝕖⌟

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Bonne lecture !

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Jean sort du bâtiment au moins une heure avant la fin de l'épreuve.

Il n'est pas certain de savoir ce que ça veut dire : peut-être que c'est bien, peut-être qu'il savait tout simplement tout faire rapidement. Ou peut-être qu'il s'est foiré, qu'il n'a pas vu une quatrième page d'énoncé, ou que tous ses calculs sont faux.

Il déglutit, et sort dans la chaleur.

Dehors, le soleil n'a pas bougé : toujours aussi insupportable que quand il l'éblouissait dans la salle d'épreuve. Jean soupire et commence à se diriger vers le parc. Les allées du lycée sont encore plus ou moins vides. Certains attendent devant les grilles, d'autres fument à côté du muret, et quelques personnes bronzent dans l'herbe, presque endormie.

Jean marche tout droit vers la silhouette penchée sur un livre qu'il aperçoit tout au bout, sous les arbres. Il avance, son sac à dos sur l'épaule, celui qui contient ses pauvres stylos, sa calculatrice, et tous ces brouillons qu'on leur file et qu'ils n'utilisent jamais. Jean, tout du moins, ne les utilise jamais. Eren, lui, marque un nombre indécent d'idée pour ses dissertations.

— Alors ? Demande Jean en arrivant derrière lui.

Eren sursaute. Fort. Ce qui est suspect car en général Eren s'en fiche un peu de tout.

— Oh, t'as déjà fini ?

Jean s'apprête à s'asseoir à côté de lui, histoire de débriefer sur l'épreuve qu'il vient de passer, mais tout à coup Eren referme son livre et il est debout face à lui. Droit. Les joues rouges.

Jean fronce les sourcils.

— Est-ce que ça va ?

— Pourquoi ça n'irait pas ? Ça va super. Ouais. Ouaip. Génial.

D'accord. Les sourcils de Jean se dérident puis se haussent très lentement. Eren détourne le regard innocemment, et commence à se dandiner d'un pied sur l'autre.

— Eren ?

— Oui, oui. Attends. Je....je vais juste faire un truc et tu.... et tu ne vas pas me frapper ou quoi. Peut-être une gifle, si tu y tiens tant. Mais j'ai des bons réflexes alors peut-être que je vais te la rendre sans faire exprès.

Jean se dit que peut-être il s'est endormi pendant son examen, et qu'il est en train de rêver. Souvent, ses rêves n'ont absolument aucun sens. Comme maintenant.

— Ce que tu dis n'a aucun sens.

Attends.

Eren inspire profondément. Il regarde leurs chaussures un instant, puis souvent se redresse et se penche vers lui. Jean a tout juste le temps de sentir deux mains attraper le côté de ses joues avant que les lèvres d'Eren se posent sur les siennes.

Tout son corps se tend. C'est forcément un rêve. C'est forcément un rêve car Eren ne sait pas que —

Les lèvres bougent, remuent, et un électrochoc le parcourt si intensément que Jean fait un pas en avant et appuie encore plus fort : sa respiration se coupe, la seule chose à laquelle il pense est ce pauvre crétin qui donne à son corps l'impression de ne plus lui appartenir. Son cœur s'affole, son ventre se tord, sa poitrine devient si étroite....

Ils se séparent.

Face à lui, les yeux d'Eren sont plus verts que bleus. Ils brillent.

— Je suis désolé, entend Jean.

C'est à peine audible.

— Je sais que...que ta marque....

Il déglutit, mais ne s'éloigne pas pour autant.

— Le moment venu je m'écarterais, je te le jure, mais en attendant est-ce que je pourrais pas juste...

Jean se penche à nouveau, et empêche un mot de plus de passer ses lèvres. Eren a un goût de tout : tout ce qu'il a toujours attendu, tout ce qu'il a toujours voulu, et tout ce qu'il a toujours imaginé.

Embrasser son âme sœur, c'est un peu comme placer la dernière pièce d'un puzzle de 1000 pièces. La sensation est indescriptible. La satisfaction n'a pas son pareil.

— Tais-toi, tu veux ?

Jean essaye de l'embrasser à nouveau, mais soudain Eren se recule un tout petit peu. Il pose une main sur son torse, et penche la tête de manière à rencontrer son regard.

Eren ne brise pas le contact, ne bouge pas. Les secondes s'étirent, encore et encore : le silence autour d'eux est intact, presque personne n'est aux alentours, et Jean ne comprend pas bien ce qu'il cherche.

Jusqu'à ce qu'Eren Jaeger écarquille lentement les yeux. Et que son expression trahisse absolument tout ce qu'il vient de lire dans le regard de Jean.

— Putain de merde. C'est toi ? C'est toi, c'est ça ?

Jean soupire, d'abord de soulagement car Eren n'a l'air ni furieux ni à deux doigts de lui mettre son poing dans la figure. Puis de fatigue, car la discussion à venir l'épuise déjà.

Il pose sa tête contre l'épaule d'Eren.

— Et t'as lu ça dans mes yeux ?

— Plus ou moins. Quelque chose comme ça. Alors c'est ça ? Cette sensation étrange qui me donne envie de m'arracher la peau et de me rouler par terre ? Le fait que mon sang boue chaque fois que je te vois ?

Il n'y a qu'Eren pour confondre ça avec la reconnaissance d'une âme sœur. Pour confondre la rage et...et quoi que ce soit réellement.

— Ouais. Ça me fait cet effet-là aussi.

— Pourquoi tu me l'as pas dit ?

— Parce que t'es un pauvre con, Jaeger. Et que tu m'as sauté à la gorge la première fois qu'on s'est vu.

Il entend Eren pouffer, puis des bras le serrent fort.

— Putain de merde.

— Ouais.

L'été est brûlant. Les examens sont terminés. Et Eren Jaeger ne s'est pas battu avec lui depuis presque trois mois.

La marque de Jean le picote. Peut-être qu'elle le sent, elle aussi. Elle sent que l'avenir est là, possible et proche, et que bien heureusement Eren en fait partie.

C'est affreusement niais : Jean ricane dans sa nuque, puis se redresse pour embrasser ses lèvres une ou deux fois de plus.

Puis, aussi simplement que ça, le lycée se termine.

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Des bisous !

Quitte à guider mes pas || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant