Chapitre 9 : Logo Audi

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« Et j'ai fini par une course dans le parc. Je m'suis échauffé, étiré et j'ai fait le retour à pied. ». Lorenzo racontait la fin de son récit à Giovanna pendant qu'elle concluait son travail. Il voulait lui partager ses efforts afin qu'il crée un lien avec elle, surtout parce qu'il sentait qu'elle souhaitait s'accorder une pause en cette fin de journée. Ils ressentaient également une faim tenace. 

« Tu as bien fait puisque chacun exerce une activité qui lui procure une certaine source de satisfaction. Lecture, écriture... As-tu déjà goûté l'une des spécialités lilloise, celle des gaufres au goût vanille ? », lui répondit Giovanna en fermant l'écran de son ordinateur. Elle répartit et rangea les feuilles volantes et s'amusa devant l'expression ébahie de Lorenzo : « J'arrive dans quinze minutes. ».

Il se retrouva donc vite seul mais n'hésita même pas à commander deux menus et des mets pour les petites faims. Lorenzo était impatient que Giovanna rentre et le livreur arrive. À peine il répondit aux messages de son équipe qu'il fut appelé par le délivreur. Il descendit les marches tel un sportif chronométré, récupéra les sacs malheureusement essoufflé puis vit apparaître Giovanna.

Une semaine qu'elle et lui partageaient une cohabitation tolérante et paisible. Lorenzo était rassuré par les habitudes immuables de Giovanna : ces règles lui permettaient de construire un processus de guérison fiable et durable.

« Merci pour ce repas Lorenzo. », dit-elle tandis qu'elle passait son badge devant le système sécurisé de l'ascenseur. Ils s'y engagèrent et apprécièrent l'odeur du cadeau de l'autre. Ils étaient impatients...

« Cimer à toi de t'être déplacée. ». Lorenzo répondit sérieusement à Giovanna bien qu'il était impatient de lui parler de son projet. Il désirait retourner au Sénégal, notamment pour voir son grand-père. Il ne savait pourtant pas quelle stratégie adopter avec elle car trouvait à chaque fois un défaut à ses plans. « Tu te souviens de la punchline de Nekfeu J'ai essayé d'te raconter tout ce qui s'est passé depuis la dernière fois ? ». Il s'accorda volontairement une pause afin d'analyser la réaction de Giovanna, qui l'encouragea silencieusement par son regard débonnaire. Elle lui confirma ainsi qu'elle se remémorait de cet extrait. « J'ai toujours vu mon aïeul à Dakar comme un sage. J'dois partir j'sais aps comienb de temps mais j'reviendrai. ».

« Tu agis bien comme tu le veux et surtout tel que tu le sens. », rétorqua Giovanna sans amertume ni remords. Lorenzo la regarda avec étonnement parce qu'il ne pensait pas qu'elle réagirait d'un tel pacifisme. Il croyait en effet que beaucoup de femmes ressentaient une peur de l'abandon. Elle posa les sacs cartonnés dans l'entrée, alla se laver les mains et ouvrit sa trousse de manucure pour installer tout le matériel nécessaire pour le soin des ongles et à la pose d'un nouveau vernis bleu-noir. Il fut en réalité déçu. Osirus lui avait raconté des dizaines de fois les sentiments de doute exprimés par ses conquêtes dont il s'éloignait d'un jour à l'autre. Lorenzo était limite envieux de l'attachement que ses filles avaient pour son ami alors que Giovanna ne laissait rien transparaître. « Tu sais jouer aux échecs ? ». Pourquoi l'interrogeait-elle même si elle connaissait déjà la réponse ?

« T'en as pour comienb de temps à faire ton activité là ? Une trentaine de minutes ? Laisse-oim redécouvrir le rôle des pièces, leur place et je te gagne le nouveau tournoi que j'viens d'inventer. La coupe sera sponso par le logo Audi car le premier prix serait une de ces bagnoles que je kiffe trop. ». Lorenzo savait qu'il devrait s'accorder un temps de réflexion face à Giovanna qui devait maîtriser ce jeu puisqu'elle lui en avait proposé une partie. Il déploya alors ce magnifique jeu en bois avec des figures mesurant au moins cinq centimètres. Il s'ébahit de sa mémoire à la fois si passée et présente. « Tes produits sentent la mort ! J'préfère limite quand tu fumes plutôt que tu respires ces trucs. », déclara-t-il tandis qu'il s'accordait une pause à chercher le paquet de cigarettes et un briquet.

« Tu devrais savoir ce que tu veux Lorenzo ! Je te rappelle que tu m'as engueulé à propos de cette même consommation il y a quelques jours ! », annonça Giovanna en secouant ses mains.

« Tu aspires autant de fumée que les trois personnage fumeurs dans One Piece ! », dénonça-t-il pendant qu'il rattachait son durag. Il estimait ce combat et devait préparer son mental et physique.

« J'ai sur le bout de la langue ton prénom presque effacé, tordu comme un boomerang... Mon esprit l'a rejeté de ma mémoire car la bringue et ton amour m'ont épuisé. », fredonna-t-elle de ce sourire malin qu'il tentait à chaque fois d'ignorer pour mieux y résister. Il était dans un déni incroyable.

Lorenzo était capable d'enregistrer les conversations partagées avec Giovanna et remarqua à ce moment qu'il avait accumulé tant de détails qu'il pouvait facilement lui avouer toutes ses observations. Il la jugeait bien concentrée pour une personne habituée aux tournois d'amateurs. Elle s'octroya de plus un temps de rangement lent, et s'assit enfin devant Lorenzo. Il sortit deux euros de sa poche et : « Pile ou face ? », afin qu'ils essayent de se désigner comme le joueur qui engagerait l'affrontement.

« Double-face. », telle la référence à l'un des anti-héros de l'univers de Batman. Giovanna avait découvert ces fictions avec un esprit très critique mais avait quand même reconnu cet imaginaire parfois crédible. Lorenzo commencerait pour la première fois, bien que cette histoire avait été déclenchée par elle. Il tourna donc la partie blanche de l'échiquier vers lui. Pion en e4. Elle répondit immédiatement en c5. Défense sicilienne. Giovanna et Lorenzo se dévisagèrent et reconnurent l'ambition dans leurs regards. Ils déplacèrent encore quatre pions et le portable de Giovanna vibra. Une fois, deux, trois... Elle soupira d'agacement et il reconnut une notification qu'il détestait, celle que l'un de ses contacts a envoyé un message vocal. Elle leva son regard au ciel et balaya l'indication sans aucun regret.

« Tu réponds aps ? », s'inquiéta-t-il presque en voyant que les dizaines informations s'accumulaient. Il tenta de déstabiliser Giovanna mais elle plaça parfaitement le coup suivant et Lorenzo s'exaspéra de lui-même.

« Il est vingt-heures trente. », répondit-elle avec difficulté après le coup sournois de Lorenzo qui se souvint soudainement que... « Je déteste être dérangée pendant mes heures de travail et repas. Mes horaires de détente sont quasiment tous les jours identiques ! J'en informe les personnes autour de moi mais certaines d'entre elles n'ont pas apparemment encore compris que je déteste les vocaux. ». 

« Surtout que t'es ienb partie pour quinze minutes là... J'comprends aps que ton interlocuteur soit pas gêné de voir que tu réponds par messages. ». Lorenzo parlait étonnamment en connaissance de cause, parce qu'il avait déjà sermonné un de ces gars friand de ces discours prolixes et inutiles.

Giovanna appuya sur le bouton lecture sans gêne et le sujet finit néanmoins par l'intéresser. Wattpad était décidément l'origine d'une partie de ses discussions : « Tu veux savoir mon opinion ? ». Lorenzo releva un sourcil mais accepta d'écouter les rares plaintes de Giovanna. « Ce site peut te rendre fou à cause de la courses aux vues et abonnés. ».

« Si celui qui avait le plus de succès en premier voulait vraiment partager sa notoriété avec ses amis, il inciterait son public à les découvrir. ». Lorenzo appliqua l'exemple de Giovanna dans son domaine.

Ils ne dormirent que très peu cette nuit, trop occupés à enchaîner les victoires et défaites, les débats à propos de n'importe quel sujet de la vie, du rap et meilleur soir durant lequel acheter le billet d'avion.

Ce qui nous lie - Freeze CorleoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant