⌜𝕔𝕚𝕟𝕢⌟

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Bonne lecture !

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La lumière au-dessus du miroir de sa chambre vacille un peu, en ce moment.

C'est un renfoncement, un endroit un peu sombre où on est presque toujours obligé d'allumer la lumière. Un lavabo, un miroir, deux portes-serviettes et deux étagères : sommaire, mais bien pratique pour se laver les doigts, poser ses shampoings, ou encore boire un peu d'eau au milieu de la nuit.

Jean lève les yeux vers cette lumière, qui clignote un instant avant de s'arrêter. Ça arrive de plus en plus souvent ces derniers temps, et ça rend Marco fou quand il se lave les dents juste avant d'aller se coucher. Il ne sait pas trop qui il faut prévenir, pour ça : le surveillant s'en fiche, les femmes de ménage n'allument pas la lumière.

Attendre, et espérer qu'elle ne va pas cramer avant la fin de l'année.

Face à lui, le miroir lui renvoie un visage familier. Il dort davantage, depuis qu'il est arrivé ici : plus de téléphone après 22h, et un réveil à 7h pour aller en cours. Marco ne ronfle pas, et étrangement tout est calme la nuit. Même pas de fuite énervante ou d'animaux à l'extérieur. Seulement la lumière un peu trop forte de la lune qui passe à travers les rideaux trop fins devant la seule et unique fenêtre, juste à côté du lit de Jean.

Une peau lisse, peu ou presque pas de cernes, des cheveux qui poussent trop et qu'il va faire couper aux prochaines vacances. Ce qu'il voit aussi, c'est une peau qui commence à être bronzée par le soleil, à force de passer ses journées et ses heures de pause dans le parc, dans l'herbe, à simplement attendre.

Ses yeux ne sont pas posés sur son visage. Sa main se lève doucement, puis vient se poser sur l'os de son bassin. Aucune sensation au toucher, même pas une boursouflure : c'est là la différence entre la Marque et un simplement tatouage.

La marque, ce n'est que de la peau : on naît avec. Elle est là, pour toujours. Parfois, Jean se dit que c'est un peu comme le cœur. On sait qu'il est là, qu'il bat fort dans la poitrine, qu'il est apparemment coupable de tant de choses, mais en vérité les sentiments n'ont rien à voir avec lui.

Le cœur, l'amour. Aucun rapport. Simplement l'attribut physique, sensible, quelque chose qu'on peut toucher, quelque chose de plus tangible qu'un sentiment abstrait.

La marque, c'est un peu pareil. Elle rappelle l'appartenance, la vie, l'âme sœur, mais au final elle n'a presque rien à voir : le cœur, avec ou sans marque, sait reconnaître sa jumelle. C'est ce qu'on dit, en tout cas.

Jean n'est pas trop certain de ce qu'il ressent à ce propos. Il regarde dans le miroir le bout de ses doigts qui dessine le contour, et ça ne lui fait presque rien : il y pense moins, en ce moment. C'est bientôt la fin de l'année, il a eu des mois pour s'y faire. Des mois pour comprendre.

Des mois pour enfin accepter que oui, son âme sœur à lui n'en a très certainement rien à foutre d'une petite marque noire sur un corps. Et c'est un peu dur, de passer sa vie en étant certain d'un jour trouver La Personne, pour finalement se rendre compte qu'il n'est qu'un bug dans la matrice, une pauvre âme destinée à la solitude, une voie sans issue.

Un ado, qui se retrouve avec une marque unique au monde. Un ado, qui a vu son corps réagir pour une personne qui de toute évidence n'a pas ressenti la même chose.

C'est un peu comme se regarder dans la glace, et ne rien y trouver. Ne pas avoir de reflet. De pas avoir de chance.

Jean soupire. La lampe au-dessus du miroir clignote, et il retire sa main. Au même moment, la porte s'ouvre doucement et il retient un sursaut en voyant Marco enter dans la chambre.

— Oh, Jean.

Marco lui sourit. Il referme la porte. Ses yeux ne dévient même pas sur la marque en bas de son ventre.

— T'as déjà rendu ton tel ?

— Il est déjà 22h ?

— Ouais, mec. Bientôt 22h10, en fait. J'ai pas vu le temps passer. Faudra que tu viennes demain, Armin a téléchargé un truc sur son ordinateur et on peut tous y jouer ensemble depuis nos téléphones.

Jean sourit. Il se détourne, ignore le miroir, et marche vers son lit pour enfiler un t-shirt et attraper son téléphone qui charge sur la table de nuit.

— Hâte de voir ça, dit-il.

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Des bisous !

Quitte à guider mes pas || EreJeanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant