Chapitre 4 -L'inscription

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JJ'espère juste que je ne fais pas une énorme erreur.

Il fait plutôt chaud pour début septembre mais maman m'oblige à y aller à pied. Je grince des dents en silence et relève dans un ruban noir mes cheveux pour dégager ma nuque. Mieux vaut ruiner ma coiffure pas très élaborée qu'arriver en sueur sous un soleil de plomb !

Le bureau administratif est bondé ; une centaine de jeunes filles, ou jeunes femmes, devrais-je dire, sont assemblée dans une file interminable. Ils prennent en photo chaque candidate dans trois petits espaces avec un arrière-plan aux armoiries d'Illéa. Si ça va trois par trois, ça promet d'être long.

-Stasie ! M'appelle Emi en apparaissant derrière moi. Ho, bonjour madame Kaler.

Maman le salue avec sollicitude mais est plus occupée à me comparer aux autres filles.

-Garde la place ! Lui dis-je en m'esquivant.

Elle n'a pas le temps de protester que mon meilleur ami m'entraîne vers le petit parc en face du bureau administratif. Stel y est déjà, en train de trier des dizaines de tubes de maquillage.

-Tu es magnifique ! S'exclame-t-elle en me prenant dans les bras. Merci, d'ailleurs, de faire ça.

J'aimerais lui assurer que ce n'est rien, sauf que... ce n'est pas rien alors je me tais.

Elle rectifie mon maquillage et ma coiffure.

J'ai intérêt à faire plus confiance à ses talents qu'en les miens. Il me semble que son retouchage dure des heures, mais finalement, elle détache le ruban, rajuste mes épingles et me déclare officiellement plus parfaite que jamais.

-Regarde ! Piaille-t-elle pour me convaincre en me tirant vers la petite mare presque desséchée.

Dans l'eau ondulante, je vois mon reflet de loin ; seulement les courbes du corps. Impossible de voir les différences au niveau du visage. Mais la robe est parfaite, même si elle me rappelle de mauvais souvenirs.

Elle laisse mes épaules découvertes mais remonte contre mon cou à la manière d'un col et la boucle argentée de la ceinture est placée juste au bon endroit pour me donner l'air d'avoir le corps du mannequin parfait.

-Sia ! S'égosille maman depuis la file.

C'est bientôt à moi. Cette photo est fatidique.

J'inspire un grand coup, mes meilleurs amis me pressent l'épaule d'un air persuadé de ma réussite et je rejoins maman. Je dépose le formulaire dans une boîte vitrée, signe un papier qui indique que je suis bien passée par là et on m'ordonne de m'assoir sur un tabouret.

« Allez, il faut sourire, Sia ! »

Puis mon regard tombe sur Jane Nestan dans la file et un sourire provocateur se dessine immédiatement sur mes lèvres. C'est hilarant la manière avec laquelle elle me regarde en coin. Je peux voir sa fureur dissimulée dans ses yeux et...

-Mademoiselle ?

Je retourne mon regard vers le photographe et tente de changer mon sourire sarcastique et amusé en un sourire aimable. Trop tard, cet imbécile de photographe appuie sur le bouton de son appareil photo. Je le fusille du regard.

Je grimace. Je ne sais pas exactement quelle tête j'ai faite sur la photo mais certainement pas une expression paisible ni noble. Espérons que cela amuse quelqu'un au palais assez pour me Sélectionner. Je passe à côté de Jane et lui souffle à l'oreille.

-Dis donc, on dirait que c'est de la camelote ton collier... tu n'as pas l'argent pour payer un avec des vraies pierres ?

Et je m'esquive avant qu'elle ne me réponde. Car je suis très mal placée pour dire ça, moi qui ne porte qu'une vieille bague –dont la valeur n'est que sentimentale- et une paire de boucles d'oreille en or creux.

Au moins, je l'ai déstabilisé. Maman me ramène immédiatement à la maison d'un pas vif et d'un air victorieux sans que je puisse dire au-revoir à mes amis.

-Maman ? Pourquoi tu veux tant que je participe à la Sélection ? Demandais-je, car la question me trottait dans la tête depuis ce matin.

-Tout d'abord, car nous ne nageons pas dans l'or, chérie.

Chérie ? Elle ne m'a pas appelé ainsi depuis... je ne compte plus les années. Elle doit vraiment être de bonne humeur.

-Et en quoi la Sélection pourrait changer ça ?

Je ne comprends pas. Même si je suis Sélectionnée, rien ne dit que le prince voudra de quelqu'un comme moi. Et puis, je ne veux pas de lui, aussi beau puisse-t-il être.

-Si tu es Sélectionnée, chaque jour que tu passeras au palais nous rapportera de l'argent, explique maman, tu n'as pas lu la lettre ?

Je n'ose pas lui dire que j'ai arrêté au moment où ils ont commencé à expliquer le fonctionnement de la Sélection. Mais elle a raison... de l'argent ne pourrait pas nous faire de mal. Cependant...

-Que voudrais-tu faire de ces revenus ?

-Redécorer la maison par exemple... je verrais bien un miroir à l'ancienne au-dessus de la cheminée.

Je soupire et chasse la tristesse qui m'envahit. Je ne sais pas exactement quel est le problème de ma mère, mais ce qui est sûr, c'est que la manie de changer les meubles de place toutes les six heures n'est pas normal.

Le soir-même, je fugue de nouveau pour aller à la patinoire. Mes patins y sont cachés depuis que j'ai sept ans, dans un casier délabré. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m'a toujours détendue, cette danse sur glace.

Je n'ai jamais pu me payer des cours, alors j'ai appris en regardant des vidéos, mais on ne peut pas dire que je sois vraiment douée. Pour entrer, il suffit de passer par une fenêtre coulissante qui n'a jamais été réparée.

Comme le monde semble s'être ligué contre moi, il faut que le directeur de la patinoire –un ancien Trois- décide de faire une visite à son précieux bien au milieu de la nuit.

Il darde son regard furieux sur moi et je m'immobilise les yeux écarquillés sur la glace.

-Bonjour monsieur, dis-je avec un sourire qui camouffle mon anxiété.

« Faudrait vraiment que j'arrête de dire bonjour à n'importe qui », souffle une voix en moi.

Cette fois maman va me tuer : j'ai intérêt à pouvoir aller à la Sélection. 

La Sélection : les SuccesseursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant