Chapitre 16 -Illea

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La seule chose que je peux dire c'est que le palais et les gens qui l'habitent sont... inattendus. 

La soirée s'écoule interminablement. Je fais une partie de billard avec Kelly mais la plupart de mes coups envoient les boules par-dessus les rebords de façon inexplicable. Quelques Sélectionnées se font la manucure, regardent la télé et finalement, c'est l'heure du repas. Toutes nos journées vont-elles être ainsi ? Dans l'attente que le prince daigne de prendre son temps pour nous ?

Lorsque nous arrivons dans la salle à manger, Aliénor discute d'un air grave avec ses parents, Elizabeth parle à Laspen et Marcus regarde son téléphone portable caché sous la nappe. Plusieurs filles rient doucement en se cachant sous leurs mains. Elles me rappellent des dindons qui gloussent pour attirer le paon.

-Bonsoir mesdemoiselles ! Nous salue Laspen. J'espère que vous avez passé un bon après-midi...

Je lève les yeux au ciel, blasée. Il espère que nous avons « passé un bon après-midi » ? Nous n'avons rien fait d'intéressant. Ma vie en Caroline est vingt fois plus passionnante !

Après un petit discours de convenance, il nous souhaite bon appétit. Je le vois qui parle en catimini à ses parents. J'ai l'impression d'avoir donné un coup de pied très violent dans leur vision de l'autorité royale.

Je suis prête à parier qu'ils parlent des fameux Magistrats qu'ils ont placés au pouvoir sans s'en rendre compte.

Je parle beaucoup avec Kelly durant le repas, surtout parce qu'elle aime bien raconter sa vie. Mais elle le fait bien, de manière égale et pas trop prétentieuse.

-Nous avions trois poules, me raconte-t-elle entre deux bouchées de bœuf. Mais comme l'espace que nous leur avions attribué était trop petit, nous devions les laisser dans le jardin. Elles s'échappaient toujours dans les Venelles et en six jours nous les avions toutes perdues. Les chats errants probablement.

Elle plisse le nez.

-Tu n'aimes pas les chats ? Lui demandais-je en fronçant les sourcils.

Ne pas aimer les chats, c'est impossible !

-Non ! Répond-elle en agitant sa fourchette. J'en avais un quand j'étais enfant. Un jour...

Son expression s'assombrit et je me demande quel mauvais souvenir peut bien la hanter. Même si elle avait l'air ordinaire et peut intéressante, je découvre qu'elle cache beaucoup dans son cœur et un esprit très vif.

-Tu n'es pas obligée d'en parl...

-Ne t'inquiètes pas, me rassure-t-elle avec un sourire paisible. C'est loin à présent.

J'arrête de manger pour mieux l'écouter.

-Lorsque j'avais cinq-six ans à tout cassé, les renégats de l'est ont attaqué la demeure d'un ex-Deux. C'était peu de temps avant l'abolition des castes et tout le monde avait encore l'impression d'être coincé dans ce système. Nous étions anciens Six, et tout le monde nous traitait encore comme tels. Donc les seuls travails où ma mère fut accepté était le ménage chez un ancien Deux. Elle nous emmenait, ma sœur, moi et notre chat. Lily et moi avions de petites mains et nous faisions la poussière dans les endroits étroits comme sous un placard ou dans une serrure. Le chat... eh bien était au seuil de la mort et ma mère ne voulait pas le laisser.

Kelly a un sourire triste et fait tourner sa fourchette autour de son doigt.

-Alors les renégats de l'est ont attaqué la demeure pour la piller et nous nous sommes cachés dans le cellier. Ils allaient partir lorsque le chat a miaulé. Ils nous ont découvert et ont volé les maigres dépenses que nous avions. Ils ont cassé le bras de ma mère quand elle se défendait. Nous avions besoin de cet argent, nous qui nagions dans une misère... de Six. Puis pour gagner de l'argent, mon père s'est vendu en cobaye à un scientifique qu'ils ont voulu me faire épouser. L'abolition des castes n'a rien changé finalement, c'est une société où tout le monde exploite son prochain.

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