Chapitre 1 : Freeze Raël

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Issa Lorenzo Diakhaté courait pour sauver sa vie. Il détestait cette incapacité totale de ne plus savoir réfléchir à cause de l'instinct sensoriel. Ce dernier le contrôlait uniquement dans le but de survivre. Issa était gêné par la sensation de transpiration et moiteur sur sa peau métisse, sans évoquer l'odeur d'une évasion intuitive. Il détestait ces montées de mauvaise adrénaline durant lesquelles la vue de ses yeux en forme d'amandes se brouillait, son cœur s'emballait et les mouvements de ses jambes semblaient fonctionner sans l'ordre de son cerveau.

Issa fuyait pour échapper à un contrôle inopiné de police dont il demeurait certain de ne pas sortir indemne. Sa pochette contenait en effet un nombre si imposant de flacons codéinés pour que ce chiffre soit hasardeux. Il les vendait avec plusieurs boissons gazeuses sucrées et ce trafic de la mort déclenchait une peur et angoisse trop importantes afin qu'il pense quotidiennement à le stopper. Ce mélange addictif était un poison bien ancré et son sevrage ne se réalisait pas sans une prise de conscience. La lean détruisait une jeunesse avide de rêves balayés par une réalité désenchantée d'une génération parentale installée dans un confort accusable. La fin de cette année deux mille dix-huit se concluait ainsi amèrement dans le territoire français, plus précisément dans une commune de la Seine-Saint-Denis nommée Les Lilas.

Issa habitait dans une banlieue partagée par une avenue cosmopolite. La rue différenciait le côté droit abritant les quartiers miséreux avec les caractéristiques hautes et longues tours bétonnées et de l'autre des pavillons familiaux construits pendant l'entre-deux-guerres. De jeunes couples aveuglés par un modèle tristement normal de consommation (et donc rassurant des classes moyennes) les achetaient sans réflexion ni remord. Aucune des deux populations ne regrettait sa vie, surtout Issa qui aimait la plus forte de ces femmes.

Il changea de direction grâce à l'éclairage d'une intersection provoqué par la lueur naturelle de la pleine lune. Son inconscient lui souffla que cet événement était la représentation d'un soir paradoxalement sombre par rapport à la lueur de cet astre qu'il adorait observer. Issa était un passionné de l'espace et s'octroyait un moment d'apaisement lorsqu'il observait les étoiles et la galaxie. Il retranscrivait même les constellations sur les feuilles de son carnet ou de brouillon qu'il conservait jalousement dans sa sacoche. Il écrivait mais ressentait avec tristesse que ce don demeurait encore incompris.

Issa Lorenzo Diakhaté était un jeune homme âgé d'environ une trentaine d'années et dont la taille devait se mesurer aux alentours des un mètre quatre vingt. Il demeurerait à jamais un mélange de cultures italiennes et sénégalaises grâce à sa mère et son père. Son enveloppe charnelle se définissait par une jolie musculature avec une forme fine de visage. Il coupait toujours ses cheveux courts qui étaient protégés d'un durag la majorité du temps. Il aimait l'histoire et la signification de ce couvre-chef. Portait-il également ces lunettes de vue discrètes aux verres carrés par utilité ou style ? Son nez présentait des proportions normales voire banales mais la finesse de ses lèvres attirait l'attention. Il s'habillait de façon très simple avec un coup vent, un T-shirt blanc, un jogging noir (ou un jean) et des baskets. Il possédait un sens du détail incomparable puisqu'il complétait souvent ses tenues par des pièces favorites telles qu'une ceinture de l'une des plus célèbres maisons de coutures françaises de maroquinerie marron... Cette couleur se retrouvait d'ailleurs sur l'ourlet de son pantalon parce que son pied atterrit malencontreusement dans une des nombreuses flaques d'eau de la cité.

Issa ne parvenait plus à réorganiser correctement ses idées pour décider intelligemment du déroulement de ses actes. Il était perdu et paniqué mais se devait d'agir afin de protéger son intégrité physique, sa réputation et son futur. Cette pochette contenait certes un commerce illégal et le seul agissement lui paraissant sensé lors de cet instant peuplé d'incertitudes... Il jeta sa sacoche par un geste désespéré. La seule cachette banale qu'il aperçut fut les buissons.

Ce qui nous lie - Freeze CorleoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant